CONSTITUTION
DU CAMEROUN :
Gare aux manipulations
antidémocratiques.
cet article écrit en février 2008 peut contribuer à comprendre ce qui se passe au Cameroun depuis lors.
Ainsi donc, Monsieur Paul Biya, âgé de 76
ans, et après 25 ans à la tête du Cameroun veut faire modifier la Constitution
de la République, dans le seul but de lui permettre de briguer un nouveau
mandant. C’est le seul point où il a été précis dans son discours de fin
d’année, ce qui nous fait dire que son seul problème était d’informer les
camerounais de son intention de s’éterniser au pouvoir. Monsieur Biya veut
transformer notre pays en monarchie, voire en une dynastie, comme au Togo, où
Eyadéma fils a succédé à Eyadéma père. Ne seront surpris que ceux qui
croyaient, contre toute évidence, M. Biya capable d’un dernier sursaut
patriotique.
Non
séparation des pouvoirs.
Pour réussir son entreprise, il compte
sur l’Assemblée Nationale quasi monocolore, issue des élections frauduleuses de
juillet 2007, avec des députés pratiquement nommés, aux ordres de l’Exécutif,
et incapables d’initiatives et d’autonomie. La Constitution actuelle pose de nombreux
problèmes, dont le déséquilibre des pouvoirs, traduit par la puissance
excessive de l’Exécutif n’est pas des moindres. Elle concentre trop de pouvoirs
aux mains du Président de la République, qui contrôle le législatif et le
judicaire. Nous sommes dans une dictature, ni plus, ni moins.
Monsieur Biya sait que sa volonté passe
au Parlement comme une lettre à la
poste ; c’est pour cela qu’il peut louvoyer dans la résolution des grands
problèmes de notre pays, sans être interpellé. C’est ainsi que par exemple
que :
·
l’impunité continue de régner ; la
lutte contre la corruption tarde à porter ses fruits. Quelques boucs émissaires
ont été sacrifiés, mais les gros prévaricateurs peuvent dormir tranquilles. Monsieur
Biya lui-même n’est pas inquiété et ne peut être inquiété, alors qu’il est loin
d’être un modèle de rectitude et de probité morales. Titus Edzoa, son ancien
gourou, médecin personnel et confident révélait qu’il est le plus riche
camerounais ; d’où lui vient cette fortune personnelle qui dépasse celle
de nos richissimes hommes d’affaires, alors qu’il est un fonctionnaire dont on
connaît les revenus et le traitement ? On comprend pourquoi il n’a
jamais appliqué l’article 66 de la Constitution qu’il veut modifier
aujourd’hui. Dans un pays démocratique, les pouvoirs législatifs et judiciaires
auraient depuis longtemps déjà engagé des procédures contre Monsieur Biya. Mais
qui peut oser ? Ils doivent tous leurs nominations et leurs
« élections » à la seule volonté du faiseur de rois qu’est M. Biya.
·
la concussion, la corruption et le
tribalisme continuent leur bonhomme de chemin.
·
toutes les tricheries décriées lors de
nos élections ont été entérinées par notre justice, à l’exemple de la grosse farce
électorale de 1992, où les fraudes massives répertoriées auraient pu suffire à
invalider l’élection de Monsieur Biya.
·
une loi électorale juste et équitable
demeure attendue ; pourtant des propositions dans ce sens, auxquelles ont
été associés les différentes administrations, les partis politiques, les experts
et la société civile, ont été faites par la Conférence Episcopale Nationale du
Cameroun (CNEC). Malheureusement, comme ces propositions ne sont pas du goût du
régime, elles ont été rejetées.
C’est
donc la volonté de Monsieur Biya qui triomphe, et le peuple, dont la souveraineté
se trouve ainsi confisquée n’a plus que ses yeux pour pleurer.
Cinquième
constitution non appliquée.
Pour nous jeter la poudre aux yeux, ils
nous disent que notre Constitution a besoin d’être toilettée, comme si leur
maintien au pouvoir à jamais n’était pas leur seule préoccupation réelle.
Faut-il rappeler que ce texte constitutionnel de janvier 1996 avait été imposé
par ce même Biya ? Aidé en cela par
une Assemblée monolithique, et ses constitutionnalistes conduits par un certain
Joseph Owona, il a abusé les camerounais, en leur faisant croire que c’était
une simple modification ; nous nous sommes retrouvés avec une nouvelle
Constitution comme l’a révélé notre Cour suprême dans une décision relative à
la validation des mandats des députés élus en 1997. Les spécialistes parlent de
fraude à la procédure. Qui plus est, ce texte a des dispositions dont
l’application est éternellement renvoyée aux calendes camerounaises. Il en est
ainsi de la décentralisation, de la déclaration des biens, du sénat, du Conseil
Constitutionnel. Où sont ces institutions plus de dix ans plus tard ?
Monsieur Biya et son régime ont d’autres soucis. Ils appliquent les
dispositions qui leur procurent des avantages, et mettent au tiroir les
dispositions qui semblent présenter des menaces pour leur pouvoir.
Manipulations
et intrigues.
Les camerounais ont besoin d’une
Constitution adoptée selon les procédures prévues par la doctrine juridique.
Une constitution qui soit véritablement l’émanation du peuple, qui soit
vraiment l’expression de la souveraineté du peuple camerounais. Notre texte
fondamental a toujours été confisqué et manipulé par des personnes au
patriotisme et à l’intégrité douteux, tout justes préoccupés par leur maintien
au pouvoir, comme c’est le cas actuellement avec Monsieur Biya. Une Assemblée
constituante doit être élue, qui doit adopter un avant projet, lequel sera
soumis au peuple, seul détenteur du pouvoir constituant originaire, par voie de
référendum.
Le texte constitutionnel de 1996 qu’on veut
modifier aujourd’hui résultait de l’ersatz de conférence nationale souveraine,
appelée la tripartite, qui a abouti au large débat national, comédie de mauvais
goût s’il en fut, qui s’est fait selon les sieurs Owona et consorts par fax. Le
processus a été comme d’habitude vicié et contrôlé de bout en bout par le
régime, qui a utilisé le Parlement d’alors pour imposer une Constitution
taillée sur mesure, qui leur assurait la pérennité au pouvoir ; lorsqu’il
prévoyait la limitation des mandats, il ne savait pas qu’il serait pénalisé par
ces dispositions. Tout se passe comme avec un gosse capricieux qui réclame un jouet à
corps et à cris et qui après l’avoir obtenu se rebiffe et exige un autre jouet.
Instabilité
institutionnelle.
Une bonne constitution n’a pas besoin
d’être modifiée tout le temps. La Constitution américaine qui date de 1776 a
connu des amendements, mais pas de modification en profondeur ; c’est que
les concepteurs de ce texte étaient des visionnaires, qui avaient de grandes
ambitions pour leur pays, qui est aujourd’hui la première puissance économique
et militaire de la planète. Avec 15 constitutions en 180 ans on parle
d’instabilité institutionnelle en France. Chez nous, nous en sommes déjà à la
5è constitution depuis l’indépendance et nous ne sommes pas encore sortis de
l’auberge ! À ce rythme de 5 constitutions en 40 ans nous battrons le
record des français. Qu’il soit question de « toiletter » la dernière
version notre loi fondamentale, qui date d’à peine 10 ans est pour moi la
preuve soit de l’incompétence, soit de la mauvaise foi de nos juristes, experts
en droit constitutionnel, qui rangent au placard les principes sacrés de leurs
disciplines, qui oublient les exigences de la doctrine, de la jurisprudence et
de la coutume, et s’adonnent aux manœuvres les plus sordides.
Il faut dire que nos experts sont
divisés en deux camps ; ceux qui soutiennent le pouvoir, et qui utilisent
leur science pour justifier les intrigues et les manigances du régime ; en
contrepartie ils sont promus aux hauts postes de responsabilité, peuvent même
être nommés ministres, avec toutes sortes d’avantages ; ils ont aliéné
leur liberté et ont renoncé à leur capacité de jugement, d’analyse lucide et
d’appréciation objective des situations. Ils profitent donc de ces positions
pour s’enrichir ; dans l’autre camp les spécialistes soucieux de justice,
qui ont gardé leur indépendance d’esprit ; ceux-là sont frappés
d’ostracisme et mis à l’écart.
Souveraineté
confisquée.
Le plus révoltant dans l’histoire, c’est
le mépris souverain que ces Messieurs affichent pour les populations et qui se
traduit par les déclarations du genre les populations de telle circonscription
demandent la modification de la Constitution, ou la majorité du peuple souhaite
la modification de l’article 6. 2 de la Constitution. Monsieur Biya lui-même a
osé reprendre de tels propos, se basant sur l’agitation et les manipulations
organisées par des fonctionnaires véreux et corrompus uniquement mûs par la
volonté de préserver leurs positions. Du reste, qui a suscité ces
manifestations si ce n’est lui-même ? Comment ont-ils fait pour
connaître la volonté de la population sans avoir organisé de référendum ?
Que
peut faire M. Biya ?
Que peut-on retenir des vingt cinq ans
de pouvoir de Monsieur Biya ? Les élections truquées ? La corruption
qui nous vaut cette triste réputation dans le monde ? Les bas salaires de
certains corps de la Fonction publique ? Le commerce autour des postes de
l’administration ? Le tribalisme ? Le chômage ?
L’inflation ? La montée de l’insécurité ? Ou alors, la déliquescence
de notre système éducatif ? Qu’a
donc fait Monsieur Biya qui puisse justifier sa volonté de se cramponner au
pouvoir ?
Les grands hommes ont su quitter le
pouvoir sans aucune contrainte, et cela les a rendus plus respectables et plus
honorables. Ils sont ainsi entrés dans l’Histoire par la grande porte. Nelson
Mandela, qui s’est contenté d’un seul mandat en Afrique du Sud, Joachim
Chissano, ancien Président Mozambicain, Alpha Oumar Konaré, ancien Président Malien et
ancien Président de la Commission de l’Union Africaine, sont des exemples qui
méritent d’être suivis, et qui prouvent que l’Afrique n’est pas maudite comme
certains ont tendance à nous le faire croire. Malheureusement, notre continent
est encore infesté des dinosaures insatiables qui ne rêvent que de s’agripper
par les moyens les plus antidémocratiques au pouvoir, qui n’ont aucun sens de
l’honneur.
Que
font les camerounais ?
Monsieur Biya s’apprête donc à perpétrer
un autre coup de force ; il faut dire que c’est son habitude ; c’est
ce qui explique sa longévité au pouvoir, longévité qui est en soi une preuve
supplémentaire de l’absence de démocratie dans notre pays, du caractère
tyrannique du régime de Yaoundé. Mais que font les camerounais devant ce qui se
prépare ? Certains se contentent de tirer à boulets rouges sur les partis
politiques de l’opposition, les accusant d’inertie. Ce n’est pas seulement
l’affaire des partis politiques ; nous sommes tous concernés par ce qui se
passe ; nous sommes tous victimes de la mauvaise gouvernance de notre
pays. L’inflation, le chômage, le mauvais fonctionnement des services publics,
la corruption font tous les jours des ravages parmi les populations. Il s’agit
donc de se mobiliser comme en 90 et 91, quand le pouvoir de Yaoundé avait
vacillé, et a failli être renversé.
Monsieur Biya doit comprendre que 25 ans
de gabegie, de détournements de fonds, de tribalisme, ça suffit. Il est temps
que ce Monsieur se retire pour céder la place à de véritables patriotes,
capables d’abnégation, de sacrifice et de renoncement à soi, prêts le cas
échéant au sacrifice suprême, uniquement soucieux de bien commun et d’intérêt
général.
050208
TCHASSE JEAN-CLAUDE
PLEG,
Syndicaliste
Tel :
77134916/33045643
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire