les Nominations sous le renouveau :
Quand arbitraire,
politique et marchandage s’entremèlent.
comment fait-on pour être promu aux
postes de responsabilité dans notre pays ? Ce n’est pas évident. Les
autorités se réfugient derrière leur pouvoir discrétionnaire pour s’adonner à
leur jeu favori. Corruption, clientélisme, favoritisme, tribalisme, tout y
passe. Le dévouement, la compétence, l’intégrité ne sont ni nécessaires, ni
suffisants pour être promu ; ceux qui attendent d’être remarqués par leur
ardeur et leur acharnement au travail
sont royalement ignorés ; la nomination ne vient pas toute seule ; en
général, il faut la solliciter et les postulants ne s’embarrassent pas de
considérations morales dans leurs quêtes. parmi
les critères, on peut citer :
·
le
militantisme au RDPC ; à défaut, éviter de se faire remarquer comme
opposant ;
·
l’appartenance
à certains cercles ésotériques ou mystiques ;
·
l’adhésion
à la pensée unique, à la langue de bois ; éviter de contrarier le chef,
même quand il est évident qu’il poursuit des objectifs étrangers à ceux du
service ;
·
la
pratique de certaines activités immorales et surtout illégales comme
l’homosexualité, la pédophilie, etc.
De
par la Constitution
de la République,
le Chef de l’état nomme aux
emplois civils et militaires. Cette disposition fait de lui un faiseur de rois,
en l’absence de l’obligation de consulter par exemple le Parlement qui devrait
quand même donner son avis pour certaines hautes fonctions. Il en profite donc
pour recruter des cadres pour son parti. Ces cadres dont la mission essentielle
est d’assurer sa pérennité au pouvoir ; le rendement au service est
accessoire, secondaire. Ce sont eux qui sont mis plus tard à contribution pour
fausser les résultats des élections par toutes sortes de manœuvres, comme nous
l’avons vu par exemple avec les administrateurs civils.
Chaque
acte de nomination est suivi du fameux article « deux » qui permet
aux heureux élus de bénéficier des avantages de toutes sortes ; certains
avantages sont officiels et d’autres – les plus importants sans doute – sont officieux,
inavoués ; ainsi par exemple où vont les montants alloués aux lignes
budgétaires tels que « entretien
véhicule » et « carburant », dans ces nombreux services ne
disposant pas de véhicules de service ? cet
article « deux » sur lequel tout le monde se focalise, fait de la
nomination une récompense ; c’est une couronne et non une charge pour
le bénéficiaire; l’accès à certains postes vous sort de l’anonymat et de la
grisaille ; villa haut standing et grosse cylindrée de service, fréquentes
missions fictives ou réelles de longue durée à l’étranger, multiples
séminaires, etc. vous accédez à
une niche de prospérité dans un océan de précarité, puisque votre collègue qui
a la même qualification, le même grade et la même ancienneté que vous, mais qui
n’est pas nommé, tire le diable par la queue. c’est
pour cela que dès la publication de l’acte de nomination, on commence par
remercier le Chef de l’Etat pour la confiance accordée, on organise ensuite la
fête au village, laquelle se termine par des marches et des motions de soutien
au Président de la
République. Ces nominations récompensent davantage le
militantisme au parti au pouvoir que le dévouement au service et le bon
rendement obtenu. La grosse différence de traitement entre le fonctionnaire
nommé et le fonctionnaire « simple » a pour but de rendre ces postes
attractifs, de susciter les convoitises qui amènent les postulants à remplir
les exigences posées par les pourvoyeurs, et dont nous avons cité quelques
unes. C’est du chantage ; obnubilé par les avantages, effrayé, voire
traumatisé par sa dèche et son impécuniosité, celui qui sollicite un poste en
perd tout sens moral, tout scrupule, toute lucidité.
Le
nommé n’a aucune obligation de résultats, il est là pour se servir. Il devrait
y avoir un cahier de charges, où l’on fait l’état des lieux au moment où il
prend fonction, avec des objectifs à atteindre et une durée fixée pour y
parvenir. En tout état de cause, une durée maximale devrait être fixée pour le
séjour à un poste, parce qu’on trouvera toujours un camerounais capable de
faire mieux. Il suffirait de lancer un appel à candidature. Si l’on s’amuse à
recenser les compétences et les potentialités humaines que compte notre pays,
on verra, que pour chaque poste de directeur d’Administration centrale, il y
aurait au moins un millier de postulants qualifiés. Il est donc inadmissible
que des personnes à la compétence, à l’intégrité morale douteuses, aient séjourné
plus de quinze ans à des hauts postes de responsabilité dans un pays comme le
nôtre. Qu’un tel individu ait séjourné au même poste pendant si longtemps, ou
qu’il ait changé de postes en gardant de hautes fonctions, l’indignation
demeure valable. La limitation du séjour aux postes de responsabilité est une
question de justice et d’équité pour ces nombreux cadres compétents qui
finissent leurs carrières sans jamais être nommés, et à qui l’on ne reproche pourtant
rien.
La
fonction appartient à l’Etat, et le grade au fonctionnaire, et il est nommé à
titre essentiellement précaire et révocable, dit-on. Le nommé ne sait jamais
combien de temps il va mettre en poste, et d’autre part, d’autres postulants se
battent pour occuper sa place ; il vit donc sous la hantise d’être « appelé
à d’autres fonctions ». C’est pour cela qu’il a deux préoccupations
majeures : la première est de s’enrichir le plus vite possible, avant
qu’il ne soit trop tard ; la deuxième, c’est de conserver son poste par tous les moyens, à défaut
de progresser; il est prêt à vendre père et mère pour y parvenir. Et s’il a
l’impression que certains parmi ses collaborateurs sont des obstacles à la
réalisation de cet objectif, il brandit son titre de chef, et n’hésite pas à
recourir à toutes sortes de bassesses, de petitesses et d’abus d’autorité pour
les mettre « hors d’état de nuire », aux dépens du service. Ceci peut
expliquer, entre autres, l’acharnement dont certains militants syndicaux ont
été victimes de la part de leurs chefs.
La
nomination ne confère ni la compétence, ni le patriotisme. Aussi vrai que la
plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu’elle a, il ne suffit pas de
le vouloir pour devenir compétent et performant ; il faut allier à cette
volonté, entre autres, la qualification, l’enthousiasme, la
motivation, l’intégrité morale, le talent, l’amour, que dis-je, la passion
du travail, les prédispositions naturelles, le sens poussé du bien commun, qui
sont autant de dispositions, d’aptitudes et qualités qui sont loin d’être partagées
par les chasseurs invétérés de postes ; ce n’est pas une simple question
de diplômes, puisque à qualification égale, les rendements ne sont pas
nécessairement les mêmes. Comment donc
expliquer l’attitude de ces chefs qui gèrent « leurs » services comme
des roitelets, qui se distinguent par des décisions préjudiciables au service,
parce qu’ils n’entendent pas associer les collaborateurs souvent plus gradés et
plus expérimentés ?
Les
syndicats qui se battaient entre autres pour que les promotions se fassent sur
des critères objectifs, pour que ce soit un instrument d’émulation, un
encouragement au désintéressement et au renoncement à soi, ont été combattus
comme nous le montrerons plus bas. Il se dit que des groupes de camerounais ont
organisé des tontines pour permettre à leurs membres d’accéder à tour de rôle à
des postes de responsables ; c’est un véritable marché ; vous vous
arrangez pour acheter un poste ; une fois nommé, vous faites tout pour
récupérer votre mise, avec bénéfice. C’est ce qui explique le comportement
prédateur de certains responsables qui n’hésitent pas à monnayer leurs services
en vendant leurs signatures, à escroquer leurs collaborateurs, à détourner par
des pratiques bien huilées et par ailleurs bien connues les budgets des services,
tout cela sur le dos de l’usager qui doit casquer dès qu’il sollicite le
moindre service. La course aux postes est une activité lucrative comme une
autre, et elle peut rapporter gros.
L’on
invoque parfois, dans une tentative vaine et dérisoire d’expliquer les
incongruités, les injustices et les abus observés, la politique d’équilibre
régional évoquée supra. Si l’on passait les nominations au crible de l’arrêté
cité ci-dessus, il apparaîtrait immédiatement des disparités révoltantes. Le
délit de patronyme demeure cruellement d’actualité. Les ressortissants de
certaines régions semblent destinés à être des directeurs, tandis que d’autres
restent confinés toutes leurs carrières aux seconds rôles. La notion de pouvoir
discrétionnaire a conduit à toutes sortes d’excès; on peut bien comprendre que
l’on y fasse recours pour choisir entre deux personnes ayant la même
qualification, la même ancienneté et la même compétence, qui sont pressenties
pour pouvoir à une même fonction ; mais ce que l’on voit c’est des abus du
genre qui consistent à mettre à l’écart les plus compétents, les plus intègres,
en faveur des personnels au profil douteux.
En
fin de compte, ce système, qui vaut à notre pays de figurer parmi les pays les
plus corrompus de la planète, bride et brime notre génie collectif ;
l’ardeur au travail n’est pas encouragée, c’est une prime à la médiocrité et à la paresse. Il n’
y a de place ni pour la créativité, ni pour l’inventivité, ni pour
l’initiative, ni pour l’audace, qui libéreraient toutes les potentialités qui
sommeillent en nous, et qui manquent les conditions propices à leur expression
totale.
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