vendredi 29 mars 2013

COUP D’ÉTAT EN CENTRAFRIQUE Les raisons de s’inquiéter


COUP D’ÉTAT EN CENTRAFRIQUE
Les raisons de s’inquiéter

Le renversement du régime de Bozizé en Centrafrique, le 24 mars 2013 est un évènement qui donne à réfléchir. En effet, cette ancienne colonie française est d’une instabilité extraordinaire ; les régimes se succèdent à Bangui depuis la prétendue indépendance de ce pays, les uns plus médiocres que les autres. David Dacko, qui a remplacé le Premier Président Barthélémy Boganda décédé le 29 mars 1959 dans un crash aérien suspect, est  renversé par son cousin Bokassa en 1965 ; David Dacko est ramené au pouvoir en 1979 par les paras français ; en 1981, il est à son tour renversé par André Kolingba ; Ange Félix Patassé est élu en 1993 ; il a eu deux mandants mouvementés marqués par des crises et des conflits graves pendant lesquels la France, la Lybie et les miliciens de Jean-Pierre Bemba ont dû intervenir ; il est finalement renversé en 2003 par son ancien Chef d’état major, un certain Général Bozizé. C’est ce Bozizé qui vient à son tour d’être chassé du pouvoir comme un malpropre par Michel Djotodia.   On se souvient même que cet état a été un empire avec le burlesque Bokassa, soutenu par la France, dont il avait acheté les dirigeants d’alors à coups de diamants ; qui en sort perdant ? Le peuple centrafricain, pardi. Le régime de Bozizé s’est écroulé comme un château de cartes ; son armée, si tant est qu’elle existait n’a pas pu résister aux rebelles de la Seleka, qui ont pris Bangui avec une facilité déconcertante. D’où sont venus ces rebelles ? Qui les a armés ? L’avenir nous le dira. En tout état de cause, le nouveau maître de Bangui devra se montrer reconnaissant envers son ou ses  mentors.
Quand on y regarde de près, cette instabilité ne concerne pas seulement la Centrafrique ; les autres pays de la sous région, et d’une manière générale les anciennes colonies françaises et belges, à quelques exceptions près, ont connu ou sont encore secoués par des guerres et des conflits armés ou alors sont pris en otage par des régimes autocratiques hostiles à toute alternance démocratique, qui ont transformé leurs pays en royaumes et en dynasties. Ainsi par exemple, Le Tchad a connu des guerres fratricides ; le régime de Idriss Déby ne doit son maintien qu’aux interventions de l’armée française ; au Congo, Sassou Nguesso est revenu au pouvoir à l’issue d’une guerre fratricide et meurtrière en 1997. Le Congo démocratique est de fait divisé. La rébellion du M 23 et les autres groupes armés donnent du fil à retordre au régime de Kabila fils dans le Kivu. Le Gabon et le Togo sont des dynasties ; Bongo fils et Eyadéma fils ont succédé à leurs pères respectifs par des élections entachées de fraudes monstrueuses ; le Cameroun est pris en otage par un régime incompétent, corrompu et tribaliste qui s’accroche par des simulacres d’élections et pour qui la constitution est un vulgaire papier que l’on modifie comme on veut. La Côte d’ivoire que la France aurait pu brandir comme modèle de coopération réussie, est en guerre depuis 2002. Au Mali, c’est la guerre animée par des jihadistes qui ont récupéré l’armement offert par la France aux insurgés qui combattaient Kadaffi. Le Niger, la Mauritanie, le Burkina Faso, la Guinée, le Bénin ont connu des coups d’état. Le Rwanda et le Burundi ont été les théâtres de conflagrations  meurtrières et peinent à se remettre de ces évènements sanglants. Seul le Sénégal émerge comme exemple de réussite démocratique, où l’alternance au pouvoir est une réalité vécue.
Qu’étaient venus chercher les européens en Afrique ? Ils vous répondent qu’ils sont venus nous « civiliser », nous sortir de la barbarie et de la sauvagerie ; entre autres, ils devaient nous montrer comment  mettre sur pied des états fiables que nous devions être nous-mêmes capables de gérer, pour le bonheur de nos peuples. Voilà plus de cinquante ans que ces blancs sont partis, et force est de constater que ces objectifs n’ont pas été atteints, avec la situation peu reluisante décrite plus haut. Ils sont venus, ils se sont largement servis de nos richesses humaines et matérielles ; pour quelle contre partie ? Qu’est-ce qu’ils nous ont apporté si ce n’est cette dépendance économique et ce déracinement culturel qui sont autant d’obstacles au développement de nos pays ?
Faut-il accuser les blancs ? Ils ont leur part de responsabilité ; il faut le dire, leur motivation n’était pas purement philanthropique quand ils venaient en Afrique, tant s’en faut ; ils recherchaient des territoires à exploiter et à dominer, c’est tout ; c’est pour cela que le processus d’accès à la souveraineté des colonies a été faussé ; les dés ont été pipés ; ils ont veillé à écarter et à assassiner les nationalistes et les patriotes, tout en soutenant des marionnettes et des valets dont le rôle principal était de sauvegarder leurs intérêts après leur départ apparent. Le virus de la fraude aux élections a été introduit par les colonisateurs qui tenaient à faire gagner par tous les moyens les candidats et les partis qui avaient leur faveur.
Maintenant que dire des colonisés ? Sont-ils vraiment des victimes innocentes ? Les colonisateurs ont  trouvé sur place des soutiens que dis-je des sous-fifres et des traîtres dans leur entreprise soit disant civilisatrice. Le savoir que les blancs étaient venus nous apporter sont dans les livres que certains d’entre nous ont lu et ont bien compris ; et après cinquante ans, avec les descendants de colonisés qui ont atteint de très hauts niveaux de formation, et cela dans tous les domaines de la connaissance, les responsabilités sont nécessairement partagées ;  comme signalé plus haut, les patriotes ont été écartés ; au profit d’autres indigènes mus uniquement par le goût du lucre, l’appât du gain, la recherche des honneurs et des privilèges ; ils savent très bien où sont les intérêts de leurs peuples ; mais ils préfèrent soutenir le pouvoir parce que cette posture là rapporte ; des espèces sonnantes et trébuchantes, rien de tel pour vous permettre de vous affirmer, et d’avoir une position, d’être en vue  et d’être considéré dans la société ; voilà ce qui fait courir nos professeurs agrégés, quand ils organisent des états majors de fraude à l’occasion des élections pour faire « gagner » et maintenir au pouvoir des régimes illégitimes et incompétents qui sont responsables du naufrage économique de nos pays.
C’est pourquoi malgré nos immenses ressources, nos pays restent sous développés plus de cinquante ans après l’indépendance.
290313
TCHASSÉ Jean-Claude
PLEG HE/Bafoussam

mercredi 27 mars 2013

INFLATION DES COURS Problème ou solution ?


INFLATION DES COURS
Problème ou solution ?

On observe de nos jours dans nos établissements scolaires une inflation des cours destinés surtout aux élèves des classes d’examen : les cours de rattrapage, les cours de répétition, les cours de remise à niveau, les cours de « remédiation »,  etc. on se perd quand essaie d’énumérer les types de cours qui ont été greffés aux cours « normaux », pour ainsi dire. Pour quels résultats ? est-on légitimement fondé à se demander ; question pertinente dans la mesure où les résultats scolaires sont au plus bas ; en effet, à ces multiples cours répondent comme en écho des taux de réussite très faibles aux examens officiels ; l’apport  ou l’utilité de ces cours ne semble donc pas évidente ; par ailleurs, on déplore parmi les conséquences de la multiplication de ces cours la suppression de fait des périodes de repos pourtant prévus dans les différents plannings (calendrier de l’année scolaire, progressions, etc.) alors, quel est le problème ?
La raison avancée est le faible niveau des élèves qui conduisent aux faibles taux de réussite observables dès les premières évaluations de l’année scolaire. Les cours de rattrapage comme leur nom l’indique, c’est pour s’ajuster aux taux de couverture des programmes (TCP) insuffisants ; il faut le dire, les faibles TCP peuvent être la conséquence de faibles taux de couverture des heures d’enseignement (TCE), c’est-à-dire plus simplement l’absentéisme des enseignants ; l’autre explication est la suivante : les enseignants sont bien consciencieux et présents, mais ils ne peuvent pas suivre la progression en raison des insuffisances criardes qu’accusent les élèves ; en effet, par suite des promotions indulgentes dont ils ont bénéficié, les élèves n’ont pas le niveau requis,  ils n’ont pas les connaissances préalables nécessaires, que dis-je, indispensables pour assimiler les enseignements du niveau auquel ils ont accédé comme par effraction ; les enseignants doivent donc consacrer un temps précieux non prévu à des activités « chronophages », pendant lesquelles ils doivent revenir sur ces notions, sans quoi c’est la catastrophe assurée. Malheureusement, les plannings de progression ne tiennent pas compte de ces réalités ; ils sont élaborés en début d’année sans intégrer une donnée essentielle : le niveau des élèves ; on les suppose bien formés, ce qui est loin d’être le cas comme le prouvent leurs faibles performances dès les premières évaluations. Pour être plus explicite, un élève admis en 6ème avec 60/200 aura des difficultés pour s’en sortir, si l’on veut s’évertuer à suivre la progression en ignorant ses lacunes.

Les principales causes des problèmes relevés sont les suivantes : de faibles taux de couverture des heures d’enseignement dans toutes les classes, les classes dites intermédiaires négligées et la promotion des élèves en classe supérieure avec des moyennes inférieures à 10/20 ; voilà l’origine des retards observés. C’est un secret de polichinelle ; tout professionnel sérieux vous le dira.
La solution à ce problème de  retard dans la couverture des programmes dont souffre de manière chronique notre système est simple ; ne plus permettre à nos élèves, et cela dès l’entrée en sixième, d’avancer en classe supérieure avec des moyennes inférieures à 10/20, et ce n’est pas sorcier. Tout se passe comme si on créait en amont un problème pour le résoudre en aval. 
L’organisation de ces cours est supportée financièrement par les parents qui depuis des années font face à l’inflation des frais incontournables de scolarité : les frais d’APE, les frais informatiques, les carnets médicaux en sus de la contribution exigible ; ils doivent casquer pour motiver les enseignants ou les étudiants qui dispensent ces cours.
Tant qu’à faire, il faut fixer les objectifs précis à ces cours, de façon à procéder à une évaluation, le moment venu, surtout qu’il arrive que ces cours soient organisés par les étudiants originaires du coin sans concertation avec les enseignants. On nous dira que l’objectif général est de relever le niveau des élèves, mais comme on l’a vu les taux de réussite ne sont pas fameux en ce moment. Comment donc évaluer l’impact réel de ces cours ?
La suppression de fait des congés à la fois pour les élèves et les enseignants n’est pas le moindre des problèmes posés; ils ne se reposent plus comme prévu ; il n’y a plus d’interruption de classes, pourtant cela ressort explicitement du calendrier de l’année scolaire. Autant dire que ces périodes sont inutiles.
Les cours de rattrapage ne devraient pas être aussi systématiques, ni aussi généralisés ; cela devrait être exceptionnel, occasionnel ; on peut admettre qu’il y ait des impondérables qui peuvent compromettre les progressions ; mais par définition un accident est un évènement imprévu, inattendu ; si cela devient une habitude, si cela se répète au fil des années scolaires, on ne parle plus d’accident ; cela devient prévisible, et du coup, les plannings et autres calendriers doivent en tenir compte. Cela n’a aucun sens de prévoir des congés qui sont de faits supprimés ou réduits, d’élaborer une progression qui ne peut pas être respectée, et tout cela pour des causes connues ; à cause des problèmes qui peuvent évités à défaut d’être résolus. L’année scolaire dure-t-elle 36 semaines dans l’enseignement général comme prévu ? Chaque élève reçoit-il effectivement 900 heures comme recommandé dans le calendrier de l’année scolaire ?  Il faut dire que ce même calendrier prévoit les journées, les fêtes et toutes sortes de manifestations qui selon les enseignants sont autant de causes de retards dans les progressions.
250313
Tchassé Jean – Claude
PleSg, Hors Échelle

dimanche 24 mars 2013

ANAJYSE DU CODE ELECTORAL PAR LE PR


Code Électoral: Quel recours? - Par Maurice Kamto
Le 20 avril 2012 a été rendue public la loi n° 2012/001 du 19 avril 2012 portant Code électoral. Une vive controverse a entouré le vote de ce texte à l’Assemblée nationale : les députés des principaux partis de l’opposition ont quitté l’hémicycle en signe de désapprobation lors de l’adoption en séance plénière ; les élus du parti allié au parti majoritaire à l’Assemblée nationale ont voté contre, exprimant ainsi leur désaccord de manière solennelle. Le texte a néanmoins été adopté par les députés du parti dominant, fort d’une majorité qui semble acquise une fois pour toutes sur la scène politique nationale et qui n’a cessé de s’amplifier depuis la «surprise inacceptable» de 1992, dans le cafouillage favorisé par l’imperfection des lois électorales multiples.

Depuis l’avènement du Code, la controverse n’a guère faibli. Il m’a semblé qu’il y avait lieu d’apporter quelques éléments d’analyse à ce débat portant sur un texte susceptible d’influencer profondément la construction démocratique dans notre pays, avant de dire en quoi le Chef de l’Etat peut, s’il le veut, créer le consensus qui n’a pu se construire autour de ce Code.


Les principaux mérites du code

J’ignore pourquoi il a fallu attendre deux décennies pour répondre à la nécessité d’avoir un corpus unique de règles régissant les questions électorales dans notre pays. Le besoin d’une loi électorale unique se fit sentir dès les premières élections consécutives au retour du multipartisme au Cameroun au début des années 1990. La demande fut exprimée de manière récurrente depuis lors. Sans doute chaque chose attend-elle son heure. Il faut donc se réjouir de ce que ce Code électoral arrive enfin. Son premier mérite est d’exister. Présentant en un tout cohérent et facile à consulter l’ensemble des règles gouvernant les questions électorales dans notre pays, il rendra aisées, sur le plan pratique, son appropriation par les citoyens et son interprétation par le juge qui aura ainsi une compréhension globale du texte et une appréhension contextuelle de chacune de ses dispositions.

Sur le fond, le Gouvernement ayant fait le choix d’une simple compilation harmonisée des textes électoraux en vigueur- ce que l’on appelle en langage technique une «codification à droit constant» - les dispositions novatrices sont fort limitées. Le Code apporte des améliorations dans la répartition des compétences entre les organes d’ELECAM : la hiérarchie d’autorité entre le Conseil électoral et le Direction Générale est clairement établie au profit du Conseil qui assure en particulier «la régularité, l’impartialité, l’objectivité, la transparence et la sincérité des scrutins», la Direction générale agissant pour tout et en toute circonstance «sous son autorité» et lui rendant compte de ses activités au moins une fois par trimestre et aussi souvent que nécessaire en période électorale. Cette nouvelle rédaction qui, on l’espère, devrait mettre un terme aux conflits d’autorité et à fluidifier les rapports entre les deux organes mérite d’être souligné, au regard des tensions qui sont apparues entre eux et qui ont incontestablement affecté, tout le monde en a convenu, la bonne organisation de la dernière élection présidentielle d’octobre 2011.

Cela étant dit, la meilleure manière de régler le problème du conflit d’autorité né de la dyarchie créée par la nomination des membres du Conseil électoral et de son Président, d’une part, et du Directeur Général et de son Adjoint, d’autre part, par décret du Président de la République est de confier au Conseil électoral le pouvoir de désignation du Directeur Général et du Directeur Général Adjoint d’ELECAM.

Outre ces améliorations portant sur ELECAM, on relèvera l’introduction de la carte électorale biométrique dans la loi électorale. Il s’agit de la réponse à une des revendications majeures des acteurs électoraux au Cameroun. C’est une innovation intéressante qui pourrait contribuer à solutionner le problème des cartes multiples pour un même électeur et par suite à limiter la fraude électorale, même si la question du délai de distribution des cartes se pose et est de nature à atténuer, comme on le verra ci-après, l’enthousiasme initiale suscitée par cette disposition.


Les principaux aspects perfectibles

On ne fait pas offense aux auteurs du Code en disant que certaines de ses dispositions présentent des insuffisances ou des ambiguïtés, que d’autres ne sont pas particulièrement claires et qu’ensemble elles constituent, pour ces raisons, des sources potentielles de conflits. S’y ajoute le fait que quelques dispositions encore pourraient heurter certains engagements internationaux de notre pays.

L’article 6(2) crée une immunité pénale totale pour «les membres d’Election Cameroon» pendant l’exercice de leur fonction. C’est une garantie utile. Reste à savoir quels sont les bénéficiaires de cette immunité, car loi ne précise pas qui sont les «membres d’ELECAM». S’agit-il seulement des membres du Conseil électoral ? De ceux-ci ainsi que du Directeur général et de son adjoint, tous deux nommés aussi par décret présidentiel ? Les responsables des démembrements territoriaux nommés par le Conseil électoral, les responsables des structures d’appui nommés par le Directeur général, l’ensemble des autres personnels d’Elecam font-ils parties des membres de cet organisme ? Si c’était le cas, le champ des personnes couvertes par l’immunité pénale serait trop étendu et aurait pour effet de soustraire une franche importante de nos concitoyens aux rigueurs de la loi pénale avec des risques d’abus de position pour le personnel subalterne.

Aux termes de l’article 44(2) le Président de la République peut, en vertu des articles 5 et 8 de la Constitution, mettre fin, selon le cas, aux fonctions du Président, du Vice Président et des membres du Conseil électoral, ainsi que du Directeur Général et du Directeur Adjoint des Elections. Il s’agit d’une attribution constitutionnelle normale en vertu de laquelle le Président de la République assure le fonctionnement régulier des pouvoirs et institutions publiques. Il est cependant à craindre qu’en matière électorale il use de cette compétence pour changer des responsables d’Elecam qui afficherait une trop grande indépendance à son égard et sur lesquels il ne serait pas sûr de pouvoir compter le cas échéant. On a vu comment un tel pouvoir a fait l’objet d’un usage abusif et contesté en Guinée par exemple, et les tensions politiques auxquelles cela a donné lieu. On pourrait donc compléter cette disposition en
précisant, soit que le Président de la République ne peut exercer ce pouvoir de révocation alors qu’une opération électorale ou référendaire est en cours, soit qu’il ne peut l’exercer qu’en concertation avec les partis politiques ou les candidats engagés dans une élection.

L’article 52(8) paraît en porte-à-faux avec les paragraphes 4, 5, 6 et 9 du même article ; il gagnerait à être clarifié.

On note une surreprésentation inexplicable de l’Administration au sein des commissions prévues aux articles 64, 68. Par ailleurs on peut s’interroger sur l’utilité du maintien de la Commission nationale de recensement général des votes : dans la mesure où elle s’occupe des tâches purement matérielles de «décompte général des votes» et de redressement des «erreurs matériels éventuels» sans du reste pouvoir «annuler les procès-verbaux correspondants», elle fait un travail que refera le Conseil constitutionnel qui n’est nullement lié par le procès-verbal dressé par la commission de toutes ses opérations. Le maintien de cette instance étant de nature à allonger inutilement le délai de proclamation des résultats des élections par le Conseil constitutionnel qui est seul habilité à le faire. Il y aurait donc lieu de la supprimer ; et si l’on tient à la garder on pourrait indiquer à l’article 69 que les observations de chaque membre de ladite Commission sont consignées au procès-verbal de ses travaux, ce qui pourrait aider le Conseil constitutionnel dans sa tâche, notamment en cas de contentieux.

S’agissant précisément du contentieux électoral, l’article 132(2) prévoit la possibilité de saisine du Conseil constitutionnel par «toute personne ayant qualité d’agent du Gouvernement pour cette élection.» Cette disposition est surprenante, car le Gouvernement, qui est un observateur neutre pouvant accompagner le cas échéant ELECAM en vue du bon déroulement du scrutin, devient indirectement partie prenante à l’élection. Le contentieux électoral ne devrait-il pas être introduit uniquement par les paries à une élection, en l’occurrence les candidats et les partis politiques ? Le Gouvernement ne devrait-il pas intervenir dans ce contentieux seulement s’il est mis en cause par l’une ou l’autre partie, donc en qualité de défendeur?

Un des points objet s de préoccupations majeures dans le Code est le montant du cautionnement pour les candidats aux diverses élections. Si le montant fixé pour l’élection présidentielle paraît acceptable en ce qu’il pourrait être mobilisé par le parti politique ayant investi le candidat ou par ses 300 soutiens régionaux, il n’en va pas de même pour les candidats aux élections législatives, celles qui donnent en définitive à la grande majorité des Camerounais la possibilité d’exercer leur droit à l’éligibilité: un parti politique qui veut présenter des candidats pour les 180 sièges de députés à l’Assemblée Nationale devra déposer un cautionnement d’un montant de (3.000.000F x 180) 540.000.000F (cinq cent quarante million) de francs. A ce tarif-là seul le parti dominant, et quelques uns de ses alliés seront en mesure de réunir une telle somme et par conséquent de présenter des candidats dans toutes les circonscriptions électorales. Il s’agit d’une sélection par l’argent qui obstrue l’exercice par tout citoyen camerounais de son droit à l’éligibilité et bafoue de la sorte un des principes cardinaux de la démocratie républicaine. Elle fait le lit d’une démocratie censitaire, si l’on veut utiliser un terme un peu savant ; mais disons-le plus simplement, elle conduit à une démocratie capturée, confisquée par les élites, non pas par toutes les élites du pays mais par celles d’un seul parti.

A cet égard, il convient de rappeler que notre pays est soumis en la matière à un certain nombre d’engagements internationaux auxquels il a souscrit librement. Rappelons que dans le préambule de la Constitution du 18 janvier 1996, l’Etat du Cameroun affirme son attachement aux libertés fondamentales inscrites entre autres dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et toutes les conventions y relatives dûment ratifiées. Or, l’article 21 de la Déclaration universelle précitée dispose, en ses paragraphes 1 et 2 que : «1. Toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires de son pays, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis. 2. Toute personne a droit à accéder, dans des conditions d’égalité, aux fonctions publiques de son pays.» Dans le même ordre d’idées, l’article 25 du Pacte international relatif aux droit civil et politique de 1966 dispose : «Tout citoyen a le droit et la possibilité, sans aucune des discriminations visées à l’article 2 et sans restrictions déraisonnables : a) de prendre part à la direction des affaires publiques, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis ; b) de voter et d’être élu, au cours d’élections périodiques, honnêtes, au suffrage universel et égal et au scrutin secret, assurant l’expression libre de la volonté des électeurs ; c) d’accéder dans des conditions générales d’égalité, aux fonctions publiques de son pays.» Ajoutons que le Principe 7 de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance ratifiée par le Cameroun en novembre 2011 et entrée en vigueur le 15 février 2012 prescrit la «participation effective des citoyens aux processus démocratiques» et qu’aux termes de l’article 4(2) du même traité, «Les Etats parties considèrent la participation populaire par le biais du suffrage universel comme un droit inaliénable des peuples.» Conformément à l’article 49, le Cameroun devra soumettre dans deux ans «un rapport sur les mesures d’ordre législatif ou autre mesure appropriée prise en vue de rendre effectifs les engagements pris dans la (…) Charte.»

Il n’est point besoin de commenter ici ces dispositions. Elles paraissent suffisamment éloquentes par elles-mêmes. Il suffira de rappeler que dans ce pays où le revenu annuel par habitant est de 700 dollars soit environ 350.000F (pour un dollar à 500F), il faudra au Camerounais moyen environ 9 ans d’économie de la totalité de son revenu annuel pour réunir le cautionnement 3.000.000F. De même, sachant que même pour un fonctionnaire de la catégorie A2 - la plus haute de l’Administration - avec une ancienneté de plus de 20 ans et occupant des responsabilités élevées, il lui faudrait épargner l’intégralité de son salaire pendant au moins un an pour rassembler cette somme, il y a lieu de dire que cette disposition est plus que «déraisonnable». Je me refuse à croire que le Président de la République, qui «négocie et ratifie les traités et accords internationaux» (art. de la Constitution) et qui est le «garant» de leur «respect» (art. 5(2)) puissent accepter de se mettre en porte-à-faux avec ses obligations constitutionnelles.

Un autre point qui mérite attention est le délai de distribution des cartes biométriques. Le Code électoral fixe un délai de 40 jours. Ce faisant il ne résout pas le problème auquel il était censé apporter une réponse, notamment celui des cartes d’électeurs non retirées par leurs titulaires. N’est-il pas techniquement possible de remettre à chaque électeur sa carte d’électeur le jour même de sa confection ? Renseignement pris il semblerait que ce soit faisable. Cela faciliterait la tâche pour tout le monde : pour ELECAM comme pour les électeurs.
Enfin l’article 118(1) apparaît comme une dangereuse curiosité. Certes, on peut en comprendre l’esprit, même si j’ignore qu’est-ce qui est le plus grave entre la situation visée dans cet article et celle des personnes qui, bien qu’ayant perdu leur nationalité camerounaise par l’adoption d’une nationalité étrangère ont pu être candidat à l’élection présidentielle. Je ne sais pas si le législateur a entendu inclure ce cas de figure dans les hypothèses prévues par l’article 118(2). Quoi qu’il en soit, cette disposition pourrait ouvrir la voie à des dérives politiciennes en servant d’alibi pour écarter un ou des candidat(s) jugés redoutable(s). Car que signifie se placer «de son propre fait» «dans une situation de dépendance ou d’intelligence vis-à-vis d’une personne, d’une organisation ou d’une puissance étrangère ou d’un étranger» ? Est-ce avoir des contacts, des relations de quelque nature que ce soit avec ces personnes ? Est-ce être marié à une étrangère, avoir jamais reçu un cadeau ou bénéficié d’une aide ou d’une facilité quelconque de ces personnes? Et à quand devront remonter les faits ? Il s’agit d’un véritable couperet qui pourra s’abattre sur presque tous les candidats potentiels, et ceux qui exercent des responsabilités au sein de l’Etat ne sont pas les moins exposés.


Les modifications subordonnées à une révision de la constitution

Trois amendements majeurs n’ont pas prospérés parce qu’ils sont inconstitutionnels: la demande de l’abaissement à 18 ans de l’âge pour être électeur, la réduction du mandat présidentiel à 5 ans renouvelable une fois et l’élection présidentielle à deux tours. Il fallait réviser la Constitution en ses articles pour que ces amendements fussent recevables. C’est donc à bon droit qu’ils ont été écartés en l’état actuel de notre Loi fondamentale. Pour autant leur pertinence demeure.

Sur l’âge pour être électeur, sans qu’il soit même besoin de faire une étude comparative avec plusieurs pays africains de niveau comparable au nôtre, laquelle montrerait que nous sommes retardataire à cet égard, il paraît insoutenable d’admettre que le jeune camerounais doit être pénalement majeur à 18 ans (v. Code pénal) mais ne l’est électoralement qu’à 20 ans. Sociologiquement, la pyramide des âges du pays a une base extrêmement large avec une frange très importante de jeunes âgés de moins de 20 ans parmi lesquels 100.000 environs entre dans l’enseignement supérieur chaque année, de plus en plus à l’âge de 16/17 ans. Quand on parle des citoyens camerounais, c’est aussi d’eux qu’il s’agit ; de cette jeunesse consciente qui a le droit plus que quiconque de se prononcer sur son avenir à travers le choix de ses dirigeants. Il est difficile de convaincre que des jeunes, qu’ils soient urbains ou ruraux, ouverts sur le monde globalisé à la faveur de la télévision et de tous les moyens de communication actuels, que des jeunes massivement lettrés, et pour bon nombre engagés dans des formations universitaires, soient à ce point politiquement mineurs et irresponsables qu’ils ne puissent avoir le droit de vote dès l’âge de 18 ans. Si le Chef de l’Etat décidait de ne pas reconsidérer les choses sur ce point, il donnerait l’impression d’avoir peur de sa propre jeunesse ou de ne pas lui faire confiance. Dans un cas comme dans l’autre ce serait terrible.

En ce qui concerne la durée du mandat présidentiel, on peut en discuter ; mais il est sain pour notre démocratie de limiter à deux, pour l’avenir, le nombre de mandats présidentiels. Cette limitation atténuerait les impatiences sans diminuer la qualité de notre démocratie.

S’agissant de l’élection présidentielle à deux tours, elle apparaît comme une des conditions de la légitimité démocratique aujourd’hui. L’élection présidentielle à un tour ouvre la possibilité d’avoir un Président de la République élu avec 25 à 30 °/° de suffrages favorables seulement, ce qui veut dire qu’il gouvernerait en dépit du choix contraire de 70 à 75 °/° des électeurs. On ne peut se satisfaire d’un déficit de légitimité aussi criard, car elle serait la négation même de la démocratie présidentielle dans laquelle le Président de la République tire sa force de la puissance de la majorité populaire qui le porte ou le maintien au pouvoir.


Le président de la République comme recours

Voilà un énoncé inattendu, peut être ; paradoxal, sans doute; qui peut laisser perplexe, j’en conviens. L’explication en est fort simple: l’élaboration de la constitution comme de la loi électorale et la révision de l’une comme de l’autre se font généralement par consensus dans les démocraties modernes: l’une, la Loi fondamentale, constitue le socle de l’ordre juridique de l’Etat et fixe les institutions et les règles supérieures de dévolution du pouvoir auxquelles tous les citoyens d’un pays adhèrent ; l’autre, la loi électorale, fixe les règles du jeu de la compétition électorale sur lesquelles tous les acteurs de cette compétition doivent s’accorder. En ces matières la majorité parlementaire détenue par un seul parti politique ne saurait suffire. Cette majorité peut voter seule les lois permettant au Gouvernement qu’elle soutient d’appliquer le programme politique du Chef de l’Etat élu. Mais les usages et les bonnes pratiques démocratiques ne l’autorisent pas à user de sa position majoritaire pour fixer ou modifier unilatéralement le cadre constitutionnel ou les règles de la compétition électorale ; elles exigent un consensus des acteurs à ce sujet.

Pour que le Code électoral récemment promulgué satisfasse à ces usages de la démocratie constitutionnelle et réponde aux nombreuses attentes exprimées, il faudrait, d’une part, réviser la Constitution, d’autre part, modifier la loi du 19 avril 2012. Théoriquement, la modification de la loi électorale peut se faire par les voies suivantes : soit à la suite du succès d’un recours en inconstitutionnalité devant le Conseil constitutionnel, mais l’initiative d’un tel recours appartient concurremment au Président de la République, au Président de l’Assemblée Nationale et au Président du Sénat, et l’on voit mal comment les deux premiers qui seuls existent aujourd’hui pourraient se prévaloir de leurs propres turpitudes ; soit à l’initiative de l’Assemblée nationale qui peut faire une proposition de loi de révision, mais on sait que l’avis du chef de l’Exécutif est nécessaire dans ce cas et notre histoire parlementaire récente ne fournit pas de précédent de cette nature ; soit à l’initiative du Chef de l’Etat qui peut instruire le gouvernement de préparer un projet de modification de la loi et en saisir l’Assemblée nationale dont il a, on le sait, la maîtrise.

En dépit du trompe-l’œil juridique, nous demeurons en régime présidentialiste. Le Président de la République est, comme il est convenu de dire, la clé de voûte du système. Lui seul peut prendre l’initiative d’une révision de la Constitution et/ou de la modification d’une loi et la faire aboutir. Techniquement, il aurait pu demander une seconde lecture de loi portant Code électoral après son adoption par l’Assemblée nationale afin qu’y soient apportées les améliorations nécessaires. Il n’est cependant pas sûr qu’avec des députés en fin d’une session ordinaire prolongée en une session extraordinaire, les résultats auraient été à la hauteur des attentes. Ce n’est donc sans doute pas plus mal qu’il n’ait pas demandé une seconde lecture. Il peut maintenant ordonner au Gouvernement de remettre sur le métier l’ouvrage du Code électoral avec des instructions fermes sur la manière de procéder pour la réalisation d’un texte consensuel : remettre un exemplaire du Code à tous les partis politiques légalisés et les acteurs de la société civile travaillant sur les questions politiques , en particulier sur les questions électorales; recueillir les observations des uns et des autres ; préparer une mouture consolidée; en discuter dans le cadre d’un forum avec les forces politiques et les autres acteurs susvisés et faire approuver le projet final par les participants; le soumettre au Chef de l’Etat afin qu’il enclenche la procédure législative pour son adoption. Ce projet de modification du Code électoral devrait être précédé ou accompagné d’un projet de loi portant révision de la Constitution en ses dispositions ayant des répercussions sur le Code électoral. Son adoption ne devrait pas être particulièrement difficile dans la mesure où il s’agira d’un texte consensuel et où, en tout état de cause, l’adoption d’un texte de révision constitutionnelle initié par le Président de la République se fait, comme pour un projet de loi ordinaire, à la majorité absolue des membres du Parlement.

Au total, une appréciation objective du Code montre que les insuffisances l’emportent, et de loin, sur les quelques améliorations relevées ci-dessus. Il n’y a aucune outrecuidance à suggérer que ce texte devrait servir de base à la mise au point consensuel d’un code électoral moderne à jour et à la hauteur de l’option affichée de notre pays pour la démocratie, offrant davantage de garanties pour des élections impartiales, transparentes, sincères et crédibles, et nous permettant de tourner définitivement le dos à la contestation des résultats par les perdants. D’aucun verrons dans ces quelques suggestions une incroyable naïveté. J’y exprime ma foi inoxydable dans notre capacité collective à vouloir le meilleur pour notre pays et dans l’idée que les transformations politiques auxquelles le Cameroun ne peut échapper peuvent s’accomplir dans la paix à laquelle nous semblons tous si attachés, épargnant ainsi notre peuple du malheur, de la douleur et du deuil.