Injustices
administratives.
Fonctionnaire
soucieux de servir conformément aux lois et règlements de la République, je me
suis retrouvé victime de nombreuses injustices de la part de l’Administration. J’ai
donc entrepris de saisir la justice administrative. Or les abus, constitués de
la violation et du refus d’appliquer la
loi, et cela à mon détriment, sont nombreux ; c’est pour cela que au bout
de 27 ans de carrière comme fonctionnaire de cette Administration j’ai dû
saisir cette justice des recours contentieux suivants :
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Date
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Destinataire
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1.
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10 avril 1997 enregistré sous le n° 380
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Chambre Administrative de la Cour suprême du Cameroun
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2.
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08
septembre 1997, enregistré sous le n° 713 le 10 septembre 1997
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Chambre Administrative de la Cour suprême du Cameroun
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3.
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30 décembre 1997 enregistré sous le n° 189
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Chambre Administrative de la Cour suprême du Cameroun
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4.
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15 juin 2003 enregistré le 09
juillet 2003 sous le n° 1042
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Chambre Administrative de la Cour suprême du Cameroun
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5.
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30 mars 2004 enregistré le 05 avril 2004 sous le n° 647
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Chambre Administrative de la Cour suprême du Cameroun
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6.
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10 mars 2015 enregistré le 12 mars 2015 sous le n° 19/G/TA/BAF
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Tribunal administratif de Bafoussam
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Dans son souci de dresser
des obstacles sur le chemin du justiciable, en rendant les recours aussi compliqués
que possibles, l’Administration avait
logé la juridiction administrative à la Cour suprême. Il fallait se déplacer et
aller à Yaoundé pour saisir le juge d’un recours. Imaginez un justiciable
résidant à Kousseri, à Mouloundou, à Furu Awah ou à Mundemba, désireux de
saisir le juge administratif : le coût et les difficultés du voyage, la
longueur et le mauvais état du trajet sont autant de facteurs de nature à
décourager les plus téméraires. Et cela a duré jusqu’à 2012, quand la loi n°
2006/22 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement des
tribunaux administratifs a été rendue opérationnelle par la mise sur pied
desdits tribunaux au siège de chacune des dix régions.
Entre
temps mes recours ont eu les sorts qui suivent :
·
Le
recours n°1 reste sans suite après 19 ans, la justice ayant refusé de jouer son
rôle. L’épilogue de ce recours, dont la conséquence a été mon affectation
abusive de Bangangté à Ngoulemakong en 1997, est sans intérêt pour moi
aujourd’hui.
·
Le
recours n°2 a abouti à un sursis à exécution que l’Administration camerounaise
a mis deux ans à prendre en compte.
·
Le
recours n°3 a abouti à un jugement consternant par son iniquité, rendu le 25
mai 2015, après plus de 17 ans. Pour cela, j’ai dû payer deux fois la
consignation : 15000 F à la Chambre administrative et 25000 F au Tribunal
administratif de Bafoussam, soit en tout 40000 F. La loi n° 2006/22 du 29
décembre 2006 fixe en son article 34, à 20000 (vingt mille) F CFA le montant de
la consignation. Cela va faire bientôt un an que ce jugement a été rendu et
j’attends encore d’être notifié. Je veux bien faire appel de ce jugement inique
et la suite de la procédure, c’est à la Chambre Administrative de la Cour
Suprême à Yaoundé. Mais comment y parvenir alors j’ai des sommes importantes
bloquées au Ministère des Finances depuis plusieurs années, et cela, pour des
raisons que j’ignore ? Mes démarches pour débloquer ces sommes sont
restées infructueuses, et j’ai dû saisir à ce sujet le juge administratif par
le recours du 10 mars 2015, lequel recours ne semble pas avancer normalement. Donc
les moyens financiers dont j’ai besoin pour poursuivre cette procédure contre
l’administration sont bloqués arbitrairement par l’Administration. Si cette
Administration voulait me prouver que je suis impuissant devant elle, et
qu’elle peut m’écraser, elle n’aurait pas procédé autrement. Seulement, je
voudrais remarquer :
o
d’abord
que ni la loi, ni aucune éthique n’autorise de tels procédés qui évoquent une
jungle,
o
ensuite
que les prévaricateurs impénitents et autres délinquants notoires qui écument et
infestent notre Administration, et qui auraient grandement besoin que cette
Administration leur exhibe de temps en temps ses pectoraux et ses muscles sont
bien connus, mais ne sont curieusement pas inquiétés, et sont autorisés ainsi à
poursuivre leur sale besogne, pour notre malheur à tous,
o
et
enfin que la puissance publique a été prévue pour des usages plus nobles et
plus vertueux, usages dont les dépositaires sont bien informés au demeurant.
·
Les
recours n° 4 et 5 demeurent sans suite après respectivement 12 ans et 11 ans.
Les conséquences des abus dénoncés dans ces recours se sont consolidés, et sont
irréversibles alors que j’approche la fin de ma carrière, et le dénouement de
ces recours me semble dénué d’intérêt après tout ce temps. Ces recours ont été
transférés à Bafoussam suite à la décentralisation de la juridiction
administrative et l’on y attend sans doute que je vienne payer encore la
consignation pour les relancer. Pourtant j’avais déjà payé cette consignation
pour chacun de ces recours quand je les déposais à la Chambre Administrative.
·
Le
recours n° 6 reste sans suite un an après son enregistrement. C’est sans doute
reparti pour une dizaine d’années d’attente et d’abus supplémentaires pour moi,
et qui auraient pu être évités. Ce recours a pourtant été déposé au Tribunal
administratif de Bafoussam. J’ai dû payer pour ce recours 25000 F avec reçu et
20000 F sans reçu, soit en tout 45000 F. Alors que la loi fixe le montant de la
consignation à 20000 F.
Et
cette justice coûte cher ; avant la décentralisation, il fallait ajouter
au montant de consignation, les frais de déplacement et de séjour à Yaoundé. Actuellement,
il faut ajouter ces frais par rapport au siège des Régions, pour ceux qui n’y
résident pas. Vous imaginez donc ce que j’ai dû dépenser pour les cinq recours
déposés à la Chambre administrative. Et tout cela pour quel résultat ? J’ai
obtenu un sursis à exécution et les quatre autres recours ont été ignorés. Cela
ressemble à de la tromperie.
Je
suis donc victime d’un véritable déni de justice. En anglais, on dit :
« justice delayed is justice denied ». Cette lenteur des procédures profite
à l’Administration qui se sent ainsi encouragée à perpétrer des abus. Le
Professeur Waline déclarait : « qu’il y a un point où rendre justice trop tard
équivaut à ne pas la rendre du tout. Les retards à juger, outre qu’ils laissent
se multiplier les illégalités ou les fautes de l’Administration retranchée
derrière ses privilèges et obtenant de la procédure ce que tout mauvais
plaideur en attend, c’est-à-dire des délais lassant l’ardeur des administrés et
mettant en danger le principe même de l’Etat de droit. » La puissance excessive
de l’Administration ne connaît ni limite, ni contrôle ; c’est le règne de
l’arbitraire. L’Administration, qui est juge et partie peut donc continuer
tranquillement avec ses excès puisque que la justice ne semble pas pressée de
la rappeler à l’ordre.
Quelles
chances un fonctionnaire a-t-il de gagner un procès contre l'État au Cameroun?
La question est pertinente quand on sait que la toute puissante Administration tient entre ses mains le sort de ce
fonctionnaire. Elle peut en effet réduire son salaire, geler ses avancements,
refuser de payer des primes et les frais de relève, confisquer ses arriérés,
affecter le fonctionnaire pour le mettre '' hors d'état de nuire''. Le
fonctionnaire dont les moyens sont contrôlés et ont été sérieusement réduits
par l'Administration et qui veut saisir le juge administratif, est mal parti,
surtout dans un contexte où les frais de justice et les honoraires d'avocat sont
très élevés. En cas d'appel, ceux des régions doivent aller à Yaoundé pour une
suite de procédure toujours plus onéreuse, ce qui complique davantage les
choses. Les dés sont pipés. C'est comme un match de football contre un
adversaire qui désigne et contrôle l'arbitre, qui peut vous empêcher de manger
avant et après le match et qui multiplie allègrement les infractions aux règles
du jeu. C'est donc illusoire de parler de justice et mon cas l'illustre
parfaitement.
Je
dois préciser qu’ayant lu des ouvrages de référence sur le droit administratif,
je m’y connais quelque peu en matière de procédure. C’est une procédure complexe
notamment avec des délais très courts et très stricts, dont l’inobservation
frappe les recours de forclusion ; la forme prime sur le fond. En d’autres
termes un justiciable peut avoir été effectivement victime d’un dommage causé
par l’Administration, mais le fait de saisir le juge hors des délais courts
prescrits rend le recours de la victime irrecevable. Tous ces recours contentieux
ont évidemment été précédés comme le veut la procédure, de recours gracieux adressés
dans les délais prescrits aux autorités compétentes ; ces recours se sont
heurtés au mutisme, au mépris et à l’arrogance d’une Administration imbue de sa
super puissance, de son immunité et de son impunité.
Qu’est-ce
qui peut dans ces conditions dissuader l’Administration de commettre des
exactions ? Etait-il judicieux de reproduire les textes français et de les
importer tels quels dans un contexte d’inculture juridique généralisée, et de
propension à réprimer ? Et cela a été fait exprès afin de mieux mettre l’Administration
hors d’atteinte des revendications. C’est pour cela qu’elle reste toujours
encline à bafouer les droits élémentaires des citoyens.
Pourquoi
tant de recours pour un seul individu ? Serait-on tenté de se demander. Ces
recours témoignent de nombreux dysfonctionnements qui plombent notre Administration
et qui la rendent improductive. J’ai voulu m’informer, connaître mes droits et
mes devoirs, et jouir des avantages qui me sont reconnus. Ce n’est que comme
cela qu’on peut être véritablement efficace.
L’indépendance
d’esprit, la rectitude morale, la probité et le refus de se compromettre sont,
selon un code non écrit, mais en vigueur, des péchés et des délits graves,
passibles de lourdes sanctions, dans le contexte camerounais.
Ensuite
je refuse de me résigner devant la toute puissance illégale de l’Administration.
Il est généralement admis qu’un citoyen ne peut gagner contre notre Administration,
d’où la résignation de beaucoup de camerounais, qui se font justice en
rançonnant les usagers de leurs services, ou en détournant les deniers publics.
Quand on voit à quoi tout cela a conduit après 65 ans d’indépendance je reste
convaincu avec recul de la pertinence de mes recours.
Jean-Claude TCHASSE
PLEG Hors Echelle
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