REVISION
DE LA CONSTITUTION POUR M. BIYA:
Les camerounais peuvent-ils
l’accepter ?
Comment imposer, contre la volonté du
peuple, une modification de la Constitution, dont la seule finalité est de permettre
à Monsieur Biya de briguer un nouveau mandat ? Tel est le problème qui
préoccupe le plus le régime camerounais ces derniers temps. C’est un gros
problème, dans la mesure où en vérité, très peu d’éléments militent en faveur
de M. Biya. Son bilan par exemple est loin d’être élogieux; et même s’il
l’était, comment comprendre qu’un tel camerounais, qui est loin, mais alors
très loin, de représenter ce que notre pays peut produire de mieux en terme de
qualification, de compétence et d’engagement patriotique, qui a déjà passé, par
les moyens peu honorables que nous savons tous, 45 ans au sommet de l’Etat,
dont 25 comme Président de la République s’accroche avec tant de hargne ?
25
ans, c’est trop, et ça suffit.
25 ans, c’est un quart de siècle ;
c’est un âge que beaucoup de camerounais n’ont pas pu atteindre, en raison des
taux de mortalité infantile élevés ; il serait intéressant de savoir quel
est le pourcentage de camerounais de cet âge,
qui ont pu braver les nombreux dysfonctionnements de notre système
éducatif malade, pour avoir le Baccalauréat ; beaucoup de mariages,
déstabilisés par les politiques sociales inadaptées (mise en chômage, salaires
réduits, gelés, impayés, etc…) n’ont pas duré si longtemps ; en 25 ans,
beaucoup de corps de la fonction publique vont à la retraite, et de nombreux
camerounais qui ont été recrutés à 35 ans dans ces corps feront à peine 25 ans
de carrière.
Fonction
discréditée.
Cette attitude de M. Biya, qui consiste
à s’accrocher au pouvoir sans se soucier de ce peuvent en penser les
camerounais, contribue à dévaloriser et à discréditer la fonction
présidentielle, convoitée uniquement pour les multiples avantages matériels
qu’elle procure ; elle donne la
possibilité dans notre contexte autocratique, de manipuler le pouvoir législatif, pour s’octroyer une immunité, laquelle
met ses promoteurs au dessus de la loi, et surtout à l’abri de toute poursuite,
permettant ainsi à un groupuscule de prendre en otage tout un peuple ; objectif
à atteindre par tous les moyens, sujet sur lequel se cristallisent et se
focalisent toutes les attentions, objet de toutes les ambitions et de toutes
les convoitises, avouées ou non, dévoilées ou cachées, malsaines ou non,
illégitimes ou non, cette fonction est devenue une source de division, un moyen
de coercition, de domination et d’oppression de nos populations. Pour y
parvenir, certains sont prêts à toutes les compromissions et à tous les
sacrifices ; ils n’hésiteraient pas à mettre le pays à feu et à sang s’il
le fallait. L’Etat s’en sort désacralisé et décrédibilisé, en raison l’image
négative qu’en donnent ses hauts commis.
L’article 6.2. qu’on veut ainsi changer
n’a jamais été appliqué ; on ne voit donc pas, en dehors des sophismes et autres spéculations de la
dialectique spécieuse que ces messieurs affectionnent, quels sont les inconvénients
réels de ses dispositions ; qu’est-ce qui fait donc problème ?
Détournement
de pouvoir.
Ce qui dérange davantage, c’est les
moyens dont le pouvoir use pour museler la population et l’empêcher de
s’exprimer ; les seules manifestations autorisées sont celles qui sont « inoffensives »,
à défaut d’aller dans le sens souhaité par le pouvoir. L’administration
camerounaise, comme d’habitude est utilisée pour faire la volonté de M. Biya.
Le gouverneur du Littoral se permet ainsi d’interdire les manifestations dans son
territoire de compétence ; les forces de l’ordre établi sont mises à
contribution pour disperser les manifestants, à défaut de les empêcher de se
réunir, et de quelle manière ! L’on perçoit une fébrilité qui ne peut
s’expliquer que par la conviction qu’a le pouvoir, que les populations ne
souhaitent pas voir notre loi fondamentale modifiée dans le sens souhaité par
lui, et indiqué par M. Biya lui-même dans son discours de fin d’année.
La brutalité de la répression vise à
dissuader les populations de participer à d’autres manifestations. L’une des manifestations
sévèrement réprimée a eu lieu le 23 février 2008, pendant que le carnaval de
Bonapriso, qui est une manifestation publique avec des centaines de
participants se déroule dans la rue sans problème, avec les policiers qui
accompagnent, sans réprimer. Mais peut-on museler indéfiniment une population
comme celle du Cameroun ?
L’administration
prise en otage.
L’administration est-elle au service
d’un individu ou au service du peuple ? Les ressources humaines et
matérielles de l’Etat appartiennent-elles à M. Biya ? Telle est la
question qui revient. Les média publics (CRTV, Cameroon Tribune) financés le contribuable sont transformés en
instrument de manipulation, de désinformation au profit de M. Biya. Ainsi, on y donne la parole uniquement à ceux qui
soutiennent le projet de modification du fameux article 6.2. Quand on interdit
aux journalistes du service public de participer aux débats dans les chaînes de
télévision privées, comme cela a été révélé lors de l’émission Canal Presse du 17 février 2008 de Canal
2 International, cela signifie que la liberté d’expression n’est que de façade,
et que la ligne éditoriale des média publics est essentiellement caractérisée
par un directivisme inacceptable, au mépris de la déontologie journalistique.
De l’autre coté, les députés sont mis à
contribution ; ils sont choyés, avec notamment leurs émoluments qui sont
accrus, pour vaincre toute résistance de leur part ; en se laissant
acheter, l’instance législative prouve sa collusion avec l’exécutif, qu’elle
devrait pourtant contrôler ; le pouvoir constituant dérivé va ainsi être
mise en œuvre pour une question aussi cruciale, qui aurait dû normalement faire
intervenir le pouvoir constituant originaire.
Pourquoi
un débat maintenant ?
Il
n’y a donc pas de débat sur la question, et s’il en fallait un, pourquoi
faudrait-il le faire maintenant ? Ils ont déjà réussi à focaliser
l’attention sur cette question de révision, négligeant au passage les problèmes
de l’heure, qui accablent les populations. Ne peut-on pas attendre que
l’élection présidentielle de 2011 ait lieu, avant de réviser en toute
sérénité la Constitution ? Cela apaiserait ceux qui comme moi, pensent que
la levée de la limitation des mandats pour permettre à M. Biya de se
représenter est la seule et véritable motivation du pouvoir. Quand la France
appelle à un débat démocratique et pacifique sur la question dans son
communiqué du 25 février 2008, elle prend déjà parti pour le régime de Yaoundé,
puisqu’elle lui concède que le moment est indiqué pour ce débat. D’ailleurs, le
pouvoir minoritaire et illégitime de Yaoundé n’a jamais eu l’intention
d’organiser un débat sur la question ; sa stratégie consiste à donner la
parole à quelques farceurs qui le soutiennent, afin de faire croire que l’opinion
est favorable à ce projet, avant d’aller le faire avaliser par un Parlement
déjà acquis à sa cause. Le régime de Yaoundé est essentiellement réfractaire et
imperméable au dialogue ; il excelle dans la roublardise, dans les manigances
et la tromperie, et ses promesses n’engagent que ceux qui ont la naïveté d’y
croire.
Le
Cameroun, un volcan endormi
Le Cameroun est le seul peuple qui a
pris les armes contre la colonisation française, c’est encore l’un des rares peuples
qui a organisé les villes mortes en Afrique ; c’est donc un volcan endormi
qui peut se réveiller à tout moment ; le pouvoir, qui en est conscient
perçoit dans les manifestations de Douala et les marches de Mboua Massock, les
signes avant coureurs du réveil qu’ils redoutent. Que peuvent en effet les
policiers contre un peuple déchainé ? Pas grand-chose.
Peur
panique de l’après-pouvoir.
Il faut dire que ce qui effraie le
pouvoir, ce sont les multiples coups de force qu’il a perpétrés contre le
peuple et contre la démocratie. Chaque exaction a contribué à faire monter la
pression, et à mesure que le temps passe, l’on se rapproche de l’instant
fatidique de l’explosion.
C’est surtout la perspective de
l’après-pouvoir, quand il faudra rendre
compte de tous les crimes, dérives et
autres extorsions commis qui constitue une véritable hantise pour M. Biya. Mais
s’accrocher au pouvoir, vouloir quitter le pouvoir dans un cercueil, c’est
opter pour la fuite en avant ; cela aggrave la situation de ces messieurs,
parce que leur présence au pouvoir signifie que la récréation continue ;
les prévaricateurs vont pouvoir continuer leur sale besogne ; c’est une option
porteuse de graves dangers ; voyez ce qui se passe au Tchad ; c’est
la conséquence d’une modification de la Constitution imposée par Idriss Déby
dans les mêmes conditions qu’au Cameroun. Les penchants autocratiques endormis
dans certains camerounais des autres tribus vont les pousser à utiliser cela
demain comme prétexte pour légitimer leur désir de battre le record des
Béti-Boulou et des Fulbé au pouvoir. M. Biya s’apprête à poser un acte d’une
irresponsabilité historique inexprimable ; en est-il seulement conscient ?
Aveuglé qu’il est par le goût du lucre, obnubilé qu’il est par la convoitise et
le désir de puissance.
Une
légitimité sujette à caution.
De quelle légitimité un tel régime,
passé maître en coups fourrés antidémocratiques peut-il se prévaloir ? Toutes
les élections ont été truquées, ce qui a aboutit à des institutions dont la
légitimité est sujette à caution. La Communauté Internationale qui condamne
souvent à tort certains coups d’état devrait sérieusement reconsidérer sa
position, et reconnaître aux peuples le droit de se débarrasser de ces tyrans
boulimiques qui ne songent qu’à s’éterniser au pouvoir, et dont les règnes
s’accompagnent de calamités pour les populations.
La réaction du pouvoir est la preuve
qu’il sait la grande majorité de la population opposée à la volonté de M. Biya
qui n’a d’ailleurs jamais été qu’un mal élu, de s’éterniser au pouvoir.
250208
TCHASSE
JEAN-CLAUDE
PLEG,
Syndicaliste
Tel :
677134916/694617377
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