samedi 12 septembre 2015

BREF SURVOL DE L’HISTOIRE DU CAMEROUN



BREF SURVOL DE L’HISTOIRE DU CAMEROUN

Note de lecture de l’ouvrage « Cameroun : Histoire d’un nationalisme /1884-1961 » par Daniel ABWA. Éditions CLE Yaoundé 2010.

Le Cameroun, Afrique en miniature est un pays situé au fond du Golfe de guinée entre les parallèles de 2° et 12° de latitude Nord, de superficie 475 442 km2. C’est un pays marqué par une grande diversité ethnique et culturelle qui regroupe toutes les races de l’Afrique bantoue et de l’Afrique soudanaise. C’est le pays des Sawa, des Bakweri, Bassa, Bafia, Banen, Nyokon, Ewondo, Eton, Maka, Baya, Bamileke, Bamoun, Bafut, Nso, Foulbé, Kotoko, Arabe Choa, Massa, Toupouri, Matakam, Kapsiki, Fali, Moundang, entre autres.
Ce sont les carthaginois qui découvrent au cours du périple de Hannon dans l’antiquité un mont en ébullition qu’ils appelleront « char des dieux ». Ce mont sera appelé plus tard le Mont Cameroun.
Par la suite, les portugais arrivent au fond du golfe de Guinée au XVIè siècle à la recherche des esclaves ; ils sont émerveillés par l’abondance des écrevisses dans le fleuve Wouri qu’ils appelleront « rio dos camaroes ». La déclinaison espagnole du mot portugais camaroes  est camerones ; le nom Cameroun provient de ces mots.
Les anglais sont les premiers européens à s’installer sur la côte à partir de XIXè siècle. Ils entrent alors en contact les souverains  Sawa les plus puissants de la Côte ; il s’agit de King Bell et de King Akwa ; ceux-ci vont adresser à la reine Victoria des correspondances lui demandant d’annexer leurs territoires.
L’Allemagne s’installe après les anglais qui n’ont pas vite perçu l’intérêt que les territoires Sawa pouvaient avoir pour eux ; ce sont surtout les maisons de commerce allemandes qui sont sur le terrain ; ainsi, la maison Woermann de Hambourg fonde une maison de commerce à Douala en 1868 ; elle est suivie par la maison Jantzen und Thormälen en 1875 ; l’empire allemand n’a pas encore de représentant sur le territoire.
La période du protectorat va de 1884 à 1916 ; le traité germano-duala est signé le 12 juillet 1884 ; ce traité  comporte cinq réserves qui précisent qu’il ne s’agissait pas d’un abandon total de souveraineté à l’Allemagne ; un problème est posé par Bwanga Koum (Lock Priso), le chef Bonaberi (Hickory town) qui s’oppose au traité ; la réaction des allemands est violente : ils bombardent Hickory Town et Joss Town  le 18 décembre 1884.
Les puissances impérialistes européennes en concurrence sur le continent africain organisent en 1884 la fameuse conférence de Berlin pour se partager l’Afrique, considérée comme un gâteau ; aucun africain n’a été impliqué ni de près, ni de loin à ces assises. Les frontières tracées arbitrairement ont divisé des familles qui ont été éparpillées dans 2 voire 3 pays différents. C’est à partir de cette date que les allemands à qui avaient été concédés les territoires qu’ils occupaient déjà vont progresser vers l’intérieur, ce qu’ils ont appelé « hinterland ». Cette progression ne sera pas une partie de plaisir ; en effet, les allemands vont rencontrer des résistances et vont devoir livrer bataille ; il faut signaler le caractère héroïque des nationalistes qui voulaient protéger leurs territoires ; en effet, aux troupes allemandes appuyées par des indigènes, et armées de fusils, de mitrailleuses et de canons, ils opposaient des lances, des arcs, des flèches et surtout leur détermination et leur courage. Parmi ceux qui ont combattu avec détermination les envahisseurs, nous pouvons citer :
Le lamido de Rey, Bouba Ndjida qui affronte l’expédition du Dr Siegfried Passarge.
Le Lamido Mohaman Lamou de Tibati s’est opposé aux troupes de Von Kamptz ; l’allemand est malheureusement soutenu par les lamibe de Banyo et de Ngaoundéré et le chef Tikar de Ngambé.
Plus au Sud, les Bassa de Ndog Bea vont infliger de lourdes pertes aux allemands au cours d’une bataille dont les détails n’ont pas été précisés.
Le Chef Vouté, Nguilla Neyoong, successeur de Nguilla Gomtse va opposer une résistance farouche aux troupes allemandes sous les ordres de Hans Dominik de 1896 à 1899. Parmi les soldats allemands, on retrouve un certain Martin Paul Samba qui sera même blessé par les hommes de Neyoong.
Le successeur de Neyoong, Nguilla Lima va continuer la résistance jusqu’à sa mort.
La relève va être assurée par le Nguilla Ngouté qui va résister de 1902 à 1906.
Au total les Vouté vont résister à l’invasion allemande de 1888 à 1906 sous la conduite des Nguilla (chefs) Neyoong, Lima et Ngoute.
Les Banen vont également opposer de la résistance à la pénétration allemande sous la conduite de Manibem Tombi et de  Somo Mambock, « munen » des Ndiki (1906-1911). Impressionnés par une résistance aussi farouche, les allemands vont appeler Manibem Tombi le « lion noir des Banen » ; c’est pour cela que les Banen revendiquent la paternité du lion insigne de l’armée camerounaise, et le nom lions indomptables porté par nos équipes nationales et en particulier par l’équipe de football.
À l’Est le Chef Yezoum Simekoa se bat héroiquement contre les allemands au début des années 1900. Il est vaincu à cause de la trahison de Mebenga Obono plus connu sous le nom de Martin Paul Samba longtemps présenté comme héros de la lutte nationale. En réalité, il a collaboré pendant longtemps avec les allemands ; il les a aidés à conquérir notre pays ; il ne s’est révolté qu’après avoir réclamé, en vain le titre de Chef supérieur Boulu ; en effet, les allemands avaient conféré un titre analogue (chef supérieur Ewondo) à Charles Atangana en reconnaissance des immenses services rendus aux envahisseurs.
Les Baya sous la conduite de leur chef Mbartoua (qui a donné le nom de la ville Bertoua) ont mené la vie dure aux allemands.
La résistance Maka est vaincue par suite de la trahison, une fois de plus de Martin Paul Samba. Les Maka ont combattu les allemands de 1904 à 1910 sous la conduite du stratège Nguelémendouga, de son vrai nom Nkal Matsounga.
Pour s’imposer, les allemands trouvent toujours des autochtones pour les aider à combattre leurs frères autochtones.
Les allemands s’installent au Cameroun et signent des accords avec les anglais et les français pour délimiter le territoire. Commence alors une autre phase de la résistance avec les Rois Duala qui s’opposent à l’expropriation de leurs terres. Ce combat est mené par Rudolf Douala Manga Bell assisté de son secrétaire Ngosso Din. De multiples correspondances sont adressées au Reichstag entre 1911 et 1914 pour dénoncer les exactions des allemands sur leur territoire et réclamer justice. Conscient de la nécessité de se regrouper pour mieux combattre l’envahisseur, il envoie des émissaires à l’intérieur du pays ; ces émissaires devaient contacter les autres rois, dont malheureusement très peu étaient prêts à se joindre au combat du héros qui est finalement pendu avec son secrétaire le 9 août 1914.
Entre 1914 et 1918, c’est la première guerre mondiale perdue par les puissances de l’axe, à l’issue de laquelle le Cameroun est partagé entre les vainqueurs, la Grande Bretagne et la France.
Pendant cette première guerre, les camerounais sont divisés ; certains souhaitent la victoire allemande, d’autres souhaitent leur défaite, et entre ces deux positions, il y avait les indifférents ; chacun prend position en fonction de ses intérêts personnels, sans tenir compte nécessairement de l’intérêt général ; ceux de la première catégorie ont tiré bénéfice de la présence allemande ; dans cette catégorie on retrouve Charles Atangana qui a servi les allemands avec tant de zèle et d’enthousiasme que ceux-ci lui ont prouvé leur reconnaissance en le nommant « Oberhaüptling », c’est-à-dire chef supérieur des Yaoundé et Bene. C’est une fonction nouvelle créée spécialement pour lui ; jugez-en vous-même : il a accompagné, en sa qualité d’écrivain-interprète  Hans Dominik dans ses expéditions militaires contre les résistants camerounais ; on le retrouve dans ce rôle peu glorieux en en 1904 contre Mbida Mengue, chef des Mbida Mbani, et contre les Manguissa, puis en 1907 contre les Maka.
À la fin de la Grande Guerre, la Société des Nations (SDN) est créée et le Cameroun a le statut de territoire sous mandat. Les puissances alliées remportent la victoire et partagent le Cameroun, sans impliquer les concernés, sans demander leur avis ; c’est pour cela qu’on a aujourd’hui des familles camerounaises avec des membres anglophones et d’autres francophones ; Allions-nous entériner cette situation ? L’UPC qui a vite compris a répondu non.
Le Cameroun est donc divisé en deux territoires ; l’un sera sous mandat de 1916 à 1945, puis sous tutelle britannique de 1945 à 1961 ; l’autre territoire sera sous mandat de 1916 à 1945, puis sous tutelle  française de 1945 à 1960.
La partie britannique comprend deux zones : le Northern Cameroons et le Southern Cameroons ; nous allons perdre la première partie, le Northern Cameroons, au cours du reférendum organisé par l’ONU en 1961.
Dans le sud du Southern Cameroons, les anglais regroupent les villages qu’ils placent sous l’autorité de « paramount chief ».
Les premiers partis politiques créés sont le Cameroon Welfare Union (CWU) de Gilbert J. Mbene et le Cameroon Youth League (CYL) dont les fondateurs sont Paul Monyongo Mo Kale, Emmanuel Mbela Lifafe Endeley, John Ngu Foncha. Les fondateurs du CYL s’associent plus tard au Dr Nnamdi Azikiwe du Nigeria National Council (NNC) pour former National Council of Nigeria and the Cameroons.
Dans la partie sous mandat français, de nombreuses pétitions et contre pétitions sont adressés à la SDN. Parmi les contre pétitions on peut citer celle rédigée le 3  avril 1931 par les chefs Yaoundé-Bene et adressée à la SDN pour protester contre celle écrite par les indigènes de Douala pour obtenir l’autonomie du Cameroun.
Notre hymne National, initialement appelé chant de ralliement patriotique est composé en 1928 à l’Ecole Normale de la Mission Presbytérienne Américaine de Foulassi par Sangmélima par la première promotion d’élèves dont faisaient partie Jam Afane René, Minkyo Bamba Samuel, Nyatte Nko’o Moïse et Nkomo Nanga Michel.
Entre les deux guerres mondiales de nombreux mouvements à tendance politique sont créés ; on distingue trois grandes orientations : les pro allemands qui demandent la rétrocession du territoire à l’Allemagne ; les pro français demandent que le territoire demeure sous mandat français. Il y a enfin le Comité National de Défense des intérêts du Cameroun créé en France en 1936 qui rejette dos à dos les français et les allemands et revendique l’autonomie du Cameroun. Les mouvements suivants tombent dans la deuxième catégorie : l’Union Camerounaise de Léopold Moumé Etia et Jean Mandessi Bell, la Jeunesse Camerounaise Française de Soppo Priso Paul ; ces mouvements sont surtout suscités par les français et ont leurs faveurs. La JEUCAFRA va devenir l’Union Camerounaise Française (UNICAFRA) en 1945 à la suite des évènements sanglants qui ont eu lieu à Douala cette année-là. Le nouveau mouvement est dirigé Paul Soppo Priso, Paul Monthé, André Fouda, Jacques Kuoh Moukoury, etc. Un autre mouvement créé à cette période est le Mouvement Démocratique Camerounais, dirigé par Léopold Moumé Etia, Djoumessi Mathias, Célestin Takala, Ngando Black. Le Cercle d’études sociales est animé par les communistes français Gaston Donat, Maurice Soulier, Etienne Lalaurie ; parmi ceux qui fréquentaient ce cercle taxé de marxiste, on compte Ruben Um Nyobé, Charles Assalé, Louis Marie Pouka. Au congrès de l’UNICAFRA en avril 1947, est lancé le Rassemblement Camerounais (RACAM), qui résulte de la fusion de tous les mouvements de l’époque ; mais son existence sera de courte durée, puisque les dirigeants de ce mouvement manifestent de plus en plus des velléités d’indépendance d’esprit vis-à-vis des français, ce qu’ils n’apprécient guère.
À la fin de la deuxième guerre mondiale la SDN cède la place à l’ONU ; les territoires sous mandat deviennent des territoires sous tutelle. La Conférence de Brazzaville est organisée en Janvier février 1944, pour une plus grande participation des indigènes à la gestion politique de leurs territoires ; aucun indigène n’y est pourtant impliqué. Le décret du 7 août 1944 autorise la création des syndicats dans les colonies ; dans la foulée les camerounais créent des partis politiques en s’inspirant de l’expérience acquise avec les mouvements de la période antérieure.
C’est ainsi que l’Union des Populations (UPC) est créée le 10 avril 1948 au café « chez Sierra » à Douala par les douze camerounais suivants : Jacques Ngom, Charles Assalé, Guillaume Hondt, Joseph Raymond Etoundi, Léonard Bouli, Emmanuel Yap, Jacques Réné Biboum, H.R Mado, Léopold Moumé Etia, Georges Yemi, Théodore Ngosso, Guillaume Bagal. Plusieurs listes circulent. Cette liste est celle retenue par Abel Eyinga. Um Nyobé n’était pas présent. L’UPC est affiliée au Rassemblement Démocratique Africain (RDA). Le premier Président de l’UPC est Léonard Bouli ; il est remplacé par Etienne Libai à la suite de son affectation disciplinaire ; Etienne Libai est ensuite remplacé par Ruben Um Nyobé en novembre 1948. Ce dernier restera à ce poste jusqu’à son assassinat le 13 septembre 1958. Pour contrer l’influence de plus en plus grandissante de l’UPC qui s’affiche résolument nationaliste, l’administration coloniale française suscite d’autres partis dirigés par des marionnettes qui se disent « nationalistes modérés », par opposition au soit disant « radicalisme de l’UPC ». Parmi ces partis, on peut citer Évolution Sociale Camerounaise (ESOCAM) créé en juin 1949  et « dirigé » par Pierre Dimalla ; ce parti s’illustre négativement par des manœuvres anti upécistes et ses dirigeants n’hésitent pas à réclamer des avantages et des faveurs à l’administration. Il y a aussi le Bloc Démocratique Camerounais (BDC) crée en 1951 à l’initiative de Louis Paul Aujoulat ; les prête-noms camerounais sont André Fouda, Charles Onana Awana, Abéga Martin, Sakouma Philémon, etc.
L’UPC est le seul parti qui réclame l’indépendance et la réunification du Cameroun. L’administration coloniale redoute ce parti, d’autant plus que les partis administratifs se révèlent peu efficaces dans la tâche qui leur   avait été confiée. C’est pour cela qu’en désespoir de cause et à la demande de Roland Pré, cette administration interdit l’UPC  et ses organisations annexes par un décret du 13 juillet 1955 à la suite des évènements de mai 1955. Ce parti est ainsi poussé au maquis et il va s’en suivre une guerre que les français refusent d’assumer. Que faisait donc son armée avec des officiers supérieurs parmi lesquels on trouve des vétérans d’Algérie et d’Indochine, et des unités armées d’hélicoptères, de blindés, de mitrailleuses et des FAL si loin de leur territoire ?

Jean-Claude TCHASSE

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