mardi 22 septembre 2020

Ma journée du 26 janvier 2019.

 Ma journée du 26 janvier 2019.

Suite à l’appel du président élu Maurice Kamto de manifester paifiquement pour dénoncer la guerre dans le NOSO, le hold-up électoral et les détournements massifs et impunis de deniers publics, j’ai participé à la marche à Bafoussam.
Cela a commencé vers 10h avec l’arrivée des manifestants au marché A, puisque la manifestation était prévue au rond point BIAO. On attendait le signal pour rejoindre les autres. Quand les coups de sifflets ont retenti, le groupe dans lequel je me trouvais a rejoint celui conduit par le régional du MRC Kamdem Christophe qui avait déjà été intercepté et bloqué par la police, qui avait été déployée dans toute la ville. Nous étions environ une centaine de manifestants. Les policiers ont découpé aux ciseaux la banderole qui avait été préparée, et ont arraché les papiers portant les messages et que tenaient les manifestants ; un morceau de banderole a quand même été récupéré et été brandi par la suite. Ainsi bloqués nous nous sommes assis à même le goudron et avons entonné l’hymne national et d’autres chants patriotiques. J’ai vu Maître Tassa et d’autres déjà arrêtés par la police. Cela a duré environ 10 min au bout desquels les policiers qui nous bloquaient nous ont permis d’avancer. Nous avons ainsi évolué entourés de policiers jusqu’à l’immeuble siège de l’UCCAO, où nous avons été encore bloqués. Un officier de police a cassé le téléphone d’un manifestant. Un camion de la police s’est présenté et nous a embarqués en direction de la police judiciaire. Beaucoup de manifestants dont moi sont montés par eux-mêmes dans ces camions par solidarité pour ceux qui avaient été arrêtés. C’est ainsi que nous sommes retrouvés à la police judiciaire, où de toute évidence les policiers embarrassés ne savaient pas quoi faire de nous. C’est ainsi que nous sommes repartis de là en continuant notre manifestation vers le marché A. la première grenade lacrymogène a été lancée au niveau du marché des fruits. Les plus avancés remontaient vers le carrefour BIAO lieu de départ de la manif. J’ai alors vu mami wata, le camion lance-eau de la gendarmerie sur la descente du marché A. pendant ce temps les policiers s’évertuaient à nous disperser à coups de gaz lacrymogène ; c’est ainsi que je me suis retrouvé à terre à côté d’une autre manifestante, mais nous nous sommes relevés très vite pour nous éloigner du gaz qui se rependait. Avant cela j’avais vu passer une pick-up de la police où était embarqués deux militants, dont Michael Nyayo.
Au total cette manifestation aura été une réussite de mon point de vue ; elle a duré plus d’une heure pendant laquelle la circulation a été perturbée sur l’axe principal qui passe par le centre ville. On a véritablement fait l’évènement ce jour-là qui va faire date dans l’histoire de notre pays compte tenu des marches dans les autres villes du pays et à l’étranger.
Sur l’attitude des policiers, je constate qu’ils ne portaient pas leur harnachement fait de de casque de bouclier, de protège tibia. Mais ils avaient bien leurs matraques dont ils n’ont pas usé. J’en remarqué un qui était encagoulé. D’autres avec gilets pare-balles. Certains ne portaient ni leurs noms ni leurs grades.
J’ai manifesté parce que je trouvais les raisons avancées légitimes. Le droit à la manifestation, qui fait partie de la liberté d’expression est reconnu par la constitution de la République, mais ce régime interdit systématiquement les manifestations déclarées par le MRC. Seules celles favorables au régime sont permises. S’il fallait attendre l’accord de l‘administration inféodée au régime pour manifester, on ne l’aurait jamais fait. Il est nécessaire, voire salutaire de s’exprimer ainsi, de montrer sa désapprobation par des manifestations pacifiques, plutôt que de prendre les armes contre la patrie. Mais alors pourquoi réprimer systématiquement ?
Je dois dire que j’ai été quand même un peu déçu de l’attitude des camerounais qui ont pourtant voté en masse pour le MRC, et qui visiblement approuvaient la manifestation, mais qui n’osaient pas se joindre à nous. Pourquoi tous ces mécontents et déçus du régime ne se sont-ils pas associés à nous ? La violence policière traduite par la répression sauvage des manifestations antérieures peut sans doute expliquer cela. On apprendra par la suite que deux manifestants ont victimes de tirs à balles réelles. Ils sont paralysés par la peur. Pourtant si les manifestants sont très nombreux les policiers ne pourront que les encadrer comme c’est normalement prévu.
270119
Jean-Claude TCHASSE.