Inscriptions
sur les listes électorales : Qu’est-ce qui fait problème ?
Article écrit en janvier 2013 et toujours d'actualité
Les inscriptions sur les listes électorales sont en
cours et semble-t-il, ce n’est pas le grand engouement apparemment souhaité par
certains acteurs. À la mi-janvier, l’on en était encore à 2 500 000
inscrits, la cible étant de 7 000 000 d’inscrits au moment de la
clôture des inscriptions, annoncée pour fin février 2013. Si l’on prend en
compte le temps mis pour obtenir ces résultats, la mobilisation du
gouvernement, du RDPC, le temps qui reste, force est de constater qu’il y a
problème. Il y une désaffection des camerounais vis-à-vis de la chose
électorale. Pourquoi ? Serait-on tenté de se demander ; surtout
lorsqu’on se rappelle les forts taux de participation observés à l’occasion des
élections pluralistes des années 90.
II ne faut pas chercher midi à 14h, comme qui
dirait ; les camerounais dénoncent et rejettent le processus électoral
actuel. Ils sont désabusés et résignés ; comment pourrait-il en être
autrement lorsque toutes les élections organisées dans notre pays, même avant
l’indépendance, ont été entachées d’irrégularités et de fraudes
monstrueuses ; jamais, au grand jamais, on n’a organisé d’élections libres
dans ce pays.
Le camerounais lambda sait que son vote ne compte pas
parce que les suffrages exprimés sont parfois supérieurs au nombre de votants
au profit de qui vous savez ; les morts votent tandis que des citoyens
bien vivants doivent effectuer un véritable parcours du combattant à la
recherche de leurs cartes, parfois en vain ; les urnes disparaissent dans
les forets sacrés ; il y a des charters d’électeurs, qui parcourent les
bureaux pour voter de multiples fois ; tout cela dans l’impunité la plus
totale ; en effet, aucun des sous-préfets, préfets ou cadre de
l’administration impliqués dans les manipulations électorales n’a jamais été
sanctionné ; bien au contraire, ils ont plutôt été promus à de plus hautes
fonctions.
La neutralité de l’organe chargé d’organiser et de
superviser les élections est toujours sujette à caution ; certains le considèrent,
à tort ou à raison, comme une sous-section du RDPC en raison de la présence
ostentatoire dans les instances dirigeantes des caciques de ce parti ; il
n’y a pas de consensus sur la loi électorale. On a souvent entendu les
partisans du régime déclarer « que vous votiez pour nous ou non, nous
allons gagner », donnant ainsi l’impression que les élections dont les
résultats sont connus d’avance, sont juste une formalité pour une communauté
internationale toujours complaisante. Les élections sont autant de parties de
« qui perd gagne ».
Ce passé peu rassurant s’ajoute au fait que les
inscriptions actuelles ne sont pas suivies de la délivrance immédiate de la
carte d’électeur ; en quoi sont-elles biométriques ? Suffit-il que
l’on utilise des ordinateurs pour qu’elles le soient ? Y a-t-il un fichier
central ? Un même électeur peut-il s’inscrire plusieurs fois ?
En outre, l’implication du RDPC, principal
organisateur et bénéficiaire des fraudes massives qui ont découragé
l’électeur camerounais, dans le processus d’inscription n’est pas pour
rassurer. L’échec de leur campagne de sensibilisation en vue d’encourager les
inscriptions à l’occasion de l’élection présidentielle d’octobre
2011 n’a donc rien enseigné à ces Messieurs et Dames ? Le faible taux de
participation à cette élection est un indicateur du faible degré de confiance
des camerounais en ce parti. Et le faible taux d’inscription ci-dessus relevé
prouve à suffire que ce parti n’a jamais été que minoritaire. On ne peut pas
comprendre en effet qu’un parti qui se targue de majorités soviétiques ne soit
pas capable de persuader les camerounais de s’inscrire, malgré la forte
implication des ses élites, appuyés par les ressources publiques !!
En dépit de la gratuité de la CNI, mesure prise soit
disant pour encourager les inscriptions, l’échec est si cuisant cette
fois que certains envisagent même d’exiger la carte de vote dans les services
administratifs, ce qui serait un grave recul dans notre processus démocratique.
Au lieu de toute cette agitation tardive et
inopportune dont l’impact est nécessairement limité, voilà quelques actions qui
pourraient rassurer les camerounais et les inciter à s’inscrire :
nommer à la tête l’organe chargé des élections des camerounais neutres ou à
défaut des camerounais de tous les partis représentatifs, adopter une loi
électorale consensuelle, avec une élection présidentielle à deux tours, avec
limitation effective du mandat présidentiel. Ces propositions ne sont pas des
révélations ; elles ont déjà été faites par d’autres acteurs. Pourquoi ne
sont-elles pas prises en compte ?
Ceux qui s’évertuent à pontifier sur l’importance du
vote, comme si les citoyens n’en étaient pas conscients, ont tout faux ;
soit ils n’ont pas compris, soit ils sont de mauvaise foi. Le camerounais a besoin
d’être sûr que son vote va effectivement compter, ce qui est loin d’être le cas
actuellement. Dans les véritables démocraties, le suffrage a un pouvoir réel
parce qu’il est respecté ; au Cameroun, avec ce régime, on singe la
démocratie ; le suffrage a été spolié de son pouvoir par le régime qui ne
peut pas survivre à des élections transparentes.
Pourquoi le gouvernement camerounais qui a confisqué
l’initiative législative au Parlement, dans la mesure où aucune proposition de
loi venant de l’opposition ne peut y prospérer, pourquoi donc ce régime
autocratique, où l’exécutif contrôle le législatif et le judiciaire refuse-t-il
de s’inspirer de ce qui se passe dans des pays africains comme le Sénégal, le
Bénin, le Ghana en matière d’élections ? Et si l’on veut nous opposer la
spécificité camerounaise, il suffirait d’impliquer dans le processus électoral
toutes les parties prenantes ; ce ne sont ni les idées, ni les
propositions qui manquent. Le problème c’est un régime qui redoute des
élections transparentes et qui se sert de sa position au pouvoir pour contrôler
et verrouiller le processus électoral, afin de se maintenir ad vitam aeternam
au pouvoir, contre la volonté des populations.
Autant la fourberie et les trucages du régime sont à
déplorer, autant l’apparente résignation des camerounais est
injustifiable. En effet, les camerounais victimes des tripotages et des
manœuvres électoraux semblent dire « ce régime est prêt à tout pour
conserver le pouvoir, qu’il y reste donc ». Une telle attitude ne peut que
aider ce régime à assouvir sa soif inextinguible de pouvoir autoritaire et
éternel. Le camerounais est épris de liberté et de justice, comme l’ont prouvé
les soulèvements successifs depuis l’époque coloniale. Il faut sortir de cette
léthargie suicidaire et agir. Comment ? L’Histoire nous montre comment des
peuples tyrannisés se sont libérés.
TCHASSÉ Jean-Claude
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