mercredi 7 octobre 2015

FONCTION PUBLIQUE CAMEROUNAISE : Salaire insuffisant difficilement acquis.

FONCTION PUBLIQUE CAMEROUNAISE :
Salaire insuffisant difficilement acquis.

Le malheur du fonctionnaire commence dès l’entrée dans la fonction publique; le traitement de son dossier d’intégration met du temps pour aboutir ; cela peut durer jusqu’à quatre ans ; le matricule solde est un véritable sésame qui s’obtient au prix de nombreuses souffrances; que fait le jeune frais et moulu de l’école de formation, sans ressources pour vivre, et bien souvent affecté loin de sa famille ? Comment peut-on faire ainsi travailler les enfants d’autrui sans salaire ?
Le salaire qui devrait être une rétribution, une rémunération en contre partie de son travail est considéré comme une faveur ; il est ainsi manipulé, et les décisions éminemment contestables y relatives telles que le blocage des avancements, la titrisation de la dette salariale, l’accumulation des arriérés se prennent sans qu’ils ne soient consultés, et sans justification valable.
Les salaires dans la fonction publique camerounaise sont caractérisés par leur bas niveau et par leur iniquité ; entre 1992 et 1993, ces salaires ont été réduits trois fois pour tout le monde, sauf pour les militaires, dans des proportions démentielles, traduisant le peu de considération et le mépris des pouvoirs publics pour les agents publics ; le décret antidaté n° 93/318 du 24 novembre 1993 modifiant les rémunérations des fonctionnaires et personnel de l’administration relevant du Code du travail a diminué les salaires dans les proportions suivantes :
salaires
réduction
00001 à 53711
6%
53712 à 75195
12%
75196 à 96680
30%
96681 à 118164
42%
118165 à 150391
52%
150392 à 224160
54%
224161 à 259814
60%
Supérieur à 259814
66%
Entre temps, il y a eu des revalorisations partielles, partiales et discriminatoires de ces salaires ; c’est ainsi que les magistrats ont bénéficié en 1997 des primes importantes qui les ont hissés au niveau des militaires, lesquels n’ont jamais été inquiétés.
Cette baisse a été aggravée par la dévaluation du FCFA, et l’application de mesures draconiennes dictées par le Plan d’ajustement structurel (PAS). Les fonctionnaires sont les principales victimes des politiques économiques élaborées par les institutions ultralibérales de Washington.

En fin d’année 2006, le discours du Chef de l’Etat a laissé beaucoup, pour ne pas dire la majorité des fonctionnaires camerounais sur leur faim ; en effet ils attendaient tous l’annonce d’une augmentation de salaires, comme cela se faisait régulièrement naguère, avant l’arrivée de M. Biya au pouvoir.
Et ils avaient des raisons objectives de le penser : notre pays avait atteint au cours de l’année 2006,  le point d’achèvement de l’initiative PPTE, synonyme d’allègement substantiel de notre  dette extérieure devenue insoutenable d’une part, et il y a eu d’autre part la ènième opération de recensement des agents publics, qui a permis de dégager d’importantes sommes payées à des milliers de fonctionnaires fictifs. Ces sommes auraient dû normalement être redistribuées aux fonctionnaires en poste, sans nécessiter un plus grand effort.
En dehors d’une brève et vague allusion au niveau de rémunération, le Président de la République n’a pas procédé à l’annonce tant attendue, laissant du même coup ces fonctionnaires dans une énorme déception et dans un grand désarroi.

les allocations familiales ne  passent pas et les dossiers de remboursement des frais médicaux disparaissent sans laisser de trace. Les fonctionnaires qui refusent de corrompre et qui ont leurs salaires à jour en ce qui concerne les effets financiers de leurs avancements et de leurs allocations familiales sont rares.

L’opération de titrisation a été une grosse arnaque. Décidée unilatéralement par l’Administration,  des sommes arbitraires, censées correspondre aux arriérés accumulés pendant des années, ont été servis sans que l’on ne sache sur quelle base, sans aucun document explicatif, sans aucun récapitulatif ; pendant que certains jubilaient de se voir attribuer des sommes qui dépassaient leurs espoirs, d’autres n’avaient pas la moitié de ce qu’ils étaient en droit d’espérer ; d’autres qui avaient pu se faire payer déjà ont encore reçu des titres. Les réclamations y relatives sont restées sans suite. 

Le refus d’augmenter les salaires est un choix, une option implicite pour l’impéritie et l’inefficacité des services publics ; c’est l’incitation à la corruption, et les autorités en sont forcément conscientes, elles qui aiment bien brandir leurs titres universitaires ; seulement sont-elles prêtes à assumer un tel choix ? à moins que ce ne soit un choix délibéré et voulu, à moins que cette situation pour déplorable et suicidaire qu’elle soit, ne profite à certains, qui ont par conséquent intérêt à ce qu’elle perdure. D’instrument économique pouvant servir à doper la production par l’accroissement  de la consommation, les salaires ont été transformés en arme politique.
Les salaires sont payés de façon fantaisiste à des dates qui varient d’un mois à l’autre ; en août et en décembre 2006, pour prendre les exemples récents, les salaires ont été payés respectivement avant le 25 et avant le 20 ; le prétexte étant d’aider aux préparatifs de la rentrée scolaire et des fêtes de fin d’année ; cette façon de procéder est une mauvaise solution au vrai problème que constitue le faible niveau des rémunérations ; payer les salaires plus tôt c’est allonger les mois suivants qui comptent par conséquent 35 , voire 40 jours.
L’intelligence pénalisée.
La valeur du point d’indice est de 378 FCFA pour les indices compris entre 100 et 300, et de 155 FCFA pour les indices compris entre 301 et 1140; c’est du nivellement par le bas, l’intelligence est pénalisée ; l’ardeur au travail est sanctionné négativement ; avec cela il ne faut pas être surpris de l’inertie de notre Administration ; les cadres supérieurs ainsi condamnés pour avoir fréquenté longtemps ; ils sont plus préoccupés par leurs fins de mois à arrondir, et s’engagent dans des activités génératrices de revenus à corps perdus, souvent sans rapport avec leur formation initiale, au détriment de leurs services.
Il y a injustice, discrimination salariale ; la valeur du point d’indice varie d’un corps à l’autre ; il n’ y a pas d’échelonnement indiciaire unique pour toute la fonction publique ; certains, comme les magistrats, les militaires et les policiers vont jusqu’à 1400, tandis que d’autres s’arrêtent à 1140. on voit des statuts particuliers par-ci, des statuts spéciaux par-là, etc., qui consacrent une véritable ségrégation que rien de logique ne justifie.
La politique salariale est ainsi marquée par l’iniquité, l’arbitraire, l’improvisation, la navigation à vue ; elle est incohérente, inconséquente, inconsistante..

Cet état de choses pose des problèmes qui ne peuvent être résolus que par la fixation, par voie de négociation avec les représentants des travailleurs, de la rémunération convenable telle que définie par Saint Thomas d’Aquin selon qui le juste salaire est celui qui permet à son bénéficiaire d'avoir une vie conforme à sa position sociale. Malheureusement, les autorités ne semblent pas pressées d’organiser les élections professionnelles dans la fonction publique ; la sortie de l’auberge n’est donc pas pour demain si les fonctionnaires continuent de se croiser les bras en croyant à un père noël qui n’existe que dans les contes de fées.

Obtenir un avancement est un parcours du combattant au Cameroun ; vous devez aller à Yaoundé déposer un dossier, et supposons qu’il ne disparaisse pas ; ce dossier est traité pendant un temps indéterminé, et le pauvre fonctionnaire est obligé d’effectuer de nombreux déplacements sur Yaoundé pour « pousser » son dossier. Imaginez combien peuvent coûter tous ces va-et-vient imprévus à celui qui est en poste à Ekondo Titi, à Mouloundou, à Ngaoundéré, à Maroua, ou à Kousseri. Lorsque l’arrêté est signé, les effets financiers ne suivent pas ; il faut porter soi même l’acte aux finances où il faudra « bien parler » pour obtenir ces effets financiers, sans les rappels. C’est pourtant précisé qu’une ampliation de l’arrêté devrait être adressée aux finances pour exécution.
Et le Système informatique de gestion intégrée des personnels de l’état et de la solde (SIGIPES) ? Me direz-vous ? Sa mise en application, avec la déconcentration de la gestion du personnel semble avoir plutôt compliqué les choses. Embrouiller les procédures, telle est l’une de ces spécificités camerounaises que nous devons au renouveau, et dont nous nous serions passés bien volontiers. Qu’elle est loin, l’époque où le fonctionnaire était informé de l’aboutissement de son dossier d’avancement par l’augmentation de son salaire! Généralement, il faut composer plusieurs dossiers, parce que les précédents disparaissent, aussi curieux que cela puisse paraître ; des dossiers dûment enregistrés peuvent disparaître sans laisser de trace et il faut recommencer. Le fonctionnaire souffre ainsi des dysfonctionnements dont il n’est pas responsable. C’est pour cela qu’on trouve de nombreux agents qui n’ont pas avancé de puis 7, 8, 9, voire 10 ans, par la faute de l’Administration.

Le droit à la santé, qui prévoit notamment que les dépenses de santé des fonctionnaires, de leurs conjoints et de leurs enfants légitimes doivent être remboursés d’une part, et l’évacuation sanitaire soit de l’intérieur du pays vers les hôpitaux généraux, soit vers l’étranger,  n’est pas effectif; les dossiers disparaissent sans laisser de trace, pour ceux qui engagent la procédure. Combien de fonctionnaires sont-ils morts, parce que incapables de se soigner ?

Les prestations familiales sont un autre serpent de mer ; les dossiers les accordant sont signés par les Préfets, mais il faut encore, comme pour les avancements, porter soi même la demande évidemment timbrée, avec le dossier souche, à Yaoundé, où il faut encore « pousser » le dossier, sinon, il se perd. Il est pourtant précisé sur l’arrêté en question qu’une ampliation est adressée aux finances, comme pour les avancements. Pourquoi exige-t-on le « dossier souche », alors que le Préfet, qui a signé l’arrêté accordant les prestations l’a vu ? Ne lui fait-on pas confiance dans les services centraux ? Allez donc savoir.
A l’occasion des élections couplées du 22 juillet, le pouvoir de Yaoundé a décidé, dans le but inavoué de les amadouer,  d’octroyer des avances de solde aux fonctionnaires ; c’est un crédit dont le montant correspond à  trois mois de salaire, remboursable en 10 mois pour les actifs, et de 12 mois de salaire remboursable en 40 mois pour les retraités; mais que représente ce geste pour nos fonctionnaires empêtrés depuis plus de 15 ans dans d’innombrables problèmes financiers ? Cela ne saurait constituer la réponse appropriée à plus de 15 ans de souffrances indicibles.
Le fait de pouvoir payer ainsi 3 mois d’avance de solde signifie qu’il y a suffisamment d’argent pour tripler les salaires des fonctionnaires ! Avant les baisses de salaires, la masse salariale mensuelle était d’environ 22 milliards ; ce qui est curieux, c’est que cette masse salariale a depuis doublé, sans que les salaires aient été relevés ! Tout ceci veut dire que ce n’est pas l’argent qui manque dans notre pays ; il y a de quoi revenir aux salaires de 93 ; mais pourquoi le Gouvernement refuse – t – il d’augmenter les salaires ? Par pure cynisme ; pour faire souffrir les camerounais, injustement.
débloquer les avancements gelés arbitrairement, payer les arriérés accumulés, puis augmenter d’au moins 100% les salaires voilà des faits qui pourraient être un début de réparation des injustices subies.

Jean-Claude TCHASSE

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