Princesse NDONGO NGALLE Rité :
Symbole de la répression aveugle
d’Ahidjo.
L’émission Tribune de l’histoire de la chaîne CANAL 2,
édition rediffusée le 19 août 2006
a été consacrée au
parcours pathétique de la Princesse NDONGO NGALLE Rité, victime de la répression,
des abus et des excès endurés, pendant le règne de Ahidjo par les upécistes (militants
de l’UPC) et leurs sympathisants, ou sur tous ceux qui étaient soupçonnées de
l’être. Oui, au simple soupçon, vous étiez arrêté et conduit sans ménagement dans
les fameuses Brigades Mixtes Mobiles (BMM) et les célèbres prisons de Yoko, de
Tcholliré et de Mantoum, où les pires supplices vous étaient infligés.
Cette ancienne
fiancée de MOUKOKO Priso, upéciste connu, est née en 1945, puisqu’elle a dit
avoir obtenu le CEPE en 1956 à l’âge de 11 ans ; son père la trouvant trop
jeune lui a fait reprendre le CM2 avec ce premier diplôme. Elle ira au Lycée
Leclerc en 1957, où elle poursuivra des études secondaires sanctionnées par un
BAC série philosophie en 1964 ; cette même année, elle obtiendra une
bourse qui lui permettra de s’inscrire à l’Ecole des traducteurs et
d’interprètes de Paris. Elle en est ressortie trilingue Anglais Français
Allemand. Elle retourne au Cameroun une première fois en 1968 où elle commence
un stage à la Présidence
de la République ;
elle repartira pour revenir définitivement en 1972 ; elle est recrutée à
l’Agence Camerounaise de Presse (ACAP) en 1972, où elle travaille jusqu’en
1974, année où elle va à la Société
Camerounaise de Banque (SCB) à la demande de son oncle édouard Koula ; elle ne va y
travailler que deux ans à peu près avant son arrestation en juin ou juillet
1976. elle est transférée à la BMM d’abord, puis à YOKO.
L’hémiplégie dont
les traces physiques restent visibles sur son visage, résulte d’un coup qu’elle
a reçu sur la tête, d’un « eunuque du nord »
à la BMM, et qui
aurait été mortel si elle ne s’était pas protégée de la main, selon ses propos.
Son attitude, certains gestes, son habillement, et le fait qu’elle ait accordé
son interview assise pratiquement à même le sol avec le journaliste Ananie
Rabier Bindzi, à la véranda d’une maison inhabitable parce que inachevée et
sans toiture, laisse croire que ce fameux coup reçu à la BMM aurait aussi atteint son intégrité
mentale. Tombée malade pendant sa détention à YOKO, elle sera ramenée à l’Hôpital
Central de yaoundé, où elle sera
internée jusqu’à la levée de son « internement administratif », le 7
avril 1978, grâce à Germaine Ahidjo qui lui exprimait ainsi sa reconnaissance
de s’être un temps occupé de Danielle TOUFIK, l’enfant issu de son premier
mariage avec un ingénieur agronome nommé TOUFIK.
Pourquoi les
sbires de la police secrète dirigée par le sinistre Jean Fochivé l’ont-elle
arrêté ? Le régime d’Ahidjo avait à
son encontre plusieurs griefs ;
- Il y a d’abord sa proximité idéologique avec l‘UPC d’une part, qui s’est traduite par son appartenance, pendant ses études supérieures en France à l’UNEK, où militaient tous les étudiants camerounais upécistes, et son engagement syndical d’autre part ; tout en se réclamant socialiste et guévariste, elle dit n’avoir jamais été upéciste, parce qu’elle trouvait les communistes trop tristes ;
- le fait qu’elle était fiancée de MOUKOKO Priso ;
- enfin et surtout, l’affaire des tracts que les upécistes avaient pris un malin plaisir, au grand dam du régime de répandre au Cameroun à partir de 1975.
Dans le cadre
de cette affaire de tracts qui disaient en substance que l’économie camerounaise
était à terre, et que Ahidjo devait changer de manière de gouverner ou
démissionner, Henri Moukouri le rédacteur, Mouen Gaspard chez qui ces documents
compromettants étaient confectionnés, et Ebelle Tobbo ont été arrêtés. Voyant
la mort venir, ils auraient décidé d’entraîner avec eux tous leurs anciens
camarades de l’UNEK ; c’est ainsi qu’ils ont cité entre autres la Princesse NDONGO
Ngalle et l’arbitre bien connu et ancien centralien Emmanuel Bityeky. Ebelle
Tobbo et Mouen Gaspard qui ont refusé de témoigner à l’écran, ne seront libérés
qu’en 1982, suite à la démission de Ahidjo.
Elle n’était
impliquée ni dans la réalisation, ni dans la distribution des tracts, comme le
confirmera d’ailleurs Moukoko Priso à qui elle
reproche d’avoir confié, à la suite du refus du philosophe SINDJOUN
POKAM des les assumer, des responsabilités à des personnes peu aguerries :
« ne devient pas rebelle qui veut », lance-t-elle.
Alors pourquoi a – t – elle été prise à
partie ? Victime de l’intolérance, de l’arbitraire et de la frénésie répressive
subséquents du régime d’Ahidjo, elle n’a jamais été jugée. N’allez donc pas
chercher une décision de justice pouvant justifier son arrestation, sa
détention et les mauvais traitements qu’on lui a fait subir.
Voilà un cadre
qui après sa formation n’a pas pu servir la République (elle n’a
travaillé que pendant quatre ans), et qui a été persécutée, pour ses
idées ; son seul crime est d’avoir pensé « autrement » ; Ahidjo
a assis son règne sur la terreur ; c’est ainsi que ses proches et ses camarades
qui avaient intégré l’administration camerounaise n’osaient pas lui rendre
visite, ou alors le faisaient en cachette. Certains auraient même demandé
qu’elle soit assassinée. Parmi ceux – ci elle cite Samuel Eboua, ancien élève
de son père et Secrétaire Général de la Présidence de qui dépendait le Centre National de
la Documentation,
Mbombo Njoya actuel Sultan des Bamoun, qui n’ont pas levé le petit doigt pour
la faire libérer. Elle cite également Rabiatou Njoya, traductrice à la Présidence, Elisabeth
Tankeu ancien ministre et actuellement membre de la Commission de l’Union
Africaine.
Ce qui est
étonnant, c’est que malgré cette carrière ratée, sa maladie, son dénuement
matériel, et le décès de sa fille, elle demeure optimiste ; agée de
61 ans, elle voudrait fermer la page du passé et se tourner résolument vers l’avenir;
elle a pardonné à tous ceux qui l’ont persécutée et qui lui ont fait du mal. Elle
appelle sa maison inachevée « château de l’espérance ».
ce qui est admirable c’est que sa foi
en Dieu est demeuré intacte. Elle ne se demande pas pourquoi l’Eternel a permis
que tous ces malheurs l’accablent. Elle continue de le prier, de le louer et de
lui rendre grâce comme elle l’a prouvé en agrémentant l’interview de chansons à
sa gloire. Voilà un exemple à méditer. Prions- nous le Seigneur dans l’espoir
qu’il nous comblera de bienfaits ?
Elle a précisé
qu’elle ne voulait pas que le journaliste sorte triste de leur entretien. Elle
dit qu’elle a le plus souffert de cette affaire de tract, mais elle ne
considère pas qu’elle a payé.
Princesse
Ndongo Ngallé est le symbole de la sous utilisation, de nos ressources
humaines ; du rejet de nos cadres coupables d’être de mal pensants, du
refus du développement par un régime en mal de légitimité, imposé par les
manœuvres françaises au lendemain de l’indépendance, qui avait peur de son
ombre. Peut-on dénombrer ceux qui ont été froidement abattus comme Ossendé
Afana ? Et les disparus ? Et ceux qui ont préféré rester à l’étranger,
nous privant du même coup de leurs compétences, combien sont-ils ? La
formation de ces cadres a coûté cher au contribuable et ils n’ont pas pu servir
, malgré leur bonne volonté. le
système mandataire qui gère ce pays depuis les années soixante est le principal
responsable de la fuite des cerveaux dont notre pays est victime. Où serait notre pays aujourd’hui si toute
cette intelligentsia avait été tolérée et intégrée dans notre administration ?
Ahidjo aurait peut être perdu ce pouvoir qui lui tenait tant à cœur ; mais
le Cameroun aurait sans doute été mieux géré.
L’état
d’esprit qui animait le régime d’Ahidjo reste à l’ordre du jour et continue de
faire des ravages aujourd’hui. Le pouvoir actuel a été contraint par la rue et
le vents de l’Est dans les années 90 à procéder à une libéralisation forcée de
la vie politique. La terreur continue de marquer les esprits des populations
traumatisées par les tortures dans les BMM et les disparitions des esprits
libres. Voilà qui peut être explication certainement partielle de l’indolence,
l’apathie et la résignation des différentes couches, qui rend extrêmement
difficile la mobilisation des camerounais en ce moment où les populations sont confrontées,
en l’absence de politique économique, aux exigences des instituions de Bretton
Woods dans le cadre de la politique d’ajustement structurel rebaptisé initiative
PPTE, qui se traduisent par les
privatisations, une fiscalité inadaptée, qui tue les entreprises individuelles
au lieu de les encourager, les incessantes hausses des prix du carburant. A tout
de la s’ajoute le tribalisme la corruption et les détournements de deniers
publics. Qui nous protègera de nos protecteurs ?
200806
Tchassé
jean – claude.
Plesg,
syndicaliste.
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