vendredi 11 septembre 2015

Lutte contre la corruption : La quadrature du cercle.



Lutte contre la corruption :
La quadrature du cercle.
Cet article a été écrit en janvier 2005. On constate 10 ans plus tard que les prévisions faites se sont réalisées ; M. Biya n’a toujours pas déclaré ses biens ; les organes de gestion de la fonction publique ne sont toujours pas mises en place ; les élections sont toujours truquées ; M. Bolloré a le vent en poupe au Cameroun qui est une chasse gardée de la France. Le Cameroun a atteint le point d’achèvement sans aucune amélioration de la gouvernance. M. Inoni est en prison avec tout un gouvernement ; la corruption continue malgré la création et la mise en place d’un comité de lutte contre la corruption, la CONAC.
Le gouvernement camerounais dit vouloir en découdre avec la corruption ; on se demande quelle mouche l’a piqué, cela d’autant plus que c’est un aveu d’échec des campagnes précédentes, avec les comités ad-hoc crées dans les ministères.
 Faut –il prendre Inoni au sérieux ? Comment pourrait – on prendre au sérieux les tenants d’un système basé justement sur la corruption ? Veulent – ils scier la branche sur laquelle ils sont assis ? Ce qui se passe est inquiétant ; cela signifie que ce gouvernement n’a pas saisi l’ampleur, la profondeur du mal. Ils ne savent pas la gravité du traumatisme causé aux camerounais par une succession d’actes et d’omissions antipatriotiques, et qui fondent le scepticisme et l’incrédulité  observées. Non, décidemment, ce gouvernement est incapable de combattre la corruption ; le tapage actuel est destiné à jeter la poudre aux yeux de l’opinion, et à en faire accroire les bailleurs de fonds. Un système qui ne doit son maintien qu’à la tricherie et à l’achat des consciences peut – il combattre la corruption ? Il n’ y a qu’à voir la pléthore de ministres récemment nommés ; il s’est agi pour M. Biya de récompenser les copains qui l’ont aidé à se maintenir au pouvoir par les moyens méprisables que l’on sait. Un ministre nommé dans de telles conditions ne cherchera qu’à s’enrichir le plus rapidement possible.
            Le gouvernement est préoccupé par deux choses : d’abord, flatter les camerounais après le hold – up électoral dont ils viennent d’être victimes ; il se comporte comme un voleur qui veut amadouer sa victime, qu’il sait potentiellement puissant ; en effet si les camerounais décident de sortir de leur torpeur, M. Biya et compagnie savent bien que la récréation serait terminée. L’autre préoccupation du régime, c’est l’atteinte du point d’achèvement. Ces messieurs de Yaoundé ont essayé de berner les experts du FMI, comme ils ont toujours mené en bateau le peuple camerounais, à coups d’intimidations, de manipulations et de désinformation. Cela n’a pas marché et cela ne marchera jamais. Si le point d’achèvement était atteint, qui en profiterait ? sûrement pas le peuple camerounais ; ce serait encore la même poignée de frères et de complices, qui se vautre déjà dans une opulence insolente et provocatrice au milieu d’un vaste océan de misère entretenue par l’omniprésente et rampante corruption que l’on prétend vouloir combattre aujourd’hui.
            Prenons nous un instant au jeu de ce gouvernement et supposons qu’il puisse être sérieux. Cela serait contraire à l’essence même du régime dont les motivations profondes ne sont un secret pour personne. Le premier obstacle à surmonter est l’incrédulité et le doute légitimes des camerounais, qui sont convaincus et confortés en cela par le comportement des dirigeants, que chacun doit manger là où il se trouve. Comment en effet interpréter autrement les fêtes organisées dans chaque village à la suite de la promotion d’un ressortissant à un haut poste de responsabilité ?
            Que M. Biya déclare ses biens comme l’exige la Constitution de la République ; qu’il réduise la fréquence de ses interminables « courts séjours » en Europe, aux frais du contribuable.
            Où sont les organes de gestion de la Fonction publique ? Cela fait dix ans que le statut de la fonction est en vigueur. En l’absence des organes de gestion, aucune des sanctions sérieuses prévues par le statut ne peut être infligée à un fonctionnaire, l’avis de ces organes inexistants étant une formalité substantielle. La seule sanction actuelle consiste à relever les présumés fautifs de leurs fonctions, sans poursuites judicaires ; c’est donc le règne de l’impunité.
            Comme on peut le constater, la motivation de ce gouvernement est extrinsèque, ce qui signifie que Inoni n’est pas lui – même convaincu de la nécessité de la lutte anticorruption. Faut – il rappeler que les hauts fonctionnaires qui se sont impliqués fortement dans les détournements massifs et éhontés des suffrages aux dernières élections, comptaient sur le maintien du statu quo ante ? C’est- à dire qu’ils comptent sur la corruption, la gabegie et l’impunité ambiante pour s’enrichir davantage, au détriment des populations.
            Les bas salaires servis aux fonctionnaires, leur faible pouvoir d’achat, la dénégation de la liberté syndicale et du droit de grève, du droit de la participation des fonctionnaires  à la gestion de la fonction publique, l’absence du dialogue, sont autant d’incitations à la corruption, et le régime camerounais ne peut remettre en question ces options sans se mettre en danger. Dans ces conditions, les descentes inopinées du PM et de ses ministres dans les services relève du ridicule ; c’est une mise en scène de mauvais goût, et il est à prévoir qu’ils vont vite se fatiguer ; ces actions relèvent d’un zèle de début de septennat qui ne fera pas long feu. On avait déjà vu cela avec Peter Mafany Musongé. Dès sa nomination en 1997, il avait entrepris cet exercice, avant de se décourager, au vu sans doute de l’ampleur d’un mal qu’il avait sous-estimé. Ce système a accouché d’un monstre qu’il ne veut ni ne peut contrôler. Comment M. Biya qui à 73 ans s’est permis de rempiler pour un nouveau manant de 7 ans, après 22 ans d’un pouvoir marqué par la corruption, la gabegie, le tribalisme, le péculat, comment M. Biya peut – il espérer convaincre les camerounais de sa volonté de changer ? Il a montré aux camerounais qu’il ne sera chassé du pouvoir, auquel il s’accroche envers et contre tout, que par la mort, et il veut en même temps que les camerounais accordent du crédit à sa prétendue lutte contre la corruption. C’est la quadrature du cercle. Le seul service qu’un tel Monsieur puisse rendre aux camerounais, c’est de se démettre.
            Que l’on observe le gouvernement de décembre dernier : tous les portefeuilles de la sécurité reviennent à des frères du Président. Le tribalisme est le frère jumeau de la corruption ; peut – on combattre l’un sans l’autre ?
On peut enfin se demander pourquoi engager une pareille opération dont les esprits lucides ne peuvent rien attendre de bon ; il s’agit tout simplement d’un autre prétexte pour justifier d’autres détournements, et les corrupteurs invétérés produits par le régime vont faire monter les enchères. Ce système s’est évertué à ancrer la corruption dans les mœurs au Cameroun, tant et si bien que sa seule présence aux affaires est une assurance, une garantie et une caution pour les corrompus hauts placés, qui peuvent dormir tranquilles.
            Comment peut – on lutter contre la corruption alors que le profil de carrière et les critères de promotion sur des bases objectives que les syndicats réclament vainement sont rejetés par le gouvernement ? Prenons le cas de la police et de la gendarmerie par exemple qui rackettent les usagers de la route. Il se dit que cette pratique est encouragée par leurs hiérarchies respectives qui y trouvent leurs comptes. Et lorsqu’on remonte ces hiérarchies, il se peut que l’on atteigne des niveaux insoupçonnés. Donc plutôt que faire la guerre aux petits agents M. Inoni devrait commencer par assainir les sommets où il se trouve. Le peut –il ? le veut – il ? Le doute est permis.
            Le gouvernement est entièrement responsable de la non atteinte du point d’achèvement, pour n’avoir pas pu respecter le cahier de charges y relatif.
            Il est absolument impossible de guérir une maladie qui n’a pas été véritablement diagnostiquée, et dont les causes ne sont pas déterminées ; en effet parmi les racines profondes de la corruption, on peut citer les causes et les motivations de la colonisation, qui n’a jamais pris fin. Ceci n’est pas dit pour rendre les seuls blancs responsables de tous nos malheurs. Les blancs n’ont jamais renoncé à leur volonté de dominer et d’exploiter l’homme noir, et l’indépendance factice, la décolonisation de façade  des années soixante ne doivent pas faire illusion. Le soutien apporté à nos gouvernements corrompus et incompétents (Cameroun, Congo, Tchad, Togo, etc..) par Jacques Chirac s’explique par la volonté de prouver que les noirs sont incapables  de se prendre en charge. C’est ainsi qu’il s’est permis de féliciter M. Biya pour sa « réélection », alors que les résultats de l’élection n’étaient pas encore proclamés.
            L’autre aspect tient à la politique intérieure française. M. Chirac doit son élection comme Président de la république française, au soutien des milieux d’affaires. Parmi ceux – ci, certains sont implantés en Afrique, comme par exemple le Groupe Bolloré, le Groupe Bouygues, Pierre Castel et ses Brasseries, etc…Les affaires de ces derniers ne peuvent prospérer qu’avec des gouvernements autocratiques et corrompus, d’où la pression qu’ils font sur Chirac pour que celui – ci soutienne ces régimes. Nous avons donc au pouvoir des régimes au service des intérêts français. Voilà une autre raison pour laquelle ce qui se passe est un coup d’épée dans l’eau.

170105
tchassé jean-claude
pleg, syndicaliste

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