FONCTION
PUBLIQUE CAMEROUNAISE :
Salaire insuffisant difficilement acquis.
Le malheur du
fonctionnaire commence dès l’entrée dans la fonction publique; le
traitement de son dossier d’intégration met du temps pour aboutir ; cela
peut durer jusqu’à quatre ans ; le matricule solde est un véritable sésame
qui s’obtient au prix de nombreuses souffrances; que fait le jeune frais et
moulu de l’école de formation, sans ressources pour vivre, et bien souvent
affecté loin de sa famille ? Comment peut-on faire ainsi travailler les
enfants d’autrui sans salaire ?
Le salaire qui
devrait être une rétribution, une rémunération en contre partie de son travail
est considéré comme une faveur ; il est ainsi manipulé, et les décisions éminemment
contestables y relatives telles que le blocage des avancements, la titrisation
de la dette salariale, l’accumulation des arriérés se prennent sans qu’ils ne
soient consultés, et sans justification valable.
Les salaires
dans la fonction publique camerounaise sont caractérisés par leur bas niveau et
par leur iniquité ; entre 1992 et 1993, ces salaires ont été réduits trois
fois pour tout le monde, sauf pour les militaires, dans des proportions
démentielles, traduisant le peu de considération et le mépris des pouvoirs
publics pour les agents publics ; le décret antidaté n° 93/318 du 24
novembre 1993 modifiant les rémunérations des fonctionnaires et personnel de
l’administration relevant du Code du travail a diminué les salaires dans les
proportions suivantes :
salaires
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réduction
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00001 à 53711
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6%
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53712 à 75195
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12%
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75196 à 96680
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30%
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96681 à 118164
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42%
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118165 à 150391
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52%
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150392 à 224160
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54%
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224161 à 259814
|
60%
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Supérieur à 259814
|
66%
|
Entre temps,
il y a eu des revalorisations partielles, partiales et discriminatoires de ces
salaires ; c’est ainsi que les magistrats ont bénéficié en 1997 des primes
importantes qui les ont hissés au niveau des militaires, lesquels n’ont jamais
été inquiétés.
Cette baisse a
été aggravée par la dévaluation du FCFA, et l’application de mesures
draconiennes dictées par le Plan d’ajustement structurel (PAS). Les
fonctionnaires sont les principales victimes des politiques économiques
élaborées par les institutions ultralibérales de Washington.
En fin d’année
2006, le discours du Chef de l’Etat a laissé beaucoup, pour ne pas dire la
majorité des fonctionnaires camerounais sur leur faim ; en effet ils
attendaient tous l’annonce d’une augmentation de salaires, comme cela se
faisait régulièrement naguère, avant l’arrivée de M. Biya au pouvoir.
Et ils avaient
des raisons objectives de le penser : notre pays avait atteint au cours de
l’année 2006, le point d’achèvement de
l’initiative PPTE, synonyme d’allègement substantiel de notre dette extérieure devenue insoutenable d’une
part, et il y a eu d’autre part la ènième opération de recensement des agents
publics, qui a permis de dégager d’importantes sommes payées à des milliers de
fonctionnaires fictifs. Ces sommes auraient dû normalement être redistribuées
aux fonctionnaires en poste, sans nécessiter un plus grand effort.
En dehors
d’une brève et vague allusion au niveau de rémunération, le Président de la République n’a pas
procédé à l’annonce tant attendue, laissant du même coup ces fonctionnaires
dans une énorme déception et dans un grand désarroi.
les allocations familiales ne passent pas et les dossiers de remboursement
des frais médicaux disparaissent sans laisser de trace. Les fonctionnaires qui
refusent de corrompre et qui ont leurs salaires à jour en ce qui concerne les
effets financiers de leurs avancements et de leurs allocations familiales sont
rares.
L’opération de
titrisation a été une grosse arnaque. Décidée unilatéralement par
l’Administration, des sommes
arbitraires, censées correspondre aux arriérés accumulés pendant des années,
ont été servis sans que l’on ne sache sur quelle base, sans aucun document
explicatif, sans aucun récapitulatif ; pendant que certains jubilaient de
se voir attribuer des sommes qui dépassaient leurs espoirs, d’autres n’avaient
pas la moitié de ce qu’ils étaient en droit d’espérer ; d’autres qui
avaient pu se faire payer déjà ont encore reçu des titres. Les réclamations y
relatives sont restées sans suite.
Le refus
d’augmenter les salaires est un choix, une option implicite pour l’impéritie et
l’inefficacité des services publics ; c’est l’incitation à la corruption,
et les autorités en sont forcément conscientes, elles qui aiment bien brandir
leurs titres universitaires ; seulement sont-elles prêtes à assumer un tel
choix ? à moins que ce ne
soit un choix délibéré et voulu, à moins que cette situation pour déplorable et
suicidaire qu’elle soit, ne profite à certains, qui ont par conséquent intérêt
à ce qu’elle perdure. D’instrument économique pouvant servir à doper la
production par l’accroissement de la
consommation, les salaires ont été transformés en arme politique.
Les salaires
sont payés de façon fantaisiste à des dates qui varient d’un mois à
l’autre ; en août et en décembre 2006, pour prendre les exemples récents,
les salaires ont été payés respectivement avant le 25 et avant le
20 ; le prétexte étant d’aider aux préparatifs de la rentrée scolaire et
des fêtes de fin d’année ; cette façon de procéder est une mauvaise
solution au vrai problème que constitue le faible niveau des
rémunérations ; payer les salaires plus tôt c’est allonger les mois
suivants qui comptent par conséquent 35 , voire 40 jours.
L’intelligence pénalisée.
La valeur du
point d’indice est de 378 FCFA pour les indices compris entre 100 et 300,
et de 155 FCFA pour les indices compris entre 301 et 1140; c’est du nivellement
par le bas, l’intelligence est pénalisée ; l’ardeur au travail est
sanctionné négativement ; avec cela il ne faut pas être surpris de
l’inertie de notre Administration ; les cadres supérieurs ainsi condamnés
pour avoir fréquenté longtemps ; ils sont plus préoccupés par leurs fins
de mois à arrondir, et s’engagent dans des activités génératrices de revenus à
corps perdus, souvent sans rapport avec leur formation initiale, au détriment
de leurs services.
Il y a
injustice, discrimination salariale ; la valeur du point d’indice varie
d’un corps à l’autre ; il n’ y a pas d’échelonnement indiciaire unique
pour toute la fonction publique ; certains, comme les magistrats, les
militaires et les policiers vont jusqu’à 1400, tandis que d’autres s’arrêtent à
1140. on voit des statuts
particuliers par-ci, des statuts spéciaux par-là, etc., qui consacrent une
véritable ségrégation que rien de logique ne justifie.
La politique
salariale est ainsi marquée par l’iniquité, l’arbitraire, l’improvisation, la
navigation à vue ; elle est incohérente, inconséquente, inconsistante..
Cet état de
choses pose des problèmes qui ne peuvent être résolus que par la fixation, par
voie de négociation avec les représentants des travailleurs, de la rémunération
convenable telle que définie par Saint Thomas d’Aquin selon qui le juste salaire
est celui qui permet à son bénéficiaire d'avoir une vie conforme à sa position
sociale. Malheureusement, les autorités ne semblent pas pressées d’organiser
les élections professionnelles dans la fonction publique ; la sortie de
l’auberge n’est donc pas pour demain si les fonctionnaires continuent de se
croiser les bras en croyant à un père noël qui n’existe que dans les contes de
fées.
Obtenir un
avancement est un parcours du combattant au Cameroun ; vous devez aller à
Yaoundé déposer un dossier, et supposons qu’il ne disparaisse pas ; ce
dossier est traité pendant un temps indéterminé, et le pauvre fonctionnaire est
obligé d’effectuer de nombreux déplacements sur Yaoundé pour
« pousser » son dossier. Imaginez combien peuvent coûter tous ces
va-et-vient imprévus à celui qui est en poste à Ekondo Titi, à Mouloundou, à
Ngaoundéré, à Maroua, ou à Kousseri. Lorsque l’arrêté est signé, les effets
financiers ne suivent pas ; il faut porter soi même l’acte aux finances où
il faudra « bien parler » pour obtenir ces effets financiers, sans
les rappels. C’est pourtant précisé qu’une ampliation de l’arrêté devrait être
adressée aux finances pour exécution.
Et le Système
informatique de gestion intégrée des personnels de l’état et de la solde
(SIGIPES) ? Me direz-vous ? Sa mise en application, avec la
déconcentration de la gestion du personnel semble avoir plutôt compliqué les
choses. Embrouiller les procédures, telle est l’une de ces spécificités
camerounaises que nous devons au renouveau, et dont nous nous serions passés
bien volontiers. Qu’elle est loin, l’époque où le fonctionnaire était informé
de l’aboutissement de son dossier d’avancement par l’augmentation de son
salaire! Généralement, il faut composer plusieurs dossiers, parce que les
précédents disparaissent, aussi curieux que cela puisse paraître ; des
dossiers dûment enregistrés peuvent disparaître sans laisser de trace et il
faut recommencer. Le fonctionnaire souffre ainsi des dysfonctionnements dont il
n’est pas responsable. C’est pour cela qu’on trouve de nombreux agents qui
n’ont pas avancé de puis 7, 8, 9, voire 10 ans, par la faute de
l’Administration.
Le droit à la
santé, qui prévoit notamment que les dépenses de santé des fonctionnaires, de
leurs conjoints et de leurs enfants légitimes doivent être remboursés d’une
part, et l’évacuation sanitaire soit de l’intérieur du pays vers les hôpitaux
généraux, soit vers l’étranger, n’est pas effectif; les dossiers
disparaissent sans laisser de trace, pour ceux qui engagent la procédure.
Combien de fonctionnaires sont-ils morts, parce que incapables de se
soigner ?
Les
prestations familiales sont un autre serpent de mer ; les dossiers les
accordant sont signés par les Préfets, mais il faut encore, comme pour les
avancements, porter soi même la demande évidemment timbrée, avec le dossier
souche, à Yaoundé, où il faut encore « pousser » le dossier, sinon,
il se perd. Il est pourtant précisé sur l’arrêté en question qu’une ampliation
est adressée aux finances, comme pour les avancements. Pourquoi exige-t-on le
« dossier souche », alors que le Préfet, qui a signé
l’arrêté accordant les prestations l’a vu ? Ne lui fait-on pas
confiance dans les services centraux ? Allez donc savoir.
A l’occasion
des élections couplées du 22 juillet, le pouvoir de Yaoundé a décidé, dans le
but inavoué de les amadouer, d’octroyer
des avances de solde aux fonctionnaires ; c’est un crédit dont le montant
correspond à trois mois de salaire,
remboursable en 10 mois pour les actifs, et de 12 mois de salaire
remboursable en 40 mois pour les retraités; mais que représente ce geste pour
nos fonctionnaires empêtrés depuis plus de 15 ans dans d’innombrables problèmes
financiers ? Cela ne saurait constituer la réponse appropriée à plus de 15
ans de souffrances indicibles.
Le fait de
pouvoir payer ainsi 3 mois d’avance de solde signifie qu’il y a suffisamment
d’argent pour tripler les salaires des fonctionnaires ! Avant les baisses
de salaires, la masse salariale mensuelle était d’environ 22 milliards ;
ce qui est curieux, c’est que cette masse salariale a depuis doublé, sans que
les salaires aient été relevés ! Tout ceci veut dire que ce n’est pas
l’argent qui manque dans notre pays ; il y a de quoi revenir aux salaires
de 93 ; mais pourquoi le Gouvernement refuse – t – il d’augmenter les
salaires ? Par pure cynisme ; pour faire souffrir les camerounais,
injustement.
débloquer les avancements gelés
arbitrairement, payer les arriérés accumulés, puis augmenter d’au moins 100%
les salaires voilà des faits qui pourraient être un début de réparation des injustices
subies.
Jean-Claude TCHASSE
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