[Analyse] Attentats à Paris: Comment lutter efficacement contre l'EI?
Entre
19h50 et 20h25 dimanche soir, vingt bombes ont été lâchées par 10
avions de chasse français sur le fief du groupe terroriste à Raqqa.
REUTERS/ECPAD-French Defence Ministry/Handout via Reuters
Deux jours après les attentats
qui ont ensanglanté Paris, la riposte a commencé. Le ministère français
de la Défense a annoncé que 20 bombes avaient été larguées par dix
avions de chasse français sur Raqqa en Syrie, le fief du groupe Etat
islamique. Objectif : détruire un poste de commandement et un camp
d'entraînement. Quel est le sens de cette riposte militaire ? Faut-il y
voir un changement de la stratégie de la France face à l'organisation
jihadiste ? Olivier Fourt, spécialiste défense de RFI, Anne-Marie
Cappomaccio, correspondante de RFI à Washington, Toufik Benaichouche,
reporter à RFI et Joseph Maïla, spécialiste du Moyen-Orient, livrent
leurs analyses. Extrait de notre édition spéciale de ce lundi matin.
RFI : Cette intensification des frappes françaises, est-ce que c’est le début d’une nouvelle phase militaire ?
Olivier Fourt : C’est difficile à dire, on va voir dans les prochains jours. Là, c’est effectivement une réponse politique, une riposte après ces attentats de Paris. Régulièrement, quand on discute avec des militaires français qui opèrent en Syrie, avec ces frappes aériennes depuis septembre, on nous dit : ça ne suffira pas.
Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que finalement, tuer un maximum de militants de l’organisation Etat islamique ne débouchera pas sur une solution. C’est toujours la fameuse idée de l’approche globale, avec une solution politique derrière et puis l’idée aussi de s’attaquer au flux, les flux de ravitaillement, des flux aussi qui sont immatériels.
Joseph Maïla : Destructurer l'organisation Etat islamique dans ses composantes territoriales, dans ses centres d'entraînement, participent de cet effort global. Mais tout le monde sait que cette réponse en soi n'est pas suffisante (...) Nous sommes sur une voie de montée symbolique, nous sommes sur une voie de déstructuration territoriale et logistique.
Mais nous ne sommes pas sur une voie de résolution politique de la globalité du conflit qui a fait émerger le groupe Etat islamique. C'est un épiphénomène, qui s'est greffé sur un phénomène plus large qui est la déstructuration de l'Irak et ensuite de la Syrie. L'EI naît en Irak en 2006, il prend son extension et arrive en Syrie en 2012 et tout cela naît dans un chaos régional.
La France a-t-elle visé les bonnes cibles dimanche soir ?
Toufik Benaichouche : Raqqa est une cible symbolique. Il fallait le faire, c’est la capitale de l’Etat autoproclamé islamique. Comme on l’a dit et comme on le dit depuis plusieurs jours, les frappes sont nécessaires, mais ce n’est pas suffisant. En fait, si on veut vraiment faire la guerre à l'EI, il faut s’attaquer aux sources de richesse du groupe Etat islamique. L'organisation représente environ 3 millions de dollars par jour. Ses revenus sont considérables !
D'où proviennent ces revenus ?
Toufik Benaichouche : Ils arrivent du pétrole. Ils ont fait main-basse sur les gisements pétrolifères de Mossoul, qui sont d’une richesse incroyable. Et ils ont mis la main aussi sur les champs pétrolifères de Syrie. C’est 90 000 barils par jour ! C’est donc 3 millions de dollars par jour ! Ce qui signifie qu’ils disposent d’une cagnotte supérieure à bien des pays, même développés. C’est ça la source de tous les maux. Et ça, tout le monde le sait, c’est notoire.
Comment se fait cette contrebande de pétrole ?
Toufik Benaichouche : L’Etat islamique n’invente rien. Il reprend les pistes que l’Irak empruntait, lorsqu’il était sous embargo pétrolier. C'est-à-dire que le pétrole, à la fois de Mossoul, donc d’Irak et de Syrie, transite par deux pays : la Turquie, membre de l’Otan - notre alliée -, et la Jordanie. La Jordanie n’a jamais eu une goutte de pétrole, c’est son malheur. C’est dû à la géographie. Et depuis de longues années, c’est notoire, le pétrole irakien ou syrien passe par la voie de la contrebande, par la Jordanie. Donc, il faut assécher cela.
A Washington, on débat également de l’article 5 du traité de l’Otan, qui prévoit qu’une attaque contre l’un des pays membres peut être considérée comme une attaque contre l’ensemble de l’Alliance atlantique. Que cela signifie-t-il ?
Anne-Marie Cappomaccio : Les Etats-Unis soutiendront la France si Paris prend la décision d’invoquer cet article 5. C’est ce qu’a déclaré Ben Rhodes, conseiller de Barack Obama pour la sécurité intérieure. C’est une question qui fait l’unanimité aux Etats-Unis. Plusieurs candidats républicains à la présidentielle - l’ancien gouverneur de Floride Jeb Bush, le sénateur Marco Rubio - se sont exprimés dans le même sens : si la France invoque l’article 5, nous devons soutenir Paris, ont-ils tour à tour déclaré.
Par ailleurs, Lindsay Graham, sénateur de Caroline du Sud, a plaidé à nouveau pour un engagement sur le terrain en Syrie, contre les terroristes de l’Etat islamique. Il préconise l’envoi de troupes au sol. C’est la thèse qu’il défend depuis le début de la crise syrienne.
Depuis plusieurs années, les Etats-Unis surveillent les réseaux financiers qui alimentent le terrorisme, n'est-ce pas ?
Toufik Benaichouche : Depuis dix ans, les Américains ont constitué un organisme chargé de pister les réseaux financiers qui alimentent le terrorisme. Ce n’est pas le cas pour l’Europe, ce n’est pas le cas pour la France. C’est une institution qu’il faut mettre d’urgence sur place. L’argent, c’est le nerf de la guerre.
Dans cette logique, un homme politique français, Bruno Le Maire, avait demandé en 2012, lorsque le groupe Etat islamique faisait des conquêtes territoriales extrêmement importantes, qu'une commission d’enquête soit lancée au Parlement, sur les relations entre le Qatar et les flux financiers. Cette commission d’enquête a été refusée.
Olivier Fourt : C’est difficile à dire, on va voir dans les prochains jours. Là, c’est effectivement une réponse politique, une riposte après ces attentats de Paris. Régulièrement, quand on discute avec des militaires français qui opèrent en Syrie, avec ces frappes aériennes depuis septembre, on nous dit : ça ne suffira pas.
Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que finalement, tuer un maximum de militants de l’organisation Etat islamique ne débouchera pas sur une solution. C’est toujours la fameuse idée de l’approche globale, avec une solution politique derrière et puis l’idée aussi de s’attaquer au flux, les flux de ravitaillement, des flux aussi qui sont immatériels.
Joseph Maïla : Destructurer l'organisation Etat islamique dans ses composantes territoriales, dans ses centres d'entraînement, participent de cet effort global. Mais tout le monde sait que cette réponse en soi n'est pas suffisante (...) Nous sommes sur une voie de montée symbolique, nous sommes sur une voie de déstructuration territoriale et logistique.
Mais nous ne sommes pas sur une voie de résolution politique de la globalité du conflit qui a fait émerger le groupe Etat islamique. C'est un épiphénomène, qui s'est greffé sur un phénomène plus large qui est la déstructuration de l'Irak et ensuite de la Syrie. L'EI naît en Irak en 2006, il prend son extension et arrive en Syrie en 2012 et tout cela naît dans un chaos régional.
La France a-t-elle visé les bonnes cibles dimanche soir ?
Toufik Benaichouche : Raqqa est une cible symbolique. Il fallait le faire, c’est la capitale de l’Etat autoproclamé islamique. Comme on l’a dit et comme on le dit depuis plusieurs jours, les frappes sont nécessaires, mais ce n’est pas suffisant. En fait, si on veut vraiment faire la guerre à l'EI, il faut s’attaquer aux sources de richesse du groupe Etat islamique. L'organisation représente environ 3 millions de dollars par jour. Ses revenus sont considérables !
D'où proviennent ces revenus ?
Toufik Benaichouche : Ils arrivent du pétrole. Ils ont fait main-basse sur les gisements pétrolifères de Mossoul, qui sont d’une richesse incroyable. Et ils ont mis la main aussi sur les champs pétrolifères de Syrie. C’est 90 000 barils par jour ! C’est donc 3 millions de dollars par jour ! Ce qui signifie qu’ils disposent d’une cagnotte supérieure à bien des pays, même développés. C’est ça la source de tous les maux. Et ça, tout le monde le sait, c’est notoire.
Comment se fait cette contrebande de pétrole ?
Toufik Benaichouche : L’Etat islamique n’invente rien. Il reprend les pistes que l’Irak empruntait, lorsqu’il était sous embargo pétrolier. C'est-à-dire que le pétrole, à la fois de Mossoul, donc d’Irak et de Syrie, transite par deux pays : la Turquie, membre de l’Otan - notre alliée -, et la Jordanie. La Jordanie n’a jamais eu une goutte de pétrole, c’est son malheur. C’est dû à la géographie. Et depuis de longues années, c’est notoire, le pétrole irakien ou syrien passe par la voie de la contrebande, par la Jordanie. Donc, il faut assécher cela.
A Washington, on débat également de l’article 5 du traité de l’Otan, qui prévoit qu’une attaque contre l’un des pays membres peut être considérée comme une attaque contre l’ensemble de l’Alliance atlantique. Que cela signifie-t-il ?
Anne-Marie Cappomaccio : Les Etats-Unis soutiendront la France si Paris prend la décision d’invoquer cet article 5. C’est ce qu’a déclaré Ben Rhodes, conseiller de Barack Obama pour la sécurité intérieure. C’est une question qui fait l’unanimité aux Etats-Unis. Plusieurs candidats républicains à la présidentielle - l’ancien gouverneur de Floride Jeb Bush, le sénateur Marco Rubio - se sont exprimés dans le même sens : si la France invoque l’article 5, nous devons soutenir Paris, ont-ils tour à tour déclaré.
Par ailleurs, Lindsay Graham, sénateur de Caroline du Sud, a plaidé à nouveau pour un engagement sur le terrain en Syrie, contre les terroristes de l’Etat islamique. Il préconise l’envoi de troupes au sol. C’est la thèse qu’il défend depuis le début de la crise syrienne.
Depuis plusieurs années, les Etats-Unis surveillent les réseaux financiers qui alimentent le terrorisme, n'est-ce pas ?
Toufik Benaichouche : Depuis dix ans, les Américains ont constitué un organisme chargé de pister les réseaux financiers qui alimentent le terrorisme. Ce n’est pas le cas pour l’Europe, ce n’est pas le cas pour la France. C’est une institution qu’il faut mettre d’urgence sur place. L’argent, c’est le nerf de la guerre.
Dans cette logique, un homme politique français, Bruno Le Maire, avait demandé en 2012, lorsque le groupe Etat islamique faisait des conquêtes territoriales extrêmement importantes, qu'une commission d’enquête soit lancée au Parlement, sur les relations entre le Qatar et les flux financiers. Cette commission d’enquête a été refusée.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire