mercredi 4 novembre 2015

LES TECHNIQUES DE FRAUDES ÉLECTORALES.




LES TECHNIQUES DE FRAUDES ELECTORALES

Description : http://philippotavocat.fr/wp-content/uploads/2014/05/Elections.jpgParler d’élections démocratiques en Afrique francophone est ridicule. Cela fait rire les tenants de notre démocratie tropicalisée en premier. Eux qui sont conscients  du caractère factice des consultations électorales qu’ils se croient obligés d’organiser périodiquement. Dans un contexte où le pouvoir judiciaire n’est pas indépendant, nos cours constitutionnelles ou suprêmes selon le cas, manipulées et contrôlées par un exécutif hyperpuissant, s’en trouvent réduites à un rôle peu glorieux : donner un aspect légal en les avalisant, aux hold-ups électoraux perpétrés. Ce théâtre de mauvais goût ne suffit évidemment pas pour conférer la légitimité et l’adhésion populaire dont tout Gouvernement qui se veut sérieux, a besoin pour conduire son action, dont l’objectif principal devrait être le développement de nos pays.
Le fait que l’on trouve des présidents ayant battu des records de longévité au pouvoir, et qui s’en vantent même,  est en soi la preuve que les élections sont truquées. Il n’est pas possible en effet, qu’un même individu « gagne » systématiquement des élections parfois avec des scores qui feraient pâlir d’envie les dirigeants de l’ex-URSS, sans recourir à ces méthodes viles et basses. Ces régimes trichent aux élections parce qu’ils savent qu’ils ont lamentablement échoué. Ils n’ont pas su répondre aux aspirations légitimes de leurs populations, et ce n’est pas tout. Ils se sont distingués par des comportements anti patriotiques (détournements de deniers publics, gaspillage et déprédation des ressources, violation de la loi, atteintes aux droits de l’homme, tribalisme, prévarication) si graves qu’ils se disent qu’en cas d’alternance, ils sont perdus. Ce sont de véritables renégats, qui se sont souvent conduits comme s’ils étaient de passage, comme s’ils avaient un autre pays ; ils ont repris à leur compte des actes détestables de l’administration coloniale. C’est donc la peur de devoir assumer la responsabilité de leur comportement répréhensible qui peut justifier en partie leur refus de jouer le jeu démocratique. Le goût du lucre, la recherche des honneurs, la quête de la gloire, la soif inextinguible des privilèges, l’attrait irrésistible et incontrôlé des biens matériels, bref, rien de bien noble dans les motivations intrinsèques de ces messieurs et dames.
Fausser le jeu électoral, c’est frustrer une bonne partie de la population dont on détourne les suffrages, c’est confisquer la souveraineté du peuple, c’est préparer la guerre. En effet, si le bulletin du vote (ballot) perd son pouvoir, qu’est-ce qui reste à la population comme recours ultime ? Le vote ne sert à rien. Et on a même entendu les pontes du régime déclarer « que vous votiez pour nous ou non, nous allons gagner ». L’élection qui devrait être l’occasion de rendre compte de la gestion de la cité, et qui devrait aussi permettre de sanctionner les gouvernants devient inutile. Elle est réduite à un exercice dispendieux, dont la pertinence dans ces conditions est sujette à caution, et c’est l’occasion de dilapider et de détourner nos maigres ressources. Dans ces conditions, la mauvaise gestion continue allègrement, avec des dirigeants qui sont sûrs de leur impunité et qui deviennent arrogants, inconscients  et insouciants. Ils s’installent dans la médiocrité, l’impéritie, la concussion, l’inconséquence que ne peuvent afficher que  des dirigeants irresponsables, se sachant mal élues, peu soucieuses de redevabilité. Les élections sont transformées en parties de « qui perd, gagne ». C’est comme cet examen de fin d’année où est déclaré admis le cancre qui a accumulé de mauvaises notes, pour avoir passé l’année scolaire à s’amuser. C’est cela même, la caractéristique des régimes autocratiques imposés dès le début par la France et qui se cramponnent au pouvoir. Le mandat électoral a perdu son sens, puisqu’il est de durée indéterminée.  
Description : http://lainfo.es/fr/wp-content/uploads/lainfo.es-6210-sudafrica1.jpgCes Présidents « élus » dans ces conditions, conscients de leur manque de légitimité, s’entourent de gardes prétoriennes, comme au Burkina Faso avec le fameux et tristement célèbre RSP, qui n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.
Ceux qui ont été installés au pouvoir ont pour eux tous les avantages ; ils accaparent les ressources humaines et matérielles de l’Etat qu’ils utilisent impunément pour leur campagne. C’est l’une des plus grosses fraudes électorales. Le pouvoir de nomination du Président est en fait un moyen pour recruter les militants de son parti. Au Cameroun par exemple, les fonctionnaires ont été paupérisés pour rendre les nominations plus attractives. Le salaire du haut cadre ne suffit plus pour joindre les deux bouts. Il faut absolument se faire nommer, donc adhérer au parti au pouvoir, si l’on veut s’en sortir. Le maintien des bas salaires permet d’éliminer les potentiels candidats opposants. Puisque un fonctionnaire mal payé, et par conséquent plus préoccupé par sa survie va se désintéresser de la politique, s’il ne s’y engage pas pour soutenir le régime. Par ailleurs la puissance publique est déployée contre les opérateurs privées, les chefs traditionnels et les manifestations qui ne sont pas favorables au pouvoir.
Il est difficile dans ces conditions de partir sur des bases équitables. Seul le parti au pouvoir peut avoir des représentants dans tous les bureaux vote, surtout parce que ce parti considère les agents de l’administration comme ses membres.
Le recensement de la population se fait dans des conditions qui jettent le discrédit sur les résultats obtenus. On a mis cinq ans pour publier les résultats du recensement de 2005. Il faut dire que là encore ce sont le français qui ont commencé les manipulations des chiffres, avec le premier recensement, avant la prétendue indépendance de notre pays. Le tableau ci-dessous, qui provient du site de l’Institut National de la Statistique, donne l’évolution de la population totale et par région du Cameroun entre 1976 et 2013.

Région
Année
1976
1987
2005
2009p
2010p
2012p
2013p
Adamaoua
359 334
495 185
884 289
999455
1031903
1098165
1131978
Centre
1 176 743
1 651 600
3 098 044
3471978
3580006
3803 931
3919828
Est
366 235
517 198
771 755
798561
805317
818139
824204
Extrême-Nord
1 394 765
1 855 695
3 111 792
3435302
3525773
3709691
3803138
Littoral
935 166
1 352 833
2 510 263
2822462
2909318
3085304
3174437
Nord
479 158
832 165
1 687 959
2009728
2089924
2240649
2311179
Nord-Ouest
980 531
1 237 348
1 728 953
1793413
1816580
1870148
1900547
Ouest
1 035 597
1 339 791
1 720 047
1775736
1795308
1840137
1865394
Sud
315 202
373 798
634 655
685885
698227
720833
731099
Sud-Ouest
620 515
838 042
1 316 079
1373385
1395931
1449957
1481433
Cameroun
7 663 246
10493 655
17 463 836
19 165905
19 648 287
20 636 954
21143 237
On remarque que la population a plus que doublé et a même triplé dans certaines régions, tandis que à l’Ouest et au Nord-Ouest les augmentations ne sont que de 93% et de 80% respectivement.  Y a-t-il eu des calamités qui ont décimé les populations dans ces régions ? Le taux de croissance de la population y est-il plus faible ? Comme par hasard ce sont les régions réputées hostiles au pouvoir de Yaoundé. La manipulation du chiffre de la population est une technique bien connue, mais souvent ignorée. Cela permet de diminuer le nombre d’électeurs et d’élus favorables à l’opposition. Puisque c’est sur cette base que se fait la répartition des circonscriptions électorales et le nombre d’élus (conseillers municipaux, députés, conseillers, etc.). Par la suite les projets de développement se font en fonction du chiffre de la population.
La répartition des communes et des députés par province se présente ainsi qu’il suit :
Province
Population en 2010
Nombre de communes
Ratio : nombre d’habitants pour une commune
Nombre députés
Ratio : nombre d’habitants pour un député
Adamaoua
1031903
16
64493,938
10
103190,3
Centre
3580006
68
52647,147
28
127857,36
Est
805317
32
25166,156
11
73210,636
Extrême Nord
3525773
45
78350,511
29
121578,38
Littoral
2909318
31
93848,968
19
153122
Nord
2089924
19
109996
12
174160,33
Nord-Ouest
1816580
32
56768,125
20
90829
Ouest
1795308
41
43788
25
71812,32
Sud
698227
25
27929,08
11
63475,182
Sud-Ouest
1395931
27
51701,148
15
93062,067
total
19 648 287
336
58447,044
180
109157,15

Les fraudes ci-dessous proviennent de l’ouvrage PRÉVENIR ET LUTTER CONTRE LA FRAUDE ÉLECTORALE AU CAMEROUN publié en 2012 par un groupe d’ONG camerounaises avec l’appui de la Friedrich Ebert Stiftung.
·         Allouer la majorité des circonscriptions dans les zones favorables à certains partis politiques.
·         Entretien du flou en ce qui concerne la date exacte de l’élection.
·         Refus d’inscrire sur les listes électorales.
·         Inscription multiples sur les listes électorales
·         Refus de délivrer un récépissé à un électeur après inscription.
·         Insuffisance d’information envers le public sur le processus de la part d’ELECAM ; ELECAM ne communique pas suffisamment sur la période, la procédure et les lieux d’inscription.
·         Non production des cartes d’électeurs/trices : Les cartes des citoyens/nes dûment inscrits/e sur une liste électorale ne sont pas produites par ELECAM.
·         Production des cartes ne répondant à aucune inscription sur une quelconque liste électorale : elle consiste à produire des cartes d’électeurs/trices qui n’appartiennent à personne pour gonfler les chiffres en ce qui concerne le nombre d’électeurs/trices.
·         Production de plusieurs cartes pour un/e même électeur/trice ; elle consiste à doter un électeur de plusieurs cartes soit en changeant certains éléments de son identification, soit en lui procurant plusieurs cartes pour plusieurs bureaux de vote différents.
·         Choisir les centres de vote difficilement accessibles au public ; il s’agit de choisir des centres dans des lieux difficilement accessibles (domiciles privés, lamidos, chefferies etc.) et dont l’accès est conditionné par une orientation du vote.
·         Non affichage ou affichage tardive des listes électorales.
·         Non affichage ou affichage tardif des listes des bureaux de Vote.
·         Non affichage des listes devant le bureau de vote : les listes électorales contenant les noms des électeurs ne sont pas affichées à l’entrée de chaque bureau de vote. Les électeurs n’ont donc aucun moyen de vérification.
·         Bureaux de vote fictifs ; il s’agit de l’existence dans certains centres de vote des bureaux de vote enregistrés ayant une existence matérielle sans opérations électorales officielles. Ils servent très souvent de réserve de voix au profit de certains partis politiques ou candidats.
·         Présence des bureaux de vote dans les lieux non ouverts au public ; les bureaux de vote qui doivent être dans des lieux publics ou ouverts au public tels les écoles, les foyers, les centres Description : http://ichef.bbci.co.uk/news/ws/660/amz/worldservice/live/assets/images/2015/03/29/150329081353_nigeria_elections_inec_official_512x288_getty.jpgde police ou de gendarmerie se retrouvent fixés dans les domiciles privés, des lieux non accessibles à tous limitant ainsi la liberté de l’électeur en lui mettant une pression psychologique lui indiquant telle ou telle autre intention de vote.
·         Absence, insuffisance du matériel électoral ; absence de l’isoloir, des bulletins de candidats ou liste de candidats,  des enveloppes, des urnes, des sacs à rébus… etc.
·         Le transport des urnes vers une destination inconnue aux conséquences du choix des centres non éclairés ou de suite de coupure d’électricité.
o   -L’affectation des bureaux dans des lieux non éclairés et aucune disposition prise afin de permettre son éclairage avant le moment du dépouillement du scrutin
o   -Un dépouillement fait dans le noir ne permettant pas le contrôle pendant le décompte, ce qui favorise les bourrages des urnes et la publication des résultats erronés
o   -Pour ce qui est des coupures d’électricité, elles conduisent au transport des urnes vers une destination inconnue et en chemin, les transporteurs profitent pour bourrer les urnes et falsifier les PV.
·         La corruption des électeurs par le rachat des bulletins non choisis.
·         Faire voter des personnes dont les noms ne figurent pas sur la liste ou étant en possession des cartes d’électeurs ne leur appartenant pas.
·         Vote multiple d’un électeur avec une identité erronée ; Il s’agit pour un électeur en possession de plusieurs identités de voter plus d’une fois et de la délivrance de plusieurs cartes à une même personne avec une falsification subtile de ses noms et/ou prénoms. exemple : l’on vote une 1ère fois avec l’identité ONANA Jean Jacques, une seconde fois avec ONANA Jean J. et une troisième avec ONANA J.J. avec un changement ou non de la date de naissance.
·         Expulsion des représentants de certains partis politiques ou candidats. C’est le fait pour les membres du bureau de vote de mettre les représentants de certains partis politiques ou candidats à l’extérieur du bureau les privant ainsi de leur droit de contrôler le scrutin, afin de procéder au bourrage des urnes et à la falsification des PV.
·         Les membres du bureau de vote empêchent les électeurs de participer au dépouillement.
·         Modification des procès-verbaux ; elle consiste à changer les résultats sortis des urnes soit :
o   -En falsifiant les procès-verbaux ;
o   -En permutant les résultats ;
o   -En fabricant des nouveaux procès-verbaux.
o   -En annulant les procès-verbaux
·         Corruption des membres de la commission communale de supervision de vote ; il s’agit du marchandage entre les membres, de la manipulation, de la pression ou du trafic d’influence.
·         Rejet des recours ; il consiste à annuler de façon expéditive les recours et de ce fait les rejeter sur la forme.
·         Annulation fantaisiste et cavalière des élections.
Description : https://encrypted-tbn0.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcSm2ja46oUWUIZoWkRtZ2nAb09yUyRFDc5cMkQ-SVrxB_ZCQG3oNAL’organe électoral ELECAM mis sur pied surtout en raison de la défaillance grave d’une administration foncièrement incompétente et corrompue, qui s’est montrée incapable de rester neutre et impartiale durant le processus électoral, est dirigé par des membres du parti au pouvoir en violation des textes l’instituant, lesquels recommandent la désignation des personnalités indépendantes. Aux élections couplées de 2012, la liste des candidats RDPC à Douala II aurait dû être disqualifiée parce qu’elle était incomplète ; ils ont été autorisés, en violation de la loi de compléter cette liste après les délais de dépôt. D’autre part, des modifications de la loi électorale ont permis à l’administration, qui a toujours favorisé le parti au pouvoir et qui est à l’origine des multiples fraudes relevées, à s’impliquer de nouveau dans le processus électoral.
Le virus de la fraude électorale a été inoculé par la France, pour combattre l’UPC. Imaginez un examen où les cancres réussissent tandis que les bons élèves échouent.

011115
Jean-Claude TCHASSE
Auteur, Essayiste

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