Remember
Um Nyobé.
Article écrit en septembre 2008. Entre temps, Le Président Français, François Hollande a promis lors de sa visite au Cameroun le 03 juillet 2015, la déclassification des archives de l'armée française. La statue de Leclerc à Bonanjo a été déboulonnée par Essama André Blaise.
13
septembre 1958 – 13 septembre 2008 : 50 ans 50 ans se sont écoulés depuis
l’assassinat, que dis – je, le lâche assassinat du Mpodol, du prophète, du
visionnaire, leader de l’UPC. Voilà 50
ans que nous cherchons vainement dans notre pays un leader de sa trempe, à sa
hauteur. Oui, visionnaire, prophète, Um Nyobé était tout cela à la fois. L’intégrité,
le nationalisme, le dévouement, l’abnégation de cet homme font de lui un
surhomme, un super héros, et il mérite d’être célébré, d’être cité en exemple
dans notre pays où la jeunesse manque de repères, à un moment où le berceau de
nos ancêtres est miné par la corruption, le tribalisme, la gabegie, les
détournements massifs de fonds, la fraude électorale, maux entretenus et pratiquement
institutionnalisés par la classe politique héritière des aujoulatistes,
cautionnée, agréée et imposée par la France. Oui, on peut refuser et rejeter la
corruption ce fléau qui nous cause tant de torts n’est pas une fatalité pour
notre pays. Il a demandé la réunification et l’indépendance du Cameroun dès le
lancement de l’UPC en 1948. C’était l’objectif de ce parti et aucun autre parti
n’y a pensé.
Nous
avons parlé ci-dessus d’assassinat il serait bon de faire une enquête pour
éclairer l’opinion sur les conditions de la mort du Mpodol. Cela permettrait de
poursuivre ses assassins, et les traîtres qui ont permis de le localizer. Les
autres crimes et exactions perpétrés par l’administration coloniale française,
de l’indigénat aux prétendues indépendances devraient être évoquées, et les
éclairages porteraient également sur la répression en pays Bassa et en pays
Bamiléké. Les archives de l’armée française nous seraient d’une très grande
utilité à cet égard.
Les
50 ans qui se sont écoulés ont suffi à certains pays pour améliorer de manière
significative leur statut. On parle aujourd’hui de dragons de l’Asie, avec les
taux de croissance à deux chiffres, et du côté de l’Amérique latine, bien des
pays ont progressé. Nous, pendant ce temps, on piétine, on recule meme; on est
passé de pays à revenu intermédiaire à PPTE, à la grande satisfaction de
certains, qui ont trouvé là un prétexte pour envoyer une motion de soutien à
qui vous savez. Notre économie reste dominée par le secteur primaire, et par
son omniprésence, et la voracité de ses agent du fisc, l’état empêche
l’émergence d’un secteur privé dynamique. Que serait devenu ce pays s’il avait
été dirigé par des hommes tels que Um ?
Notre
malheur vient de ce que nos colonisateurs n’ont jamais voulu laisser nos pays libres;
ils ont voulu contrôler le processus d’accession à « l’indépendance »,
maintenir leur main mise sur leurs anciennes colonies. C’est pour cela qu’ils
ont veillé à mettre sur la touche le seul parti véritablement nationaliste,
dont les leaders n’étaient pas prêts à se laisser acheter, ni à se livrer à des
compromissions. Ils ont été combattus, mis à l’écart comme en ont témoigné
entre autres, Guy Georgy, Ahidjo a été choisi par la France, qui l’a ensuite
aidé à asseoir son pouvoir, en massacrant les leaders nationalistes. Quel
intérêt la France avait-elle à s’engager ainsi ? Que gagnait-elle en envoyant
les agents de la SDECE, le contre espionnage français devenu DGSE, aux trousses
des nationalistes camerounais ? C’est bien le Général de Gaulle qui disait en
substance qu’entre les nations, il n’y a pas d’amitié, il n’y a que des interest;
autrement dit, ses motivations étaient loin d’être altruistes.
L’UPC
est le parti qui a dû engager la lutte armée contre les français, et cette
rébellion, unique en Afrique au Sud du Sahara, éclatait alors que les français
avaient déjà maille à partir avec les algériens. C’est sans doute ce qui
justifie leur riposte démesurée et disproportionnée, qui a causé un traumatisme
qui se fait ressentir aujourd’hui encore. Combattre les français nécessitait
une audace, un courage qui frisait l’effronterie au vu de l’inégalité des
forces en présence, une détermination, et un amour pour la patrie au nom de
laquelle on peut aller jusqu’au sacrifice supreme. On peut voir aujourd’hui où
nous ont conduit ceux qui ont préféré collaborer et jouer les laquais des
colonisateurs après un demi-siècle; le Cameroun malgré ses immenses ressources,
demeure un pays sous-développé, qui peine à atteindre un taux de croissance de
4 %, après avoir aliéné notre souveraineté économique.
La
situation actuelle du Cameroun, le comportement des français, la lutte acharnée
contre l’UPC menée par l’administration coloniale française, sont autant de
faits qui prouvent que Um Nyobé avait vu juste. Voir juste, être perspicace,
percer en lisant entre les lignes des discours officiels, les intentions
véritables du colonisateur, les dévoiler et les dénoncer comme le faisait Um
était perçu comme un affront intolerable. Il était devenu un obstacle pour la
réalisation des objectifs réels et inavoués des colonisateurs.
Au
moment où certains écrivent l’histoire de notre pays comme si elle avait
commencé en 1982, il faut revisiter notre histoire officielle, qui est la
version des vainqueurs, édulcorée et aménagée pour donner le beau rôle aux
méchants, où les bourreaux sont présentés comme des héros, et les victimes
comme les méchants. Le mot maquisard doit être débarrassé de ce qu’elle peut
encore avoir de péjoratif, pour désigner ce qu’il y a de meilleur, la crème,
qui pour notre malheur a été ostracisée, combattue, mise à l’écart. Lorsqu’on
parcourt nos villes, on constate que nos places publiques, nos rues, nos
avenues et nos boulevards, nos édifices et nos monuments sont dédiés aux
français ou à d’illustres inconnus camerounais dont le seul mérite est d’avoir
été serviles vis-à-vis de leurs maîtres français. Au français Leclerc, on a
dédié tout un Lycée, un monument en plein Bonanjo à Douala et peut-être autre
chose que j’ignore. Qu’a-t-il fait pour le Cameroun ? Il convient de rappeler
qu’il était en campagne pour la France quand il est passé au Cameroun dans les
années 1940. Les héros tels que Um Nyobé sont encore combattus même morts, ils
continuent de faire peur. L’une des façons de leur rendre hommage et de les
honorer serait de donner leurs noms à nos places, rues et autres boulevards,
comme cela se fait ailleurs.
Le
corps expéditionnaire français est resté au Cameroun même après nos prétendues
indépendances, et l’omniprésence française, son interventionnisme, même
discrète est toujours là en ce moment où l’on annonce un remaniement
ministériel, M. Paul Biya est allé en France, sans doute pour présenter sa
short list au maître avant publication. C’est dire si le combat du Mpodol est
d’actualité; sa pertinence et son opportunité se font ressentir aujourd’hui, un
demi-siècle après le crime des français. Il restera immortel par ses idées, il
est entré dans la postérité il gardera une place de choix dans notre histoire,
et occupera une position spéciale dans notre pantheon. Um Nyobé aurait pu être
notre De Gaulle, qui pour la France a été un leader historique; c’est
malheureusement ce de Gaulle qui par sa politique colonialiste n’a pas permis à
Um Nyobé de faire pour le Cameroun, ce qu’il a fait pour la France.
Um
Nyobé est de ces dirigeants qu’on ne trouve que dans les pays bénis de Dieu. C’est
un privilège pour notre pays que d’avoir vu naître sur son sol une personnalité
de cette envergure malheureusement pour nous, les français nous ont privé de
ses services. C’est le plus grand crime de la France, au-delà du pillage de
ressources dont nous sommes victims; il fallait éliminer les meilleurs d’entre
nous, donner le pouvoir aux médiocres et aux incapables, les soutenir dans
leurs exactions contre les populations, pour nous prouver que nous sommes
incapables de nous prendre en charge, afin de mieux justifier leur entreprise
coloniale, qui ne s’est jamais démentie. Oui, la domination et l’exploitation
continuent de façon éhontée en plein 21ème siècle. La souveraineté politique,
et l’indépendance économique de notre pays restent à conquérir.
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