BREF SURVOL DE
L’HISTOIRE DU CAMEROUN
Note de lecture de l’ouvrage « Cameroun : Histoire d’un
nationalisme /1884-1961 » par Daniel ABWA. Éditions CLE Yaoundé
2010.
Le Cameroun, Afrique
en miniature est un pays situé au fond du Golfe de guinée entre les parallèles
de 2° et 12° de latitude Nord, de superficie 475 442 km2. C’est un
pays marqué par une grande diversité ethnique et culturelle qui regroupe toutes
les races de l’Afrique bantoue et de l’Afrique soudanaise. C’est le pays des Sawa,
des Bakweri, Bassa, Bafia, Banen, Nyokon, Ewondo, Eton, Maka, Baya, Bamileke,
Bamoun, Bafut, Nso, Foulbé, Kotoko, Arabe Choa, Massa, Toupouri, Matakam,
Kapsiki, Fali, Moundang, entre autres.
Ce sont les
carthaginois qui découvrent au cours du périple de Hannon dans l’antiquité un
mont en ébullition qu’ils appelleront « char des dieux ». Ce mont sera
appelé plus tard le Mont Cameroun.
Par la suite, les
portugais arrivent au fond du golfe de Guinée au XVIè siècle à la recherche des
esclaves ; ils sont émerveillés par l’abondance des écrevisses dans le
fleuve Wouri qu’ils appelleront « rio dos camaroes ». La déclinaison
espagnole du mot portugais camaroes est camerones ; le nom Cameroun
provient de ces mots.
Les anglais sont les
premiers européens à s’installer sur la côte à partir de XIXè siècle. Ils
entrent alors en contact les souverains
Sawa les plus puissants de la Côte ; il s’agit de King Bell et de
King Akwa ; ceux-ci vont adresser à la reine Victoria des correspondances
lui demandant d’annexer leurs territoires.
L’Allemagne
s’installe après les anglais qui n’ont pas vite perçu l’intérêt que les
territoires Sawa pouvaient avoir pour eux ; ce sont surtout les maisons de
commerce allemandes qui sont sur le terrain ; ainsi, la maison Woermann de
Hambourg fonde une maison de commerce à Douala en 1868 ; elle est suivie
par la maison Jantzen und Thormälen en 1875 ; l’empire allemand n’a pas
encore de représentant sur le territoire.
La période du
protectorat va de 1884 à 1916 ; le traité germano-duala est signé le 12
juillet 1884 ; ce traité comporte
cinq réserves qui précisent qu’il ne s’agissait pas d’un abandon total de
souveraineté à l’Allemagne ; un problème est posé par Bwanga Koum (Lock
Priso), le chef Bonaberi (Hickory town) qui s’oppose au traité ; la
réaction des allemands est violente : ils bombardent Hickory Town et Joss
Town le 18 décembre 1884.
Les puissances
impérialistes européennes en concurrence sur le continent africain organisent
en 1884 la fameuse conférence de Berlin pour se partager l’Afrique, considérée
comme un gâteau ; aucun africain n’a été impliqué ni de près, ni de loin à
ces assises. Les frontières tracées arbitrairement ont divisé des familles qui ont
été éparpillées dans 2 voire 3 pays différents. C’est à partir de cette date
que les allemands à qui avaient été concédés les territoires qu’ils occupaient
déjà vont progresser vers l’intérieur, ce qu’ils ont appelé
« hinterland ». Cette progression ne sera pas une partie de
plaisir ; en effet, les allemands vont rencontrer des résistances et vont
devoir livrer bataille ; il faut signaler le caractère héroïque des
nationalistes qui voulaient protéger leurs territoires ; en effet, aux
troupes allemandes appuyées par des indigènes, et armées de fusils, de
mitrailleuses et de canons, ils opposaient des lances, des arcs, des flèches et
surtout leur détermination et leur courage. Parmi ceux qui ont combattu avec
détermination les envahisseurs, nous pouvons citer :
Le lamido de Rey,
Bouba Ndjida qui affronte l’expédition du Dr Siegfried Passarge.
Le Lamido Mohaman
Lamou de Tibati s’est opposé aux troupes de Von Kamptz ; l’allemand est
malheureusement soutenu par les lamibe de Banyo et de Ngaoundéré et le chef
Tikar de Ngambé.
Plus au Sud, les
Bassa de Ndog Bea vont infliger de lourdes pertes aux allemands au cours d’une
bataille dont les détails n’ont pas été précisés.
Le Chef Vouté,
Nguilla Neyoong, successeur de Nguilla Gomtse va opposer une résistance
farouche aux troupes allemandes sous les ordres de Hans Dominik de 1896 à 1899.
Parmi les soldats allemands, on retrouve un certain Martin Paul Samba qui sera
même blessé par les hommes de Neyoong.
Le successeur de
Neyoong, Nguilla Lima va continuer la résistance jusqu’à sa mort.
La relève va être
assurée par le Nguilla Ngouté qui va résister de 1902 à 1906.
Au total les Vouté
vont résister à l’invasion allemande de 1888 à 1906 sous la conduite des
Nguilla (chefs) Neyoong, Lima et Ngoute.
Les Banen vont
également opposer de la résistance à la pénétration allemande sous la conduite
de Manibem Tombi et de Somo Mambock,
« munen » des Ndiki (1906-1911). Impressionnés par une résistance
aussi farouche, les allemands vont appeler Manibem Tombi le « lion noir
des Banen » ; c’est pour cela que les Banen revendiquent la paternité
du lion insigne de l’armée camerounaise, et le nom lions indomptables porté par
nos équipes nationales et en particulier par l’équipe de football.
À l’Est le Chef
Yezoum Simekoa se bat héroiquement contre les allemands au début des années
1900. Il est vaincu à cause de la trahison de Mebenga Obono plus connu sous le
nom de Martin Paul Samba longtemps présenté comme héros de la lutte nationale.
En réalité, il a collaboré pendant longtemps avec les allemands ; il les a
aidés à conquérir notre pays ; il ne s’est révolté qu’après avoir réclamé,
en vain le titre de Chef supérieur Boulu ; en effet, les allemands avaient
conféré un titre analogue (chef supérieur Ewondo) à Charles Atangana en
reconnaissance des immenses services rendus aux envahisseurs.
Les Baya sous la
conduite de leur chef Mbartoua (qui a donné le nom de la ville Bertoua) ont
mené la vie dure aux allemands.
La résistance Maka
est vaincue par suite de la trahison, une fois de plus de Martin Paul Samba.
Les Maka ont combattu les allemands de 1904 à 1910 sous la conduite du stratège
Nguelémendouga, de son vrai nom Nkal Matsounga.
Pour s’imposer, les
allemands trouvent toujours des autochtones pour les aider à combattre leurs
frères autochtones.
Les allemands
s’installent au Cameroun et signent des accords avec les anglais et les
français pour délimiter le territoire. Commence alors une autre phase de la
résistance avec les Rois Duala qui s’opposent à l’expropriation de leurs
terres. Ce combat est mené par Rudolf Douala Manga Bell assisté de son
secrétaire Ngosso Din. De multiples correspondances sont adressées au Reichstag
entre 1911 et 1914 pour dénoncer les exactions des allemands sur leur territoire
et réclamer justice. Conscient de la nécessité de se regrouper pour mieux
combattre l’envahisseur, il envoie des émissaires à l’intérieur du pays ;
ces émissaires devaient contacter les autres rois, dont malheureusement très
peu étaient prêts à se joindre au combat du héros qui est finalement pendu avec
son secrétaire le 9 août 1914.
Entre 1914 et 1918,
c’est la première guerre mondiale perdue par les puissances de l’axe, à l’issue
de laquelle le Cameroun est partagé entre les vainqueurs, la Grande Bretagne et
la France.
Pendant cette
première guerre, les camerounais sont divisés ; certains souhaitent la
victoire allemande, d’autres souhaitent leur défaite, et entre ces deux
positions, il y avait les indifférents ; chacun prend position en fonction
de ses intérêts personnels, sans tenir compte nécessairement de l’intérêt
général ; ceux de la première catégorie ont tiré bénéfice de la présence allemande ;
dans cette catégorie on retrouve Charles Atangana qui a servi les allemands
avec tant de zèle et d’enthousiasme que ceux-ci lui ont prouvé leur reconnaissance
en le nommant « Oberhaüptling »,
c’est-à-dire chef supérieur des Yaoundé et Bene. C’est une fonction nouvelle
créée spécialement pour lui ; jugez-en vous-même : il a accompagné,
en sa qualité d’écrivain-interprète Hans
Dominik dans ses expéditions militaires contre les résistants camerounais ;
on le retrouve dans ce rôle peu glorieux en en 1904 contre Mbida Mengue, chef
des Mbida Mbani, et contre les Manguissa, puis en 1907 contre les Maka.
À la fin de la
Grande Guerre, la Société des Nations (SDN) est créée et le Cameroun a le
statut de territoire sous mandat. Les puissances alliées remportent la victoire
et partagent le Cameroun, sans impliquer les concernés, sans demander leur
avis ; c’est pour cela qu’on a aujourd’hui des familles camerounaises avec
des membres anglophones et d’autres francophones ; Allions-nous entériner
cette situation ? L’UPC qui a vite compris a répondu non.
Le Cameroun est donc
divisé en deux territoires ; l’un sera sous mandat de 1916 à 1945, puis
sous tutelle britannique de 1945 à 1961 ; l’autre territoire sera sous
mandat de 1916 à 1945, puis sous tutelle française de 1945 à 1960.
La partie
britannique comprend deux zones : le Northern Cameroons et le Southern
Cameroons ; nous allons perdre la première partie, le Northern Cameroons,
au cours du reférendum organisé par l’ONU en 1961.
Dans le sud du
Southern Cameroons, les anglais regroupent les villages qu’ils placent sous
l’autorité de « paramount chief ».
Les premiers partis
politiques créés sont le Cameroon Welfare Union (CWU) de Gilbert J. Mbene
et le Cameroon Youth League (CYL) dont les fondateurs sont Paul Monyongo Mo
Kale, Emmanuel Mbela Lifafe Endeley, John Ngu Foncha. Les fondateurs du CYL
s’associent plus tard au Dr Nnamdi Azikiwe du Nigeria National Council (NNC)
pour former National Council of Nigeria and the Cameroons.
Dans la partie sous mandat
français, de nombreuses pétitions et contre pétitions sont adressés à la SDN.
Parmi les contre pétitions on peut citer celle rédigée le 3 avril 1931
par les chefs Yaoundé-Bene et adressée à la SDN pour protester contre celle
écrite par les indigènes de Douala pour obtenir l’autonomie du Cameroun.
Notre hymne
National, initialement appelé chant de ralliement patriotique est composé en
1928 à l’Ecole Normale de la Mission Presbytérienne Américaine de Foulassi par
Sangmélima par la première promotion d’élèves dont faisaient partie Jam Afane René,
Minkyo Bamba Samuel, Nyatte Nko’o Moïse et Nkomo Nanga Michel.
Entre les deux
guerres mondiales de nombreux mouvements à tendance politique sont créés ;
on distingue trois grandes orientations : les pro allemands qui demandent
la rétrocession du territoire à l’Allemagne ; les pro français demandent
que le territoire demeure sous mandat français. Il y a enfin le Comité National
de Défense des intérêts du Cameroun créé en France en 1936 qui rejette dos à
dos les français et les allemands et revendique l’autonomie du Cameroun. Les
mouvements suivants tombent dans la deuxième catégorie : l’Union
Camerounaise de Léopold Moumé Etia et Jean Mandessi Bell, la Jeunesse
Camerounaise Française de Soppo Priso Paul ; ces mouvements sont surtout suscités
par les français et ont leurs faveurs. La JEUCAFRA va devenir l’Union
Camerounaise Française (UNICAFRA) en 1945 à la suite des évènements sanglants
qui ont eu lieu à Douala cette année-là. Le nouveau mouvement est dirigé Paul
Soppo Priso, Paul Monthé, André Fouda, Jacques Kuoh Moukoury, etc. Un autre
mouvement créé à cette période est le Mouvement Démocratique Camerounais,
dirigé par Léopold Moumé Etia, Djoumessi Mathias, Célestin Takala, Ngando
Black. Le Cercle d’études sociales est animé par les communistes français
Gaston Donat, Maurice Soulier, Etienne Lalaurie ; parmi ceux qui fréquentaient
ce cercle taxé de marxiste, on compte Ruben Um Nyobé, Charles Assalé, Louis
Marie Pouka. Au congrès de l’UNICAFRA en avril 1947, est lancé le Rassemblement
Camerounais (RACAM), qui résulte de la fusion de tous les mouvements de
l’époque ; mais son existence sera de courte durée, puisque les dirigeants
de ce mouvement manifestent de plus en plus des velléités d’indépendance
d’esprit vis-à-vis des français, ce qu’ils n’apprécient guère.
À la fin de la
deuxième guerre mondiale la SDN cède la place à l’ONU ; les territoires
sous mandat deviennent des territoires sous tutelle. La Conférence de
Brazzaville est organisée en Janvier février 1944, pour une plus grande
participation des indigènes à la gestion politique de leurs territoires ;
aucun indigène n’y est pourtant impliqué. Le décret du 7 août 1944 autorise la
création des syndicats dans les colonies ; dans la foulée les camerounais
créent des partis politiques en s’inspirant de l’expérience acquise avec les
mouvements de la période antérieure.
C’est ainsi que
l’Union des Populations (UPC) est créée le 10 avril 1948 au café « chez
Sierra » à Douala par les douze camerounais suivants : Jacques Ngom,
Charles Assalé, Guillaume Hondt, Joseph Raymond Etoundi, Léonard Bouli,
Emmanuel Yap, Jacques Réné Biboum, H.R Mado, Léopold Moumé Etia, Georges Yemi,
Théodore Ngosso, Guillaume Bagal. Plusieurs listes circulent. Cette liste est
celle retenue par Abel Eyinga. Um Nyobé n’était pas présent. L’UPC est affiliée
au Rassemblement Démocratique Africain (RDA). Le premier Président de l’UPC est
Léonard Bouli ; il est remplacé par Etienne Libai à la suite de son
affectation disciplinaire ; Etienne Libai est ensuite remplacé par Ruben
Um Nyobé en novembre 1948. Ce dernier restera à ce poste jusqu’à son assassinat
le 13 septembre 1958. Pour contrer l’influence de plus en plus grandissante de
l’UPC qui s’affiche résolument nationaliste, l’administration coloniale
française suscite d’autres partis dirigés par des marionnettes qui se disent
« nationalistes modérés », par opposition au soit disant « radicalisme
de l’UPC ». Parmi ces partis, on peut citer Évolution Sociale Camerounaise
(ESOCAM) créé en juin 1949 et
« dirigé » par Pierre Dimalla ; ce parti s’illustre négativement
par des manœuvres anti upécistes et ses dirigeants n’hésitent pas à réclamer
des avantages et des faveurs à l’administration. Il y a aussi le Bloc
Démocratique Camerounais (BDC) crée en 1951 à l’initiative de Louis Paul
Aujoulat ; les prête-noms camerounais sont André Fouda, Charles Onana
Awana, Abéga Martin, Sakouma Philémon, etc.
L’UPC est le seul
parti qui réclame l’indépendance et la réunification du Cameroun. L’administration
coloniale redoute ce parti, d’autant plus que les partis administratifs se
révèlent peu efficaces dans la tâche qui leur avait
été confiée. C’est pour cela qu’en désespoir de cause et à la demande de Roland
Pré, cette administration interdit l’UPC
et ses organisations annexes par un décret du 13 juillet 1955 à la suite
des évènements de mai 1955. Ce parti est ainsi poussé au maquis et il va s’en
suivre une guerre que les français refusent d’assumer. Que faisait donc son
armée avec des officiers supérieurs parmi lesquels on trouve des vétérans
d’Algérie et d’Indochine, et des unités armées d’hélicoptères, de blindés, de
mitrailleuses et des FAL si loin de leur territoire ?
Jean-Claude
TCHASSE
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