FONCTION
PUBLIQUE CAMEROUNAISE :
Liberté syndicale et droit de grève
bridés.
les Syndicats muselés, puis tolérés.
la liberté syndicale était
garantie par la constitution du
2 juin 1972; cela signifiait que l’exercice de cette liberté était assurée par la Constitution de la République ; avec
la révision qui a abouti à une nouvelle Constitution le 18 janvier 1996, le
droit de grève qui était jusque là implicite – Joseph Owona, s’inspirant de la
législation et de la jurisprudence française, parle de licéité du droit de
grève dans son ouvrage sus cité – est
également garanti. D’autre part, notre pays a ratifié depuis le 07 juin
1960 la Convention
87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, et depuis
le 03 septembre 1962 la convention 98 sur
le droit d’organisation et de négociation collective ; ces deux
conventions ont été respectivement adoptées par l’organisation
internationale du travail
en 1948 et en 1949.
A partir de
ces dispositions constitutionnelles, le Gouvernement aurait dû faire adopter
par l’Assemblée Nationale d’alors une loi permettant aux citoyens de jouir de
cette liberté ; il existe
effectivement la loi n° 68/LF/19 du 18 novembre 1968 (relative aux associations
ou syndicats professionnels non régis par le Code du travail) et son décret
d'application n° 69/DF/7 du 6 janvier 1969 ; seulement cette loi soumet
les syndicats au régime d’autorisation, au lieu de la simple déclaration
préconisée par les conventions de l’OIT ; cette loi n’est donc pas
conforme à ces conventions. Le statut de 1974 disposait en son article
36 : « le fonctionnaire
jouit des libertés publiques reconnues à tout citoyen. Il peut notamment
adhérer à une association ou à des syndicats professionnels légalement
constitués, en vue d’assurer la représentation et la défense de ses intérêts de
carrière. Toutefois, le fonctionnaire est tenu d’exercer ses droits dans le
respect de l’autorité de l’état,
de l’ordre public et des sujétions particulières inhérentes à certains corps ou
à certaines fonctions. » en décembre
1990, il y a eu une session du Parlement dite des libertés au cours de laquelle
ont été adoptées des lois libérales sur les partis politiques, sur la
communication, sur les associations ; mais pour ce qui est des syndicats,
la loi n° 90/53 du 19 décembre 1990 sur la liberté
d'association renvoie à des textes particuliers que l’on attend encore.
Encouragés par les dispositions de la loi fondamentale et
les conventions de l’OIT ratifiées, des
enseignants ont voulu promouvoir des syndicats : le Syndicat des
Enseignants du supérieur
(SYNES) ; le Syndicat National Autonome de l’enseignement du secondaire
(SNAES), le Syndicat National de l’Enseignement Primaire et Maternel
(SNEPMA) ; mal leur en a pris : le gouvernement
a multiplié les entraves à leur bon fonctionnement, notamment en refusant de
reconnaître leur personnalité juridique, en suspendant d’enseignement et/ou de
solde certains enseignants membres, en infligeant de multiples affectations
disciplinaires à d’autres et en attentant à la vie du Président du SYNES,
Jongwane Dipoko.
Faisant suite à ces exactions, le SYNES a adressé entre
juin 1992 et juillet 1994, une série de communications au comité de la liberté syndicale du Bureau
International du Travail (BIT). Il convient de rappeler qu’avant 1990, il
existait un seul syndicat, annexe du parti unique au Cameroun, donc contrôlé
par le gouvernement. L’émergence
de syndicats libres était par conséquent très mal perçue par les autorités. Elles
ont confirmé leur opposition à cette évolution démocratique dans leurs
réactions au BIT, lorsque, tout en refusant de reconnaître au SYNES la qualité
de syndicat, ils exigeaient que les promoteurs se soumettent à la loi n° 68/LF/19 du 18 novembre 1968, en
attendant les textes particuliers pour les syndicats annoncés par la loi sur la
liberté d’association de 1990, non sans les avoir accusés de faire de la
politique par une interprétation fallacieuse de leurs statuts. Le comité a réagi une première fois en
1993, en faveur du SYNES ; dans ses recommandations, il demandait notamment au gouvernement :
·
de reconnaître la personnalité juridique du
SYNES,
·
d'abroger
la loi n° 68/LF/19 du 18 novembre 1968 qui soumet l'existence juridique d'un
syndicat de fonctionnaires à l'agrément préalable du ministre de l'Administration
territoriale et d'abroger l'article 6 (2) de la loi n° 92/007 du 14 août 1992
portant Code du travail qui permet de poursuivre judiciairement les promoteurs
d'un syndicat non enregistré qui se comporteraient comme si le syndicat était
enregistré, contrairement aux dispositions des conventions 87 et 98.
Dans sa deuxième réaction en 1994,
le Comité ayant d’abord constaté que le Gouvernement ne manifestait aucune
intention de réviser la loi syndicale, ni de mettre fin à la répression
syndicale a réitéré les recommandations antérieures. Le nouveau statut de la
fonction publique est publié à ce moment-là ; à propos des syndicats, ce
statut dispose, à l’article 21 : « (1) le fonctionnaire jouit des
droits et libertés reconnus au citoyen. Il les exerce dans le cadre des lois et
règlements en vigueur. (2) Il peut notamment adhérer à une association
politique ou culturelle, à un syndicat légalement reconnu en vue
d’assurer la représentation et la défense de ses intérêts de carrière. (3) Il
est tenu d’exercer ses droits dans le respect de l’autorité de l’état et de
l’ordre public. Toutefois, certaines fonctions exigeant de leurs titulaires un
loyalisme aux institutions de la
République ou une neutralité politique absolue font l’objet
d’un texte particulier. » Ces dispositions qui parlent de syndicat
légalement reconnu, est plus restrictif que celles de l’ancien statut, qui
parlait de syndicat légalement constitué. Ceci n’est pas le régime de
déclaration recommandé par l’OIT dans ses conventions. En plus d’être inconstitutionnel
et illégal, le statut en vigueur actuellement n’est pas conforme aux normes
internationales du travail. Depuis 1994, le Gouvernement joue au chat et à la
souris avec le Bit en lui
promettant de mettre sa législation en conformité avec les conventions de
l’OIT.
Il faut dire que
ces deux séries de recommandations sont restées lettres mortes. La liberté
syndicale n’est pas régie par des textes conformes aux normes internationales
du travail.
Droit de grève non reconnu.
Le droit de
grève est le corollaire de la liberté syndicale ; des syndicats qui
fonctionnement normalement finissent toujours par recourir à la grève dans
un contexte démocratique ; surtout dans notre pays où les droits les plus
élémentaires des travailleurs de la fonction publique sont bafoués ; nous
avons vu plus haut que ce droit de grève
qui était implicite avec la
constitution du
02 juin 1972 n’est garanti par la Constitution que depuis la révision constitutionnelle
du 18 janvier 1996. il n’existe
aucune loi au Cameroun régissant l’exercice du droit de grève pour les
fonctionnaires. Après avoir constaté « l’absence d’une réglementation
camerounaise de l’exercice du droit de grève des fonctionnaires », le Pr Joseph
Owona disait dans son ouvrage cité supra aux pages 93 et 94, qu’en la matière
on appliquait au Cameroun les dispositions de la loi française du 31 juillet
1963. Pour le Pr Lekene Donfack dans son article cité supra, pages 41 et 42, la
grève n’étant pas reconnue par le statut de la Fonction Publique,
doit être considérée comme étant illicite. Voilà deux experts qui ne
s’accordent pas sur la licéité du droit de grève. Toujours est-il que ceci
traduit le refus des pouvoirs publics de reconnaître aux travailleurs le droit
de grève ; ce qui explique par ailleurs l’acharnement contre les
promoteurs de syndicats non inféodés au pouvoir. Et les travailleurs
camerounais du secteur public, malmenés par les mesures incohérentes et
injustes imposés ont, en désespoir de cause, dû observer à plusieurs reprises
des mots d’ordre de grève.
Jean-Claude
TCHASSE
Syndicaliste
PLEG
Hors Echelle
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