Le
tribalisme. (première et deuxième partie)
En ce lendemain de fête nationale, notre chronique va porter
sur un problème qui risque de mettre à mal le projet national s’il est négligé.
Il s’agit du tribalisme.
Le tribalisme est l’un des fléaux sociaux les plus sérieux
auquel sont confrontés les camerounais et les africains en général. L’actualité
foisonne d’exemples de pays divisés et en guerre à cause du tribalisme. En
1994, cela a conduit à un génocide au Rwanda. C’est dire la nécessité qui
s’impose de sensibiliser les populations sur les attitudes à adopter dans le
but de lutter contre ce phénomène qui demeure présent, et qui est à l’origine
des suspicions, de la méfiance, des frustrations, des divisions, des haines, des
malentendus, des injustices, des discriminations et d’autres problèmes que vous
pouvez imaginer. On signale même de temps en temps des affrontements entre
certaines tribus rivales.
Le tribalisme résulte d’une mauvaise perception de l’altérité ;
c’est l’équivalent du racisme, qui est la croyance en la supériorité de la race
blanche ; c’est aussi appelé du communautarisme. C’est de l’hostilité
envers celui qui est différent, c’est de l’intolérance, de la violence. L’autre
est vu à priori comme une menace dont il faut se prémunir et qu’il faut s’apprêter
à combattre. On cherche à l’éviter ou à l’écarter. Celui qui se sent rejeté,
éliminé, frappé d’ostracisme en raison de ses origines et non à cause de ses
insuffisances ou de son incompétence est mal à l’aise ; il ne comprend pas
ce qui lui arrive, il est déboussolé et demande justice.
Le tribaliste a tendance à favoriser ceux de sa tribu, il
croit et il dit sa tribu supérieure aux autres tribus, il méprise par
conséquent les ressortissants des autres tribus; la proximité géographique
des lieux d’origine est le seul critère qui compte. Les patronymes et parfois
les faciès sont les éléments qui servent à attribuer des origines tribales,
avec tous les risques d’erreur que cela comporte. Ne dit-on pas qu’il ne faut
pas se fier aux apparences ? Des groupes s’organisent pour prendre le
pouvoir politique et le confisquer, afin de s’accaparer du patrimoine commun
; ils font croire que c’est au profit de leurs tribus d’origine, alors qu’en
réalité ce sont les membres du groupuscule, appelé dans ce cas une oligarchie,
qui en bénéficient. Des groupes de personnes, se considérant comme des
autochtones d’une région dénient aux autres, qu’ils appellent allogènes, le
droit de bénéficier de certains avantages, ou d’occuper certaines fonctions au
plan local. Le terme allogène prend tout son sens péjoratif puisqu’il n’est
évoqué que pour exprimer la volonté d’exclure, après avoir souligné
l’importance des disparités. Il ne revient que dans des discours clivants, pour
rappeler à ceux qui sont désignés par ce
terme qu’ils ne sont pas chez eux.
Parmi les manifestations du tribalisme, on peut citer les
attitudes suivantes : lors des recrutements, le responsable tribaliste réserve
le plus grand nombre de places à ceux de sa tribu ; c’est ainsi que dans
certaines écoles de formation, dans certaines directions ou dans certaines institutions,
on trouve certaines tribus en majorité ; lors des promotions, les postes
les plus juteux reviennent à certaines personnes bien précises ; la plus
grosse enveloppe budgétaire est réservée à sa région d’origine. Les priorités
nationales ne sont pas prises en compte. Il détourne quand c’est possible, des projets de
développement pour les envoyer dans sa région. Des infrastructures, qui
auraient été vraiment utiles dans une région sont détournées et envoyées dans
d’autres régions où elles sont peu utilisées, voire même abandonnées. Peut-on
comprendre qu’une route départementale soit privilégiée et bitumée au détriment
d’une route nationale ? Un lycée qu’on devait construire dans une ville a
été détourné et envoyé dans une autre ville ; plus tard le matériel de
laboratoire est arrivé, mais a été plutôt acheminé dans la ville où devait être
construit le lycée, et y a été bloqué.
Chaque tribu a des termes péjoratifs pour désigner les autres :
les nkwa, les belobolobo, les gadamayo, les camenogo, les bamenda, les wadjo, etc.
Quelle importance accorder à ces termes même s’ils semblent
dévalorisants ? Ne faut-il pas plutôt en rire ?
Lors des recrutements dans certaines écoles de formation, les
ressortissants de leurs lieux d’implantation respectifs se disent prioritaires
en tant qu’autochtones ; c’est tout juste s’ils ne demandent pas aux non
originaires, appelés les allogènes, d’aller attendre qu’on ouvre aussi ces
écoles dans leurs régions respectives.
Certains groupes sont considérés comme des envahisseurs et il
leur est prêté, à tort ou à raison des ambitions hégémoniques, c’est-à-dire la
volonté de dominer et d’exploiter les autres tribus ; le terme
ethnofascisme est utilisé dans ce sens.
On adhère à un parti non par conviction, ou par adhésion à
l’idéologie du parti, mais pour soutenir un frère du village. Et s’il arrive
que ce frère commette une gaffe on refuse d’apprécier objectivement les faits,
et on le défend bec et ongles. A contrario, on peut refuser d’être membre d’un
parti dont on trouve par ailleurs l’idéologie pertinente, tout simplement parce
que son leader est ressortissant de telle tribu qu’il faut combattre par tous
les moyens. C’est ainsi que ce leader peut faire l’objet d’attaques et de
fausses accusations et d’autres manœuvres visant à le discréditer.
Le plus déplorable, c’est qu’on trouve impliquées dans ces
pratiques détestables des personnalités haut placées, et des soit disant
intellectuels qui renoncent ainsi à jouer leur rôle d’éclaireurs et de leaders
d’opinion et se cantonnent dans le rôle peu honorable de défenseur de leurs
tribus respectives contre les autres. Je voudrais relever ici un
paradoxe : le phénomène perdure alors que le niveau d’instruction a
considérablement augmenté depuis les années 1960.
Certains personnages qui traînent des casseroles font appel à
la tribu pour prendre leur défense, alors qu’ils n’ont jamais reçu de mandat
pour représenter la tribu et que le fruit de leurs indélicatesses n’a profité
qu’à leur seule famille nucléaire. Le recours à la tribu a pour seul but de
semer la confusion, de jeter le trouble dans l’opinion. Mais tout cela serait
vain et risible dans un contexte où les différents rôles du pouvoir sont
indépendants jouent parfaitement leur
rôle. C’est dire que l’absence de démocratie constitue un terreau favorable au
développement du tribalisme.
Le tribalisme, c’est comme les poupées russes : à
l’échelle de la Nation, le tribaliste préfère sa région ; à l’échelle de
la région, il préfère son département ; au niveau du département, il
préfère son arrondissement. C’est le micro tribalisme.
Nous avons des traditions et des cultures différentes, mais loin
d’être perçues comme source de division, cette diversité doit être perçue comme
une richesse. Notre pays est considéré comme l’Afrique en miniature, puisque
qu’on y retrouve presque toutes groupes humains du continent.
Le sentiment d’attachement à nos villages est tout à fait
légitime. Celui qui ne sait pas d’où il vient est désorienté, il lui manque de
repères. Chacun doit connaitre ses racines, et contribuer à préserver et à
promouvoir sa tradition, sa langue et sa culture et en être fier. Mais cela ne
doit pas se faire au détriment des autres, et c’est une erreur de se croire
supérieur aux autres.
Suivez la troisième età dernière partie l mardi 30 mai 2017 à 08h 05 sur Radio Casmando 94.00 fm à Douala
Suivez la troisième età dernière partie l mardi 30 mai 2017 à 08h 05 sur Radio Casmando 94.00 fm à Douala
Jean-Claude TCHASSE
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