samedi 5 septembre 2015

CONSTITUTION DU CAMEROUN : Gare aux manipulations antidémocratiques.



CONSTITUTION DU CAMEROUN :
Gare aux manipulations antidémocratiques.

cet article écrit en février 2008 peut contribuer à comprendre ce qui se passe au Cameroun depuis lors.
Ainsi donc, Monsieur Paul Biya, âgé de 76 ans, et après 25 ans à la tête du Cameroun veut faire modifier la Constitution de la République, dans le seul but de lui permettre de briguer un nouveau mandant. C’est le seul point où il a été précis dans son discours de fin d’année, ce qui nous fait dire que son seul problème était d’informer les camerounais de son intention de s’éterniser au pouvoir. Monsieur Biya veut transformer notre pays en monarchie, voire en une dynastie, comme au Togo, où Eyadéma fils a succédé à Eyadéma père. Ne seront surpris que ceux qui croyaient, contre toute évidence, M. Biya capable d’un dernier sursaut patriotique.

Non séparation des pouvoirs.
Pour réussir son entreprise, il compte sur l’Assemblée Nationale quasi monocolore, issue des élections frauduleuses de juillet 2007, avec des députés pratiquement nommés, aux ordres de l’Exécutif, et incapables d’initiatives et d’autonomie. La Constitution actuelle pose de nombreux problèmes, dont le déséquilibre des pouvoirs, traduit par la puissance excessive de l’Exécutif n’est pas des moindres. Elle concentre trop de pouvoirs aux mains du Président de la République, qui contrôle le législatif et le judicaire. Nous sommes dans une dictature, ni plus, ni moins.
Monsieur Biya sait que sa volonté passe au Parlement comme une lettre  à la poste ; c’est pour cela qu’il peut louvoyer dans la résolution des grands problèmes de notre pays, sans être interpellé. C’est ainsi que par exemple que :
·         l’impunité continue de régner ; la lutte contre la corruption tarde à porter ses fruits. Quelques boucs émissaires ont été sacrifiés, mais les gros prévaricateurs peuvent dormir tranquilles. Monsieur Biya lui-même n’est pas inquiété et ne peut être inquiété, alors qu’il est loin d’être un modèle de rectitude et de probité morales. Titus Edzoa, son ancien gourou, médecin personnel et confident révélait qu’il est le plus riche camerounais ; d’où lui vient cette fortune personnelle qui dépasse celle de nos richissimes hommes d’affaires, alors qu’il est un fonctionnaire dont on connaît les revenus et le traitement ? On comprend pourquoi il n’a jamais appliqué l’article 66 de la Constitution qu’il veut modifier aujourd’hui. Dans un pays démocratique, les pouvoirs législatifs et judiciaires auraient depuis longtemps déjà engagé des procédures contre Monsieur Biya. Mais qui peut oser ? Ils doivent tous leurs nominations et leurs « élections » à la seule volonté du faiseur de rois qu’est M. Biya.
·         la concussion, la corruption et le tribalisme continuent leur bonhomme de chemin.
·         toutes les tricheries décriées lors de nos élections ont été entérinées par notre justice, à l’exemple de la grosse farce électorale de 1992, où les fraudes massives répertoriées auraient pu suffire à invalider l’élection de Monsieur Biya.
·         une loi électorale juste et équitable demeure attendue ; pourtant des propositions dans ce sens, auxquelles ont été associés les différentes administrations, les partis politiques, les experts et la société civile, ont été faites par la Conférence Episcopale Nationale du Cameroun (CNEC). Malheureusement, comme ces propositions ne sont pas du goût du régime, elles ont été rejetées.
C’est donc la volonté de Monsieur Biya qui triomphe, et le peuple, dont la souveraineté se trouve ainsi confisquée n’a plus que ses yeux pour pleurer.

Cinquième constitution non appliquée.
Pour nous jeter la poudre aux yeux, ils nous disent que notre Constitution a besoin d’être toilettée, comme si leur maintien au pouvoir à jamais n’était pas leur seule préoccupation réelle. Faut-il rappeler que ce texte constitutionnel de janvier 1996 avait été imposé par ce même Biya ?  Aidé en cela par une Assemblée monolithique, et ses constitutionnalistes conduits par un certain Joseph Owona, il a abusé les camerounais, en leur faisant croire que c’était une simple modification ; nous nous sommes retrouvés avec une nouvelle Constitution comme l’a révélé notre Cour suprême dans une décision relative à la validation des mandats des députés élus en 1997. Les spécialistes parlent de fraude à la procédure. Qui plus est, ce texte a des dispositions dont l’application est éternellement renvoyée aux calendes camerounaises. Il en est ainsi de la décentralisation, de la déclaration des biens, du sénat, du Conseil Constitutionnel. Où sont ces institutions plus de dix ans plus tard ? Monsieur Biya et son régime ont d’autres soucis. Ils appliquent les dispositions qui leur procurent des avantages, et mettent au tiroir les dispositions qui semblent présenter des menaces pour leur pouvoir.

Manipulations et intrigues.
Les camerounais ont besoin d’une Constitution adoptée selon les procédures prévues par la doctrine juridique. Une constitution qui soit véritablement l’émanation du peuple, qui soit vraiment l’expression de la souveraineté du peuple camerounais. Notre texte fondamental a toujours été confisqué et manipulé par des personnes au patriotisme et à l’intégrité douteux, tout justes préoccupés par leur maintien au pouvoir, comme c’est le cas actuellement avec Monsieur Biya. Une Assemblée constituante doit être élue, qui doit adopter un avant projet, lequel sera soumis au peuple, seul détenteur du pouvoir constituant originaire, par voie de référendum.
Le texte constitutionnel de 1996 qu’on veut modifier aujourd’hui résultait de l’ersatz de conférence nationale souveraine, appelée la tripartite, qui a abouti au large débat national, comédie de mauvais goût s’il en fut, qui s’est fait selon les sieurs Owona et consorts par fax. Le processus a été comme d’habitude vicié et contrôlé de bout en bout par le régime, qui a utilisé le Parlement d’alors pour imposer une Constitution taillée sur mesure, qui leur assurait la pérennité au pouvoir ; lorsqu’il prévoyait la limitation des mandats, il ne savait pas qu’il serait pénalisé par ces dispositions. Tout se passe comme avec  un gosse capricieux qui réclame un jouet à corps et à cris et qui après l’avoir obtenu se rebiffe et exige un autre jouet.

Instabilité institutionnelle.
Une bonne constitution n’a pas besoin d’être modifiée tout le temps. La Constitution américaine qui date de 1776 a connu des amendements, mais pas de modification en profondeur ; c’est que les concepteurs de ce texte étaient des visionnaires, qui avaient de grandes ambitions pour leur pays, qui est aujourd’hui la première puissance économique et militaire de la planète. Avec 15 constitutions en 180 ans on parle d’instabilité institutionnelle en France. Chez nous, nous en sommes déjà à la 5è constitution depuis l’indépendance et nous ne sommes pas encore sortis de l’auberge ! À ce rythme de 5 constitutions en 40 ans nous battrons le record des français. Qu’il soit question de « toiletter » la dernière version notre loi fondamentale, qui date d’à peine 10 ans est pour moi la preuve soit de l’incompétence, soit de la mauvaise foi de nos juristes, experts en droit constitutionnel, qui rangent au placard les principes sacrés de leurs disciplines, qui oublient les exigences de la doctrine, de la jurisprudence et de la coutume, et s’adonnent aux manœuvres les plus sordides.
Il faut dire que nos experts sont divisés en deux camps ; ceux qui soutiennent le pouvoir, et qui utilisent leur science pour justifier les intrigues et les manigances du régime ; en contrepartie ils sont promus aux hauts postes de responsabilité, peuvent même être nommés ministres, avec toutes sortes d’avantages ; ils ont aliéné leur liberté et ont renoncé à leur capacité de jugement, d’analyse lucide et d’appréciation objective des situations. Ils profitent donc de ces positions pour s’enrichir ; dans l’autre camp les spécialistes soucieux de justice, qui ont gardé leur indépendance d’esprit ; ceux-là sont frappés d’ostracisme et mis à l’écart.

Souveraineté confisquée.
Le plus révoltant dans l’histoire, c’est le mépris souverain que ces Messieurs affichent pour les populations et qui se traduit par les déclarations du genre les populations de telle circonscription demandent la modification de la Constitution, ou la majorité du peuple souhaite la modification de l’article 6. 2 de la Constitution. Monsieur Biya lui-même a osé reprendre de tels propos, se basant sur l’agitation et les manipulations organisées par des fonctionnaires véreux et corrompus uniquement mûs par la volonté de préserver leurs positions. Du reste, qui a suscité ces manifestations si ce n’est lui-même ? Comment ont-ils fait pour connaître la volonté de la population sans avoir organisé de référendum ?

Que peut faire M. Biya ?
Que peut-on retenir des vingt cinq ans de pouvoir de Monsieur Biya ? Les élections truquées ? La corruption qui nous vaut cette triste réputation dans le monde ? Les bas salaires de certains corps de la Fonction publique ? Le commerce autour des postes de l’administration ? Le tribalisme ? Le chômage ? L’inflation ? La montée de l’insécurité ? Ou alors, la déliquescence de notre système éducatif ?  Qu’a donc fait Monsieur Biya qui puisse justifier sa volonté de se cramponner au pouvoir ?
Les grands hommes ont su quitter le pouvoir sans aucune contrainte, et cela les a rendus plus respectables et plus honorables. Ils sont ainsi entrés dans l’Histoire par la grande porte. Nelson Mandela, qui s’est contenté d’un seul mandat en Afrique du Sud, Joachim Chissano, ancien Président Mozambicain,  Alpha Oumar Konaré, ancien Président Malien et ancien Président de la Commission de l’Union Africaine, sont des exemples qui méritent d’être suivis, et qui prouvent que l’Afrique n’est pas maudite comme certains ont tendance à nous le faire croire. Malheureusement, notre continent est encore infesté des dinosaures insatiables qui ne rêvent que de s’agripper par les moyens les plus antidémocratiques au pouvoir, qui n’ont aucun sens de l’honneur.

Que font les camerounais ?
Monsieur Biya s’apprête donc à perpétrer un autre coup de force ; il faut dire que c’est son habitude ; c’est ce qui explique sa longévité au pouvoir, longévité qui est en soi une preuve supplémentaire de l’absence de démocratie dans notre pays, du caractère tyrannique du régime de Yaoundé. Mais que font les camerounais devant ce qui se prépare ? Certains se contentent de tirer à boulets rouges sur les partis politiques de l’opposition, les accusant d’inertie. Ce n’est pas seulement l’affaire des partis politiques ; nous sommes tous concernés par ce qui se passe ; nous sommes tous victimes de la mauvaise gouvernance de notre pays. L’inflation, le chômage, le mauvais fonctionnement des services publics, la corruption font tous les jours des ravages parmi les populations. Il s’agit donc de se mobiliser comme en 90 et 91, quand le pouvoir de Yaoundé avait vacillé, et a failli être renversé.
Monsieur Biya doit comprendre que 25 ans de gabegie, de détournements de fonds, de tribalisme, ça suffit. Il est temps que ce Monsieur se retire pour céder la place à de véritables patriotes, capables d’abnégation, de sacrifice et de renoncement à soi, prêts le cas échéant au sacrifice suprême, uniquement soucieux de bien commun et d’intérêt général.
050208
 TCHASSE JEAN-CLAUDE
PLEG, Syndicaliste
Tel : 77134916/33045643

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