Cet article a été écrit en 2007. J'y dénonce le contrôle du législatif par l'exécutif, qui demeure d'actualité. le Cameroun n'a jamais eu une Constitution adoptée selon la procédure prévue pour respecter la souveraineté du peuple.
NOUVELLE LÉGISLATURE AU CAMEROUN. Que peut-on attendre des nouveaux « élus » ?
La session
de plein droit de l’Assemblée Nationale, suite aux élections couplées du 22 juillet dernier a eu lieu le 21 août 2007.
Que peut-on attendre de ces députés ?
Il convient
de revenir brièvement sur les conditions de leur élection, qui, quoi que puisse
en dire M. Biya, jette du discrédit sur leur légitimité ; en effet ce sont des
mal élus pour la plupart, dont la représentativité est douteuse en raison des
fraudes massives et des manipulations qui ont toujours marqué les consultations
électorales dans notre pays, et qui ont découragé l’électorat, au point où
l’abstention a atteint un niveau record cette fois. Ces députés doivent leurs
sièges à M. Biya et son Administration qui, fidèles à eux-mêmes, ont faussé le
jeu démocratique, et ont pratiquement coopté les membres de cette Assemblée.
Cette législature commence avec une majorité écrasante du RDPC, qui affiche
déjà 140 députés, en attendant la reprise du scrutin dans les circonscriptions
où les élections ont été annulées. Toutes tendances confondues, l’opposition ne
pourra pas faire le poids dans de telles
conditions ; elle ne fera que de la figuration, et donnera une apparence
démocratique à une assemblée monocolore.
A partir de
là, les dés sont pipés ; les députés ne sont pas tout à fait libres d’apprécier
en toute indépendance d’esprit les projets de lois qui leur seront soumis ; il
y aura la fameuse discipline du parti qui va les amener à approuver
systématiquement les projets loi, même, s’ils auraient pu avoir des raisons
objectives de les rejeter.
Collusion entre l’exécutif et le législatif.
Le rôle du
député est défini par la loi. L’Assemblée est la composante du parlement qui
fonctionne, en attendant la mise en place du Sénat. D’après la Constitution, le
Parlement qui détient le pouvoir législatif, légifère et contrôle l’action du
Gouvernement. Légiférer, c’est faire les lois ; or que constatons-nous lorsque
nous jetons un regard sur le passé ? Nos députés ont passé le plus clair de
leur temps à adopter les projets de lois soumis par le gouvernement, bien
souvent sans amendement. Pour jouer efficacement ce rôle de contre pouvoir, le
pouvoir législatif doit être indépendant du pouvoir exécutif. Dans sa célèbre
œuvre De l’esprit des lois, Charles de Montesquieu écrit : « Lorsque, dans la
même personne ou dans le même corps de magistrature, la puissance législative
est réunie à la puissance exécutrice, il n’y a point de liberté, parce qu’on
peut craindre que le même monarque ou le même sénat ne fasse des lois
tyranniques pour les exécuter tyranniquement. » Et chez nous, malheureusement,
l’exécutif contrôle le législatif ; cela s’appelle une autocratie.
Affairisme et corruption.
Nos députés
sont pour la plupart des godillots qui vont approuver sans même les lire les
projets ; certains parmi eux sont tout simplement des hommes d’affaires et
autres fonctionnaires indélicats qui vont se réfugier au Parlement où ils seront
protégés par l’immunité parlementaire. Une fois au parlement d’autres
s’adonnent à un affairisme déconcertant ; ils deviennent des entrepreneurs
et utilisent leurs titres pour accumuler
des marchés publics, pour lesquels ils sont payés, et qu’ils n’exécutent
jamais, ou qu’ils exécutent mal, avec la complicité des fonctionnaires véreux
et corrompus qui pullulent dans notre Administration.
La discipline du parti au dessus de la loi.
Les députés
représentent la Nation, et le mandat impératif est nul, dit-on ; ce qui
signifie que le député ne devrait se sentir redevable ni à sa circonscription,
ni à son parti, ni à quelque autre groupe, et ne devrait être guidé dans son
action que par l’intérêt général. D’où vient donc que la discipline du parti
lie les députés au point où aucun d’eux ne peut adopter des positions
contraires aux prescriptions du parti ? Par exemple quel est le député RDPC qui
oserait s’opposer ou proposer des amandements à un projet de loi? Du reste
combien de propositions de lois a-t-on déjà vu venant des députés de la
majorité ? il va sans dire que les propositions de lois venant des députés de
l’opposition ont été systématiquement rejetées.
Microprojets parlementaires et déclaration des
biens.
Les 40
millions payés à chaque député pendant
la législature pour la réalisation des microprojets ne s’expliquent pas ;
d’abord, cela ne rentre pas dans le rôle du député de s’occuper des projets,
fussent-ils micros ; c’est au Gouvernement, donc à l’exécutif, de réaliser des
projets comme la construction d’écoles, des ponts, des routes, des hôpitaux, le
déploiement judicieux du personnel dans les différents services, etc. ensuite,
le député ira nécessairement réaliser ces microprojets dans la circonscription
où il a été élu, démentant ainsi le caractère non impératif de son mandat ;
enfin, personne ne contrôle véritablement l’utilisation de cet argent, que le
député utilise comme bon lui semble.
Les députés
devraient déclarer leurs biens comme il est demandé à l’article 66 de la
Constitution et la Loi n° 003/2006 du 25 avril 2006
relative à
la déclaration des biens et avoirs.
Problèmes non résolus.
Il ne faut
rien attendre de cette nouvelle législature, qui ressemblera aux autres,
surtout avec le retour progressif au parti unique qui se précise au fil des
scrutins à la camerounaise. A quoi sert donc une Assemblée qui ne peut apporter
des solutions aux problèmes des populations qu’elle est censée représenter ? La
mission essentielle de ces députés est de modifier la Constitution pour
permettre à M. Biya, dont le seul projet politique est de s’éterniser au
pouvoir, de briguer un nouveau mandat.
Les
problèmes suivants auxquels sont confrontés la majorité des camerounais
resteront sans solution à la fin de cette législature en 2012: le chômage des jeunes,
la corruption, l’éducation au rabais, l’impunité, la violation de la loi,
l’application sélective de la loi (la déclaration des biens n’est pas
effective); l’inexistence d’un code électoral unique, l’inflation,
l’embrigadement de note fonction publique, qui est au service d’un régime et
non au service de la Nation, le tribalisme, l’insécurité, le manque
d’infrastructures de base, l’inaccessibilité du plus grand nombre aux services
de santé, le monnayage des services publics, la fuites des cerveaux, etc.
Pouvoir constituant détourné.
Cette
situation résulte d’un problème fondamental : les Camerounais n’ont jamais eu
une Constitution qui émane du détenteur du pouvoir constituant originaire qui
est le peuple ; le processus a toujours été contrôlé par les tenants du pouvoir
qui ont de ce fait confisqué notre souveraineté. Ils imposent toujours un texte
taillé sur mesure pour satisfaire leurs ambitions égoïstes. actuellement, le
Cameroun a deux constitutions, ce qui est une aberration unique au monde, et
qui traduit la peur, les hésitations et surtout la mauvaise volonté des
gouvernants peu soucieux des aspirations des populations; la Constitution
actuelle qui doit être mise en application progressivement (art. 67), est
l’aboutissement d’une procédure viciée, initialement présentée comme une simple
modification de la Constitution du 02 juin 1972. les spécialistes parlent de
fraude à la procédure. En clair, on nous a trompés ; on a écrit un nouveau
texte constitutionnel, alors qu’il était question juste de réviser la
Constitution de 1972. et cette nouvelle constitution, présentée comme une
simple loi, a été adoptée par l’Assemblée Nationale, qui n’est pas normalement
dotée d’un pouvoir constituant.
Nos députés
peuvent-ils soulever ce problème ? S’ils le voulaient, le pourraient-ils ?
S’ils le pouvaient, le voudraient-ils ? Combien parmi en sont-ils conscients ?
Il ne faut pas se faire des illusions. Beaucoup savent qu’ils ne seraient
jamais arrivés là-bas dans un contexte véritablement démocratique. Ceux-là, qui
profitent des manoeuvres antidémocratiques décrites plus haut, n’ont pas
intérêt à ce que les choses changent ; ils trouvent leur compte dans le
maintien du statu quo ; l’évolution de notre situation sera donc, une fois de
plus, renvoyée aux calendres grecques.
220807
Tchassé Jean – Claude
Pleg, Syndicaliste
Tel 677134916
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire