LES ELECTIONS
LEGISLATIVES Du 17 mai 1997 A LA LUMIERE
DE LA
LOI ELECTORALE
L’assemblée Nationale est
l’institution qui exerce le
pouvoir législatif en
attendant la mise en
place du SENAT. C’est pour élire
les 180 députés qui la composent que les camerounais sont allés aux urnes le
17 mai 1997. Outre son devoir de
légiférer, l’Assemblée Nationale
doit pouvoir interpeller l’Exécutif sur
la conduite des affaires de la nation. Ce n’est qu’en jouant effectivement et efficacement ces deux principaux rôles que le parlement peut contribuer à une gestion saine et
transparente de ce pays. Cette institution doit être la plus représentative possible. La
grande majorité des camerounais doivent
pourvoir s’y reconnaître, s’y
identifier. Cela suppose que l’on doit
y retrouver les camerounais
intègres, irréprochables, dévoués
et engagés. La loi électorale doit pouvoir favoriser l'émergence de telles
personnalités, une telle représentation. Est-ce le cas de la
loi n° 91/20 du 16 décembre
1997 telle que modifiée par la loi n° 97/13 du 19 mars 1997 ? Il
faut sans doute préciser que cette loi a été
initiée et adoptée sous le régime
du parti unique, par
un système autocratique plus soucieux de se perpétuer en usant de
subterfuges, en se donnant une apparence faussement démocratique, que
de servir le peuple. Tel est l’état d’esprit qui a présidé
à l’élaboration de cette loi.
Passons en revue article par article
cette fameuse loi et nous verrons
combien elle est inadaptée et ne peut
concourir à la résolution du problème
camerounais, tant elle est truffée d’incongruités et de chausses trappes.
Article
3 : Qu’est ce qui fait la
particularité d’une circonscription ? Possibilité de modifier
une disposition légale par voie réglementaire,
charcutage, tripatouillage,
utilisation de l’administration au profit d’un parti.
Article 4 : La répartition du nombre de députés par circonscription
est un véritable scandale, un chef d’œuvre d’injustice d’iniquité preuve de la mauvaise foi et des mauvaises
prédispositions du régime. La répartition des 180 circonscriptions
devrait relever de la loi et non du règlement.
Article 5 : Interdiction du
vote préférentiel et du panachage.
Autant certains candidats anonymes et sans
références pourront profiter de l’aura du
prestige et du charisme de certaines personnes, autant d’autres seront
pénalisées par la mauvaise
réputation d’autres candidats.
(2) Le scrutin
à un tour fausse la représentativité. Ainsi certains candidats pourront se faire élire avec moins de
30% de suffrages favorables, ceci signifie que l’élu sera
minoritaire dans sa circonscription, donc peu
représentatif ayant contre lui au moins
70% de la population.
(4) Comment
pourra-t-on vérifier en l’absence de données chiffrées sur le poids démographiques de chaque ethnie cf. la
liste du RDPC dans le MFOUNDI République
ethnique ou république des
citoyens ? Hypocrisie ambiante.
Article 6 : Le système
majoritaire simple à un tour : une originalité de notre démocratie avancée. Pour une
bonne représentativité, il faudrait
un scrutin à 2
tours.
Si on
peut comprendre que la liste ayant obtenue la
majorité absolue (51%) se voit
attribuer la totalité des sièges, on
peut se demander s’il est juste
d’attribuer la moitié des sièges au
parti étant arrivé en tête en cas de majorité simple. Une fois de plus la
représentativité est faussée. La
proportionnelle devrait être intégrale.
Article 11 : Exclusion de certains contribuables. Ceux ayant 18 ans
ne sont pas électeurs pourtant, un bonne frange de la population a
un âge compris entre 18 et
20 ans. Ils comptent parmi
les plus actifs et les plus concernés par les problèmes de scolarisation et de chômage. Leur
mise à l’écart traduit la peur du gouvernement de se voir sanctionner par cette catégorie de citoyens.
Article 13 : Possibilité pour les citoyens de s’inscrire sur les listes électorales des circonscriptions où ils ne résident pas. Par suite, ils peuvent
se porter candidat ailleurs que là où
ils résident. La condition posée
par cette disposition (inscription au
rôle des contributions directes) a-t-elle effectivement été remplie par tous
ces Ministres et D.G de sociétés qui ont
été candidats ? Rien n’est
moins sûr.
Article 14 : Pourquoi ne pas avoir les
listes électorales dans les
représentations camerounaises à l’étranger ; les camerounais de l’étranger
auraient ainsi la possibilité d’exercer
leur droit de vote. Mais la peur du régime
de se faire sanctionner l’emporte
sur tout. Il faut restreindre
l’électorat par tous les moyens.
Article 22 : Quid de
l’immunité parlementaire : c’est
connu, le député est à l’abri de
poursuites judiciaires. On peut faire
jouer l’inéligibilité, et éliminer les délinquants économiques ou
sociaux au moment du dépôt de candidature, en faisant une enquête très serrée
de moralité sur les candidats. Les
services de renseignement peuvent
être mis à contribution. Veut-on faire
peser une épée de Damoclés sur certains
élus? De deux choses l’une :
soit une candidature est définitivement
acceptée, soit elle est rejetée, tout aussi définitivement. Les infractions à la loi électorale dont se
rendrait coupable un candidat doivent être constatées et réprimées. Cela
suppose une justice indépendante,
un paquet aux aguets, prêt à jouer pleinement son rôle.
(3) le
mandat impératif : la
constitution de la République en son article
15 est pourtant claire à ce sujet. Il est nul et le député représenté l’ensemble de
la Nation.
Pourquoi cette disposition
inconstitutionnelle a-t-elle été
maintenue ? La loi
électorale a pourtant été modifiée en
mars 97. Tout esprit lucide se
serait attendu à ce que l’on adapte cette loi électorale à la Constitution, d’autant plus que le
problème se posait déjà. M.
Augustin Frédéric KODOCK demandait avec insistance
la déchéance de députés qu’il
avait exclus de son parti suite à des
dissensions internes. Las ! la
disposition insconstitutionnelle a été
maintenue, au grand dam des
légalistes. Les préoccupations
du pourvoir étaient manifestement ailleurs.
Il fallait notamment dessaisir les commissions départementales de supervision
de certains attributions, au profit du
Conseil Constitutionnel, et se donner la
possibilité d’effectuer des découpages
spéciaux, pour le moins spécieux, dans le seul but de se donner une majorité factice.
Article 28 : L’autorité
administrative inféodée au régime
en place s’est distinguée par sa partialité et sa mauvaise foi ;
favorisant les inscriptions dans les zones réputées acquises pour
le pouvoir en place, elle multipliait les entraves dans celles dites
hostiles. C’est ici qu’il faut aussi interpeller les partis d’opposition, dont
les représentants dans les commissions n’étaient toujours pas formés.
Article 31 : Le président de la commission locale de vote est désigné par le Préfet. Sur quels critères ? Allez donc
savoir. Ici l’Administration fait jouer son pouvoir discrétionnaire pour désigner des personnes pour la
plupart acquises à sa cause,
faibles de caractère et faciles à
manipuler, plus préoccupés à conserver des postes de responsabilité auxquels ils ont
accédé de manière très discutable qu’à rechercher la
transparence.
Article 40 : La commission
départementale est présidée par un
magistrat. Les primes accordées récemment aux
magistrats (décret 97/16 du 22 janvier
1997) ont suscité beaucoup
d’interrogations. Si le régime avait voulu corrompre les magistrats, il n’aurait pas procédé autrement. Pourquoi ces primes à ce
moment-là ? Les magistrats comme
les autres fonctionnaires ont réclamé
ces augmentations depuis longtemps.
Article 44 : On retrouve 3 magistrats dans la commission nationale de
recensement générale des votes désignés par le Président de
la Cour Suprême à qui ont été accordés des avantages
faramineux (décret n° 97/15 du 22 janvier
97).
Article 45 : la commission nationale de recensement des
votes peut "redresser les erreurs
matérielles éventuelles de décompte des
votes" N’est ce pas la porte
ouverte aux modifications
justifiées par le seul désir de favoriser
un seul parti ?
Article 47 : Des
réclamations ou des contestations peuvent
être faites dans un délai maximal
de 4 jours. Or le corps électoral a été
convoqué pour le 17 Mai
97 ( décret n° 97/60 du
02 avril 97) c’est-à-dire un samedi, le dimanche n’est pas jour
ouvrable. La fête nationale ayant
lieu le 20 mai c’est à dire
mardi.. Le lundi par conséquent
est un
jour férié. Donc il ne restait
plus aux candidats qu’un
jour pour faire des réclamations.
Pourquoi le Pouvoir a-t-il choisi cette
date du 17 mai ? Selon les dispositions
constitutionnelles, cette élection aurait dû avoir lieu le
09 mars 97. Or le pouvoir n’ayant pas encore apprêté sa machine de fraude ne pouvait pas
convoquer le corps électoral. Il fallait se donner le temps, quitte
pour cela à violer la loi. D’ailleurs n’est-elle pas faite par les
hommes et pour les hommes (Dixit ANDZE TSOUNGUI)
Pourquoi ne donne-t-on pas aux électeurs
la possibilité de contester ou tout
simplement de dénoncer des candidats qui auraient violé la loi électorale, quand ils peuvent en apporter des preuves irréfutables ?
Article 56 : Pour
une bonne tenue des listes électorales, il faudrait du matériel approprié. Nous
pensons notamment aux ordinateurs qui permettraient
notamment de détecter ceux qui s’inscrivent plusieurs fois. Au cas où notre
pays ne pourrait
pas acquérir ce matériel
nous sommes sûrs que des pays
amis ne manqueront pour nous aider ;
c’est ce qui se passe au Mali, pays Sahélien plus pauvre et par ailleurs enclavé. Ils disposent là-bas
d’un outil informatique performant
gracieusement offert par les partenaires occidentaux.
Article 57 : La radiation d’office n’est
malheureusement pas automatique. A ce
jour je n’ai pas encore été
notifié de ma radiation des
listes de Bamenda où j’ai
voté aux municipales, avant
de me réinscrire, alors que le scrutin
pour les législatives a déjà eu
lieu.
Article 61, 62
et 63 : Ces articles doivent être
modifiés pour tenir compte de
la loi récemment adoptée par les députés
et selon laquelle les inscriptions sur
les listes se font pendant toute
l’année et ne sont interrompues
que par la convocation du corps électoral.
Article 65 : La distribution des cartes électorales se
fait de la manière la plus fantaisiste qui soit. Obtenir une carte d’électeur relève de l’exploit dans ce pays. Que d'électeurs régulièrement inscrits
sans cartes ! Et comment expliquer le renouvellement des cartes dans notre
pays ? Aucune carte n’a jamais
servi pour plus d’un scrutin, alors qu’elle est
conçue pour servir au moins à huit (8) scrutins. Pourquoi faut-il changer
tout le temps ? Il s’agit sans
doute pour le pouvoir de restreindre au strict minimum l’électorat et de fait, l’on est passé de plus de
4 000 000 d’électeurs aux municipales de janvier 96, à environ 3 700 000 d’électeurs aux législatives de Mai
97. alors que d’après les
projections réalisées à partir du
recensement d’Avril 87, la population en
âge électoral en 1997 est de 6 211 000 habitants pour une
population totale de 14 044 000 habitants. L’Assemblée qui sortira
des élections législatives de Mai 97
ne sera pas représentative.
Article 67 : La convocation du
corps électoral a été faite en violation de la
loi électorale, le mandat des députés ayant déjà expiré, la précédente
législature était arrivée à son
terme depuis belle lurette.
Cette convocation du corps électoral ne
devrait pas être laissée à la discrétion du Prince, puisqu’il en profite
pour faire toute sortes de
manœuvres visant à prendre à
contre pied l’opposition. Il choisit une
date selon ses propres convenances à
lui, en se donnant le maximum de chance
Article 70 : Il ressort
après recoupement avec
l’article 67 que les
candidats ont 05 jours
pour se déclarer à partir de la convocation du corps électoral . Le Président
peut donc choisir de convoquer le corps électoral en milieu de semaine de manière à ne
laisser dans la réalité de 2
ou 3
jours ouvrables à ses concurrents, et c’est ce qui n s’est
passé. Le corps électoral a été convoqué
un mercredi alors qu'une une fête
religieuse était programmée cette
semaine là.
Article 71 : Pas de
candidature indépendante : des candidats
doivent absolument passer par des
structures partisanes avec leurs
avantages et leurs inconvénients. Cette disposition n’est-elle pas incompatible
avec la nullité des mandants
impératifs ?
En tout cas c’est un embrigadement intolérable dans une démocratie dite avancée.
Article 72 : Le montant du cautionnement doit être revu
à la baisse. 20 000 frs nous
semble le plus indiqué dans un pays où les revenus sont extrêmement bas, suites aux baisses de salaires, aux
fermetures d’entreprises, à la dévaluation, à l’inflation et j’en passe.
Article 93 : Pourquoi interdit-on les sondages d’opinion ? Le
code électoral a été taillé à la mesure du RDPC. Ce parti qui sait mieux que
quiconque sa faible côte de popularité
veut se donner fausse image, tromper ;
vous avez dit tigre de papier ?
Article 95 : Les bureaux de vote doivent être choisis avec la participation
des représentants des partis, qui doivent pourvoir en outre
proposer des présidents desdits bureaux. Il faudrait également fixer le nombre
minimum d’électeurs nécessaires pour pourvoir créer un bureau de vote.
Article
102 : Cette loi ne prévoit
aucun signe à apposer sur les cartes d’identité. Des électeurs détenteurs de
plusieurs cartes d’électeurs peuvent donc voter
plusieurs fois. Par ailleurs,
il n’y a aucune place sur la carte d’identité informatisée
pour éventuellement faire un signe
montrant qu’un électeur a déjà
fait son devoir.
Article 115 :
Si la loi électorale était
rigoureusement appliquée, beaucoup de Sous-préfets seraient actuellement l’objet de poursuites judiciaires. Que n’ont
– ils pas fait pour gêner les électeurs ?
Article 116 : Beaucoup d’argent a
circulé pendant la campagne, au point où
l’on se demande quel est l’objectif de ceux qui se livraient à toutes ces
libéralités. Des candidats nantis (Ex ministres, D.G, etc.) ont déversé tant
d’argent sur leur électorat que l’on est en droit de douter de leur volonté
réelle de servir le peuple. L’Assemblée
Nationale est sans doute pour eux un refuge où ils seront à l’abri de
poursuites judiciaires grâce à l’immunité
parlementaire. Que font nos procureurs de la République ? Les
crimes dénoncés dans cet article relève du pénal donc de leur compétence.
Certains d’entre eux ont pourtant fait poursuivre et incarcérer des journalistes pour outrage au chef de
l’Etat.
Cette loi est loin de
favoriser une représentation équitable de toutes les couches de la population à
l’Assemblée. Les manoeuvres du régime qui utilise l’Administration, et les
moyens de l’Etat dans sa campagne contribuent à fausser le jeu électoral.
Pendant que les partis d’opposition doivent se débrouiller avec les moyens de
bord, le S G du R D P C parcourt le pays avec un hélicoptère au frais du
contribuable. On retrouvera donc à l’Assemblée des personnes de moralité
douteuse, impliquées dans des scandales financiers, auteurs impunis de péculat,
qui se sont distinguées par une gestion très approximative des structures à eux
confiés. Voilà le genre de personnage qui va se retrouver à
l’Assemblée Nationale à l’issue du scrutin du 17 Mai 1997, au grand dam de la
population qui, une fois de plus se sent flouée, manipulée, victime d’escroquerie
politique, désabusée.
L’espoir
que nourrissaient les naïfs contre toute logique est tué dans l’œuf. Ce
n’est pas avec une telle Assemblée que les
problèmes de chômage, de dette, d’éducation, de déficit budgétaire,
d’inflation, seront résolus. N’était – il pas illusoire d’espérer des tenants
du système mis en place par Aujoulat (mandataire et néocolonial par essence)
quoi que ce soit de positif ?