Lutte contre la
corruption :
La quadrature du cercle.
Cet
article a été écrit en janvier 2005. On constate 10 ans plus tard que les
prévisions faites se sont réalisées ; M. Biya n’a toujours pas déclaré ses
biens ; les organes de gestion de la fonction publique ne sont toujours
pas mises en place ; les élections sont toujours truquées ; M. Bolloré
a le vent en poupe au Cameroun qui est une chasse gardée de la France. Le
Cameroun a atteint le point d’achèvement sans aucune amélioration de la
gouvernance. M. Inoni est en prison avec tout un gouvernement ; la
corruption continue malgré la création et la mise en place d’un comité de lutte
contre la corruption, la CONAC.
Le
gouvernement camerounais dit vouloir en découdre avec la corruption ; on
se demande quelle mouche l’a piqué, cela d’autant plus que c’est un aveu
d’échec des campagnes précédentes, avec les comités ad-hoc crées dans les
ministères.
Faut –il prendre Inoni au sérieux ?
Comment pourrait – on prendre au sérieux les tenants d’un système basé
justement sur la corruption ? Veulent – ils scier la branche sur laquelle
ils sont assis ? Ce qui se passe est inquiétant ; cela signifie que
ce gouvernement n’a pas saisi l’ampleur, la profondeur du mal. Ils ne savent
pas la gravité du traumatisme causé aux camerounais par une succession d’actes
et d’omissions antipatriotiques, et qui fondent le scepticisme et l’incrédulité
observées. Non, décidemment, ce gouvernement est incapable de combattre la
corruption ; le tapage actuel est destiné à jeter la poudre aux yeux de
l’opinion, et à en faire accroire les bailleurs de fonds. Un système qui ne
doit son maintien qu’à la tricherie et à l’achat des consciences peut – il
combattre la corruption ? Il n’ y a qu’à voir la pléthore de ministres
récemment nommés ; il s’est agi pour M. Biya de récompenser les copains
qui l’ont aidé à se maintenir au pouvoir par les moyens méprisables que l’on
sait. Un ministre nommé dans de telles conditions ne cherchera qu’à s’enrichir
le plus rapidement possible.
Le
gouvernement est préoccupé par deux choses : d’abord, flatter les
camerounais après le hold – up électoral dont ils viennent d’être
victimes ; il se comporte comme un voleur qui veut amadouer sa victime,
qu’il sait potentiellement puissant ; en effet si les camerounais décident
de sortir de leur torpeur, M. Biya et compagnie savent bien que la récréation
serait terminée. L’autre préoccupation du régime, c’est l’atteinte du point
d’achèvement. Ces messieurs de Yaoundé ont essayé de berner les experts du FMI,
comme ils ont toujours mené en bateau le peuple camerounais, à coups
d’intimidations, de manipulations et de désinformation. Cela n’a pas marché et
cela ne marchera jamais. Si le point d’achèvement était atteint, qui en
profiterait ? sûrement pas le peuple camerounais ; ce serait encore
la même poignée de frères et de complices, qui se vautre déjà dans une opulence
insolente et provocatrice au milieu d’un vaste océan de misère entretenue par
l’omniprésente et rampante corruption que l’on prétend vouloir combattre
aujourd’hui.
Prenons
nous un instant au jeu de ce gouvernement et supposons qu’il puisse être
sérieux. Cela serait contraire à l’essence même du régime dont les motivations
profondes ne sont un secret pour personne. Le premier obstacle à surmonter est
l’incrédulité et le doute légitimes des camerounais, qui sont convaincus et
confortés en cela par le comportement des dirigeants, que chacun doit manger là
où il se trouve. Comment en effet interpréter autrement les fêtes organisées
dans chaque village à la suite de la promotion d’un ressortissant à un haut
poste de responsabilité ?
Que
M. Biya déclare ses biens comme l’exige la Constitution de la République ;
qu’il réduise la fréquence de ses interminables « courts séjours » en
Europe, aux frais du contribuable.
Où
sont les organes de gestion de la Fonction publique ? Cela fait dix ans
que le statut de la fonction est en vigueur. En l’absence des organes de
gestion, aucune des sanctions sérieuses prévues par le statut ne peut être
infligée à un fonctionnaire, l’avis de ces organes inexistants étant une
formalité substantielle. La seule sanction actuelle consiste à relever les présumés
fautifs de leurs fonctions, sans poursuites judicaires ; c’est donc le
règne de l’impunité.
Comme
on peut le constater, la motivation de ce gouvernement est extrinsèque, ce qui
signifie que Inoni n’est pas lui – même convaincu de la nécessité de la lutte
anticorruption. Faut – il rappeler que les hauts fonctionnaires qui se sont
impliqués fortement dans les détournements massifs et éhontés des suffrages aux
dernières élections, comptaient sur le maintien du statu quo ante ? C’est-
à dire qu’ils comptent sur la corruption, la gabegie et l’impunité ambiante
pour s’enrichir davantage, au détriment des populations.
Les
bas salaires servis aux fonctionnaires, leur faible pouvoir d’achat, la
dénégation de la liberté syndicale et du droit de grève, du droit de la
participation des fonctionnaires à la
gestion de la fonction publique, l’absence du dialogue, sont autant
d’incitations à la corruption, et le régime camerounais ne peut remettre en
question ces options sans se mettre en danger. Dans ces conditions, les descentes inopinées du PM et de ses ministres
dans les services relève du ridicule ; c’est une mise en scène de
mauvais goût, et il est à prévoir qu’ils vont vite se fatiguer ; ces actions relèvent d’un zèle de début de
septennat qui ne fera pas long feu. On avait déjà vu cela avec Peter Mafany
Musongé. Dès sa nomination en 1997, il avait entrepris cet exercice, avant de
se décourager, au vu sans doute de l’ampleur d’un mal qu’il avait sous-estimé.
Ce système a accouché d’un monstre qu’il ne veut ni ne peut contrôler. Comment
M. Biya qui à 73 ans s’est permis de rempiler pour un nouveau manant de 7 ans,
après 22 ans d’un pouvoir marqué par la corruption, la gabegie, le tribalisme,
le péculat, comment M. Biya peut – il espérer convaincre les camerounais de sa
volonté de changer ? Il a montré aux camerounais qu’il ne sera chassé du
pouvoir, auquel il s’accroche envers et contre tout, que par la mort, et il
veut en même temps que les camerounais accordent du crédit à sa prétendue lutte
contre la corruption. C’est la quadrature du cercle. Le seul service qu’un tel
Monsieur puisse rendre aux camerounais, c’est de se démettre.
Que
l’on observe le gouvernement de décembre dernier : tous les portefeuilles
de la sécurité reviennent à des frères du Président. Le tribalisme est le frère
jumeau de la corruption ; peut – on combattre l’un sans l’autre ?
On peut enfin se demander pourquoi engager
une pareille opération dont les esprits lucides ne peuvent rien attendre de bon ;
il s’agit tout simplement d’un autre prétexte pour justifier d’autres
détournements, et les corrupteurs invétérés produits par le régime vont faire
monter les enchères. Ce système s’est évertué à ancrer la corruption dans les
mœurs au Cameroun, tant et si bien que sa seule présence aux affaires est une
assurance, une garantie et une caution pour les corrompus hauts placés, qui
peuvent dormir tranquilles.
Comment
peut – on lutter contre la corruption alors que le profil de carrière et les
critères de promotion sur des bases objectives que les syndicats réclament
vainement sont rejetés par le gouvernement ? Prenons le cas de la police
et de la gendarmerie par exemple qui rackettent les usagers de la route. Il se
dit que cette pratique est encouragée par leurs hiérarchies respectives qui y
trouvent leurs comptes. Et lorsqu’on remonte ces hiérarchies, il se peut que
l’on atteigne des niveaux insoupçonnés. Donc plutôt que faire la guerre aux
petits agents M. Inoni devrait commencer par assainir les sommets où il se
trouve. Le peut –il ? le veut – il ? Le doute est permis.
Le
gouvernement est entièrement responsable de la non atteinte du point
d’achèvement, pour n’avoir pas pu respecter le cahier de charges y relatif.
Il
est absolument impossible de guérir une maladie qui n’a pas été véritablement diagnostiquée,
et dont les causes ne sont pas déterminées ; en effet parmi les racines
profondes de la corruption, on peut citer les causes et les motivations de la
colonisation, qui n’a jamais pris fin. Ceci n’est pas dit pour rendre les seuls
blancs responsables de tous nos malheurs. Les blancs n’ont jamais renoncé à
leur volonté de dominer et d’exploiter l’homme noir, et l’indépendance factice,
la décolonisation de façade des années
soixante ne doivent pas faire illusion. Le
soutien apporté à nos gouvernements corrompus et incompétents (Cameroun, Congo,
Tchad, Togo, etc..) par Jacques Chirac s’explique par la volonté de prouver que
les noirs sont incapables de se prendre
en charge. C’est ainsi qu’il s’est
permis de féliciter M. Biya pour sa « réélection », alors que les
résultats de l’élection n’étaient pas encore proclamés.
L’autre
aspect tient à la politique intérieure française. M. Chirac doit son élection
comme Président de la république française, au soutien des milieux d’affaires.
Parmi ceux – ci, certains sont implantés en Afrique, comme par exemple le Groupe Bolloré, le Groupe Bouygues, Pierre
Castel et ses Brasseries, etc…Les
affaires de ces derniers ne peuvent prospérer qu’avec des gouvernements
autocratiques et corrompus, d’où la pression qu’ils font sur Chirac pour
que celui – ci soutienne ces régimes. Nous avons donc au pouvoir des régimes au
service des intérêts français. Voilà une autre raison pour laquelle ce qui se
passe est un coup d’épée dans l’eau.
170105
tchassé jean-claude
pleg, syndicaliste
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