INSCRIPTIONS
SUR LES LISTES ÉLECTORALES :
Qu’est-ce qui fait problème ?
Les
inscriptions sur les listes électorales sont en cours et semble-t-il, ce n’est
pas le grand engouement apparemment souhaité par certains acteurs. À la mi-mars,
l’on en était encore à 4 800 000 inscrits ; la cible était initialement
de 7 000 000 d’inscrits à atteindre en fin février 2013. Il a fallu
proroger la date des inscriptions pour atteindre le chiffre annoncé. Si l’on
prend en compte le temps mis pour obtenir ces résultats, la mobilisation du
gouvernement, du RDPC, le temps qui reste, force est de constater qu’il y a
problème. Il y une désaffection des camerounais vis-à-vis de la chose électorale.
Pourquoi ? Serait-on tenté de se demander ; surtout lorsqu’on se
rappelle les forts taux de participation observés à l’occasion des élections
pluralistes des années 90.
II
ne faut pas chercher midi à 14h, comme qui dirait ; les camerounais dénoncent
et rejettent le processus électoral actuel. Ils sont désabusés et résignés
; comment pourrait-il en être autrement lorsque toutes les élections organisées
dans notre pays, même avant l’indépendance, ont été entachées d’irrégularités
et de fraudes monstrueuses ; jamais, au grand jamais, on n’a organisé
d’élections libres dans ce pays.
Le
camerounais lambda sait que son vote ne compte pas parce que les suffrages
exprimés sont parfois supérieurs au nombre de votants au profit de qui vous
savez ; les morts votent tandis que des citoyens bien vivants doivent
effectuer un véritable parcours du combattant à la recherche de leurs cartes,
parfois en vain ; les urnes disparaissent dans les forets sacrés ; il
y a des charters d’électeurs, qui parcourent les bureaux pour voter de
multiples fois ; tout cela dans l’impunité la plus totale ; en effet,
aucun des sous-préfets, préfets ou cadre de l’administration impliqués dans les
manipulations électorales n’a jamais été sanctionné ; bien au contraire,
ils ont plutôt été promus à de plus hautes fonctions.
La
neutralité de l’organe chargé d’organiser et de superviser les élections est
toujours sujette à caution ; certains le considèrent, à tort ou à raison,
comme une sous-section du RDPC en raison de la présence ostentatoire dans les
instances dirigeantes des caciques de ce parti ; il n’y a pas de consensus
sur la loi électorale. On a souvent entendu les partisans du régime déclarer
« que vous votiez pour nous ou non,
nous allons gagner », donnant ainsi l’impression que les élections dont
les résultats sont connus d’avance, sont juste une formalité pour une
communauté internationale toujours complaisante. Les élections sont autant de
parties de « qui perd gagne ».
Ce
passé peu rassurant s’ajoute au fait que les inscriptions actuelles ne sont pas
suivies de la délivrance immédiate de la carte d’électeur ; en quoi
sont-elles biométriques ? Suffit-il que l’on utilise des ordinateurs pour
qu’elles le soient ? Y a-t-il un fichier central ? Un même électeur
peut-il s’inscrire plusieurs fois ?
En
outre, l’implication du RDPC, principal organisateur et bénéficiaire des
fraudes massives qui ont découragé l’électeur
camerounais, dans le processus d’inscription n’est pas pour rassurer.
L’échec de leur campagne de sensibilisation en vue d’encourager les
inscriptions à l’occasion de l’élection présidentielle d’octobre 2011 n’a
donc rien enseigné à ces Messieurs et Dames ? Le faible taux de
participation à cette élection est un indicateur du faible degré de confiance
des camerounais en ce parti. Et le faible taux d’inscription ci-dessus relevé
prouve à suffire que ce parti n’a jamais été que minoritaire. On ne peut pas comprendre en effet qu’un
parti qui se targue de majorités soviétiques ne soit pas capable de persuader
les camerounais de s’inscrire, malgré la forte implication des ses élites,
appuyés par les ressources publiques !!
En
dépit de la gratuité de la CNI, mesure prise soit disant pour encourager les
inscriptions, l’échec est si cuisant
cette fois que certains envisagent même d’exiger la carte de vote dans les
services administratifs, ce qui serait un grave recul dans notre processus
démocratique.
Au
lieu de toute cette agitation tardive et inopportune dont l’impact est nécessairement
limité, voilà quelques actions qui pourraient rassurer les camerounais et les inciter à
s’inscrire : nommer à la tête l’organe chargé des élections des
camerounais neutres ou à défaut des camerounais de tous les partis
représentatifs, adopter une loi électorale consensuelle, avec une élection
présidentielle à deux tours, avec limitation effective du mandat présidentiel.
Ces propositions ne sont pas des révélations ; elles ont déjà été faites
par d’autres acteurs. Pourquoi ne sont-elles pas prises en compte ?
Ceux
qui s’évertuent à pontifier sur l’importance du vote, comme si les citoyens
n’en étaient pas conscients, ont tout faux ; soit ils n’ont pas compris,
soit ils sont de mauvaise foi. Le camerounais a besoin d’être sûr que son vote
va effectivement compter, ce qui est loin d’être le cas actuellement. Dans les
véritables démocraties, le suffrage a un pouvoir réel parce qu’il est
respecté ; au Cameroun, avec ce régime, on singe la démocratie ; le
suffrage a été spolié de son pouvoir par le régime qui ne peut pas survivre à
des élections transparentes.
Pourquoi
le gouvernement camerounais qui a confisqué l’initiative législative au
Parlement, dans la mesure où aucune proposition de loi venant de l’opposition
ne peut y prospérer, pourquoi donc ce régime autocratique, où l’exécutif
contrôle le législatif et le judiciaire refuse-t-il de s’inspirer de ce qui se
passe dans des pays africains comme le Sénégal, le Bénin, le Ghana en matière
d’élections ? Et si l’on veut nous opposer la spécificité camerounaise, il
suffirait d’impliquer dans le processus électoral toutes les parties
prenantes ; ce ne sont ni les idées, ni les propositions qui manquent. Le
problème c’est un régime qui redoute des
élections transparentes et qui se sert de sa position au pouvoir pour contrôler
et verrouiller le processus électoral, afin de se maintenir ad vitam aeternam
au pouvoir, contre la volonté des populations.
Autant
la fourberie et les trucages du régime sont à déplorer, autant l’apparente résignation des camerounais est
injustifiable. En effet, les camerounais victimes des tripotages et des
manœuvres électoraux semblent dire « ce régime est prêt à tout pour
conserver le pouvoir, qu’il y reste donc ». Une telle attitude ne peut que
aider ce régime à assouvir sa soif inextinguible de pouvoir autoritaire et éternel.
Le camerounais est épris de liberté et de justice, comme l’ont prouvé les
soulèvements successifs depuis l’époque coloniale. Il faut sortir de cette
léthargie suicidaire et agir. Comment ? L’Histoire nous montre comment des
peuples tyrannisés se sont libérés.
200113
TCHASSÉ Jean-Claude
PLEG HE/Bafoussam
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