La durée moyenne d’une Constitution au
Cameroun est d’à peu près trois ans et des poussières. C’est que, en 49
ans, le pays dirigé par Paul Biya depuis 26 ans a déjà connu 12
modifications de sa loi fondamentale. La modification de certaines
dispositions de la Constitution de 1996 en discussion à l’Assemblée
nationale est la treizième révision que le Cameroun va connaître.
1959. Cette Constitution consacre l’unité et l’indivisibilité du Cameroun dont la souveraineté appartient au peuple camerounais.
1961. C’est la première de la série. Cette révision doit adapter la
nouvelle Constitution aux réalités du Cameroun réunifié. L’autorité
fédérale est exercée par le président de la République et le président
de l’Assemblée nationale. Le président de la République est le chef de
l’Etat fédéral et chef de gouvernement. Il est secondé par un vice
président fédéral qui en cas de vacance exerce de droit les pouvoirs du
président de la République jusqu’à l’élection du nouveau président.
1969. Cette modification tend à préciser les conditions de vacance
de la présidence de la République pour cause de démission ainsi que les
modalités de démission du Premier ministre en cas de refus de la
confiance ou de censure par l’Assemblée, étant entendu que le président
de la République fédérale peut dissoudre l’Assemblée législative.
1972. Une nouvelle Constitution adoptée par voie référendaire
consacre l’Etat unitaire du Cameroun. Elle maintient le régime
présidentiel. En cas d’empêchement temporaire du président, n’importe
quel ministre peut le suppléer alors qu’en cas d’empêchement définitif,
le président de l’Assemblée nationale exerce son pouvoir jusqu’à
l’élection du nouveau président. Le président par intérim ne peut
modifier ni la Constitution ni la composition du gouvernement.
1975. Le Cameroun instaure, par une révision de sa Constitution, le
poste de Premier ministre. Ce dernier est membre du comité central du
parti unique de l’époque. Ses pouvoirs se réduisent à la suggestion, à
la proposition et à l’exécution.
1979. Une autre modification de la Constitution a lieu ; elle fait
du Premier ministre le dauphin constitutionnel du chef de l’Etat. C’est
lui qui succède désormais au président de la République en cas de
vacance au sommet de l’Etat. Il exerce pour la durée du mandat
présidentiel en cours. C’est cette disposition qui a permis à Paul Biya
de succéder à Ahmadou Ahidjo à la présidence de la République en 1982.
1983. Paul Biya est à la tête de l’Etat du Cameroun depuis un an.
Cette année, le nombre de députés à l’Assemblée nationale passe de 120 à
150 par la loi N° 83/10 qui le consacre. Les nouvelles dispositions
constitutionnelles donnent la possibilité au président de la République
de convoquer le corps électoral pour une élection présidentielle
anticipée. Le scrutin doit avoir lieu 20 jours au moins et cinquante
jours au plus à compter de la date de notification de cette décision au
président de la Cour suprême.
1984. Par des modifications constitutionnelles, l’on passe de la
République unie du Cameroun à la République du Cameroun ; le poste de
Premier ministre est supprimé. En cas d’empêchement, le président de la
République a la possibilité de choisir n’importe quel ministre pour
exercer ses fonctions par délégation expresse. L’intérim en cas de
vacance à la présidence de la République constatée par la Cour suprême
est assuré par le président de l’Assemblée nationale. Le président
intérimaire ne peut : modifier la constitution, composer le
gouvernement, recourir au référendum, être candidat à l’élection
présidentielle. Le scrutin devait avoir lieu 20 jours au moins et 40
jours au plus après l’ouverture de la vacance.
1988. Pendant que Biya savoure sa sixième année de règne, le
Cameroun modifie sa Constitution et donne la possibilité au chef de
l’Etat d’abréger son mandat et d’organiser des élections anticipées. La
même année, le nombre de députés passe de 150 à 180 par la loi N° 88/03
du 17 mars 1988.
1991. Le Cameroun connaît des perturbations sur la plan politique
avec une paralysie de la société par des villes mortes suites au vent de
revendications démocratiques qui souffle sur le Cameroun. Le poste de
Premier ministre est rétabli ; le président de la République peut
déléguer certains de ses pouvoirs à ce dernier et aux autres membres du
gouvernement. C’est cette modification constitutionnelle de nommer Sadou
Hayatou Premier ministre en 1991. Mais le Premier ministre n’est pas le
successeur constitutionnel du président de la République comme en 1979.
Contrairement à 1979, le Pm est chef du gouvernement.
1996. La douzième modification de la loi fondamentale intervient
cette année là. Elle garantie, selon les termes utilisés, les droits de
l’homme. La nouvelle loi constitutionnelle, au niveau de l’Exécutif,
supprime la possibilité de convoquer des élections anticipées. La
Constitution prévoit la suppression du Parlement par le président de la
République. Le mandat présidentiel passe du quinquennat au septennat ;
il est renouvelable une fois. Sur le plan législatif, le Parlement est
élargi à deux chambres, avec l’instauration du Sénat. Le nombre de
sessions ordinaires est revu à la hausse, passant de deux à trois par
année législative. Sur le plan judiciaire, les pouvoirs de la Cour
suprême s’élargissent avec l’instauration de la Chambre des comptes…Les
provinces, sur le plan de l’organisation territoriale de l’Etat, doivent
être transformées en régions. Au niveau constitutionnel, l’on note la
création du Conseil constitutionnel.
2008. Le Cameroun procède donc à la treizième modification de sa loi
fondamentale. Le projet en examen à l’Assemblée nationale restaure le
mandat présidentiel illimité au Cameroun. Le moins qu’on puisse dire est
que le Cameroun a connu, jusqu’à ce jour, deux présidents de la
République : Ahmadou Ahidjo (1960-1982) et Paul Biya (1982…) La
constitution a subi près de 80% de ses modifications sous Paul Biya dont
le règne pourrait encore s’allonger au-delà de 2011.
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