Le mensonge. (Texte intégral)
La chronique de ce jour porte sur un vieux problème qui
persiste malgré ses conséquences néfastes. Il s’agit du mensonge ;
certaines personnes vont peut-être sourire en entendant l’intitulé de ce thème.
Pourquoi ? Parce que depuis qu’ils se sont réveillés ce matin, ils ont
déjà dit beaucoup de mensonges. Si on demande à ceux qui n’ont jamais menti de
lever le doigt, tous les bras resteront baissés, y compris le mien.
C’est sans doute devenu banal de dire des mensonges, au point
on semble s’y accommoder, on trouve que c’est normal de mentir ; ceux qui
pensent qu’il faut éviter autant que possible de mentir sont considérés comme
des naïfs. On dirait qu’ils sont des marginaux. On a donné l’impression qu’on
s’en sort perdant si on veut toujours dire la vérité. Et pourtant la vie serait
tellement plus simple pour tout le monde, si tout le monde disait la vérité.
Certains essaient de justifier cet état de choses en disant qu’on n’est pas
encore au paradis, que tant qu’on est sur Terre on va mentir, d’autant plus que
aussi longtemps que l’on remonte dans l’histoire de l’humanité, on trouve des
menteurs.
Néanmoins, Il faut dénoncer ces fieffés menteurs, ces
bonimenteurs invétérés, endurcis et impénitents
qui occupent l’espace public et se donnent en modèle aux jeunes, puisque sans
eux notre société se porterait beaucoup mieux ; notre pays serait beaucoup
plus développé qu’il ne l’est aujourd’hui.
Mentir c’est dire une chose qu’on sait fausse, c’est donner
une information en étant conscient qu’elle n’est pas exacte. C’est prendre des
libertés avec la vérité. Celui qui ment est malintentionné, malveillant ;
il cherche à tromper l’autre. Ici, l’intention compte ; celui qui ment
cherche à tromper, il veut induire en erreur, il a pour objectif non déclaré de nuire. Donc mentir à une
personne, c’est lui commettre du tort.
Pourtant le mensonge semble être le sport préféré des
camerounais. On ment dès la petite enfance, on ment en famille, on ment à son
conjoint, on ment au prêtre ou au pasteur, on ment aux fidèles, on ment au
service, on ment au téléphone, on ment en politique lors des campagnes
électorales, en faisant des promesses fallacieuses, en sachant qu’on ne les
tiendra jamais ; on ment sur les résultats des votes. Certains ont même
défini la politique comme l’art de bien mentir.
Le menteur cherche à bénéficier d’un avantage qu’il ne mérite
pas ; cela peut être pour avoir du travail, pour gagner de l’argent, pour
impressionner les autres, pour paraître important, pour s’introduire dans un
cercle alors qu’on ne remplit pas les conditions requises, pour séduire une
personne, etc.
On peut mentir pour éviter une sanction ; c’est
notamment le cas des enfants qui ont commis des gaffes, ils peuvent alors
prétendre soit qu’ils ne savent pas qui a posé l’acte répréhensible, soit
accuser un innocent d’être l’auteur de l’acte qu’il a posé.
Le mensonge complique les choses en justice en rendant
difficile la manifestation de la vérité. Soit l’accusé clame son innocence,
soit le plaignant accuse faussement, alors même qu’il est le malfaiteur, ou qui
cherche à aggraver les choses.
Les menteurs font parfois preuve de beaucoup d’imagination,
de ruse et de subtilité. On se dit parfois que le temps et l’énergie investis
pour atteindre cet objectif peu honorable auraient pu être mieux utilisés pour
faire des choses plus respectables et plus utiles. S’ils ne s’étaient pas
convaincus que le seul moyen pour s’en sortir consiste à tromper les autres,
ils pourraient réaliser des prouesses.
Mentir peut être une maladie ; on parle de
mythomanie ; c’est la tendance à mentir de manière compulsive ; il
ment sans y être obligé ; il éprouve un certain plaisir à mentir ; il
ne rentre dans aucune des catégories citées plus haut.
Faut-il le dire, le menteur est une personne malhonnête ;
le mensonge est un acte condamnable. Pour les chrétiens, le mensonge est un
péché. C’est prohibé par le commandement n° 9. Donc mentir, c’est violer la loi
de Dieu. Un chrétien ou toute autre personne qui croit en Dieu ne devrait pas
mentir. Pourtant on voit des croyants
qui pensent pouvoir mentir à Dieu. En période de jeûne, il y en qui se « cachent » pour manger.
L’idée que l’on puisse mentir à Dieu traduit une certaine ignorance et une
confusion sur la nature même de Dieu. D’où vient-il qu’on puisse s’imaginer
qu’il est possible de tromper Dieu ? Comment réfléchit-on pour tirer une
telle conclusion ?
On entend souvent dire que la vérité n’est toujours pas bonne
à dire. On a l’impression que en la disant dans certaines circonstances, on
peut provoquer des troubles, des maladies, voire des décès. Un médecin doit-il
dire à son patient qu’il est atteint d’une maladie incurable et qu’il ne peut
pas être soigné ? L’effet placebo qui consiste à présenter une substance
neutre ou un acte médical comme ayant des vertus thérapeutiques a parfois
produit des résultats surprenants ; des malades qu’on croyait condamnés ont
retrouvé la santé.
Et s’il faut dire la vérité, comment faut-il la dire ?
Dans certaines circonstances, il est tout à fait possible de la dire sans
choquer ou embarrasser le concerné. Annoncer une mauvaise nouvelle comme un
décès par exemple est une tâche qui n’est ni agréable, ni aisée. Il importe de
tenir compte de l’état d’esprit et de santé du destinataire du message et de le
ménager. Il est aussi recommandé d’utiliser des euphémismes dans nos relations
avec les autres ; cela évite de créer des tensions inutiles et permet
d’échanger de façon cordiale. Ainsi par exemple au lieu de dire « vous
êtes un menteur », dire « vos faites erreur ». Au lieu de dire
qu’une personne est vieille, il vaut mieux dire qu’elle est âgée.
Il y a ces mensonges qu’on dit sur les autres en leur
absence ; c’est de la médisance, de la calomnie, du commérage, c’est le
kongossa. J’ai vainement cherché le mot « malparler » dans le
dictionnaire. Pour parler des autres, il faut se rappeler des trois cribles ou
tamis de Socrate : la vérité, la bonté ou la beauté, l’utilité.
Le détecteur de mensonge est utilisé parfois à la police ou à
la justice pour confondre les malfaiteurs qui veulent utiliser le mensonge pour
s’en tirer.
Une autre forme de mensonge ; la manipulation, la
désinformation, la déformation de l’information,
Il y a des stratèges en communication, chargés de polir
l’image des hommes politiques ; ces officines, passés maître dans l’art de
mentir présentent leurs clients sous leurs plus beaux atours, ne disent pas
toute la vérité sur leurs parcours et leurs actions, évitent de dire des choses
susceptibles de leur nuire, ou alors essaient de les blanchir, de minimiser
leurs responsabilités, ou de les déclarer carrément innocents quand ils sont
impliqués dans des affaires louches.
Mais le public n’est pas dupe ; parmi les nombreux
organes de presse qui existent chez nous, on connaît ceux qui sont crédibles,
il y en qui font autorité de par le sérieux des personnels qui y sont employés,
de par la bonne réputation du promoteur. Il est connu par exemple que certains
médias sont des propriétés de certains hommes politiques qui les utilisent pour
se donner une bonne image, ou pour salir et dénigrer des adversaires et des
rivaux.
La crédibilité, la respectabilité et l’autorité
morale sont acquis par une recherche constante de la vérité. Et celui qui s’est
taillé la réputation de menteur n’est pas pris au sérieux, même quand il dit la
vérité.
Le maquillage aussi est une forme de mensonge très
répandue ; c’est surtout pratiqué par les femmes. Sous prétexte de soigner
leur apparence physique, certaines en arrivent à se transformer complètement le
visage, au point de se donner une image trompeuse. C’est de la pure tromperie.
Je me demande comment réagissent leurs partenaires attirés par cette fausse
apparence, quand celles-ci se trouvent dans leur état naturel. Nous félicitons
et nous encourageons nos sœurs qui gardent leur apparence naturelle.
L’espionnage est un domaine où se pratique énormément le
mensonge. Les films de James Bond nous en donnent une idée. Un espion ne se
présentera jamais comme tel. On le découvre seulement, en action quand on est
vigilent, ou bien après qu’il ait « frappé ». Les pays en guerre, ou
ceux qui rivalisent sur le plan industriel et économique par exemple
s’observent. Il est parfois question d’infiltrer certains groupes et mouvements
jugés nuisibles, à tort ou à raison. Je le dis parce que les partis politiques
et les autres mouvements pacifiques de la société civile sont souvent les
cibles de ces espions qui sabotent leurs activités, et leur font porter la
responsabilité des dérives observées lors des manifestations.
En guerre, en politique ou dans certains jeux (échec, damier,
cartes, etc.) la stratégie et la tactique consistent parfois à trouver des
astuces, des artifices et autres manœuvres pour tromper l’ennemi ou
l’adversaire. Il s’agit de l’impressionner, de le décourager de le dissuader et
au besoin de provoquer sa reddition. On bluffe, on ruse, on menace. On lui fait
croire qu’on est beaucoup plus puissant que lui, qu’il n’a aucune chance ;
on déploie pour cela des troupes, des armes, et d’autres ressources dont on
dispose, en lui faisant croire que ce n’est que la partie visible d’un iceberg,
on bombe le torse.
Il y en a qui ne veulent pas entendre la vérité, qui
souhaitent qu’on ne la dise pas, qui menacent ceux qui veulent la dire et font
tout pour les empêcher de s’exprimer. C’est généralement des régimes
autocratiques, des organisations maffieuses, des sectes maléfiques, des
groupements occultes, et leurs victimes ce sont les journalistes et les autres
personnes éprises de vérité et de justice.
Les documents concernant certains évènements importants sont
gardés au secret pendant longtemps et on parle souvent de la déclassification
de ces documents historiques pour que la lumière soit faite sur ces évènements.
On a besoin de connaître la vérité sur des évènements tels que la colonisation,
l’esclavage, les guerres. On a l’impression que l‘histoire a plusieurs
versions ; on parle même de la version des vainqueurs quand une guerre a
opposé deux camps et que le plus fort l’a emporté sans être nécessairement
celui qui avait raison, ou celui qui était le plus noble.
Peut-on faire la politique sans mentir ? Une société où
l’on ne dirait pas de mensonge est-elle envisageable, une telle société
est-elle souhaitable ? Certains répondent par la négative à ces questions.
Ce qui permet à certains hommes politiques de se bercer d’illusions, jusqu’à ce
qu’ils soient rattrapés par leurs malversations.
Dans l’histoire des peuples et des religions, il y a des
fables, des légendes. L’historicité des faits relatés n’est pas évidente à
établir. Mais il suffit que les peuples concernés y croient, et cela peut
servir à créer un sentiment d’unité, à faire croire à des gens qu’ils ont des
valeurs communes, des choses à partager. C’est comme cela que se construisent
les peuples.
Il y a des faux marabouts, des charlatans qui promettent
monts et merveilles aux personnes crédules qui les consultent ; ils
prétendent qu’ils peuvent voir dans le futur et prédire les évènements à venir.
Comme ils ne s’appliquent souvent qu’à voir ce qui plaît à leurs clients,
ceux-ci se sentent flattés et sont prêts à dépenser parfois des sommes
importantes pour entendre ces prédictions fantaisistes.
Dans la littérature, il y a la fiction et au cinéma il y a
les trucages, qui séduisent les spectateurs et les lecteurs, et les auteurs les
plus imaginatifs sont célébrés et honorés. Il faut dire que certains auteurs se
sont révélés être des visionnaires. Ils ont décrit des expériences imaginaires
qui ont été réalisées bien après leur disparition. On pense à Jules Verne,
écrivain français du XIXè siècle qui a évoqué par exemple des voyages sous les
mers et dans l’espace, avant que ces évènements ne se réalisent.
Les blagues font partie des histoires inventées et qui
détendent parfois l’atmosphère dans certaines circonstances. Les comédiens
entretiennent leurs spectateurs avec des anecdotes et d’autres histoires
inventées que ceux-ci apprécient. Les paraboles et les hyperboles ont été
abondamment utilisées par les grands penseurs et autres maîtres pour illustrer
et concrétiser leurs idées. J’hésite à les considérer comme des mensonges, bien
qu’ils évoquent des faits imaginaires.
Mais il faut relever pour le déplorer cette propension, cette
promptitude à mentir qui est observée. On ment pour un oui ou pour un non, on
ment allègrement alors qu’on y est pas obligé, alors qu’on peut dire la vérité
sans s’exposer à un danger.
Les menteurs finissent par être démasqués, tôt ou tard. La
pensée suivante de Abraham Lincoln nous revient à l’esprit « on peut
tromper tout le peuple une partie du temps, on peut tromper une partie du
peuple tout le temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le
temps ». On dit aussi « 99 jours pour le voleur, un jour pour le
patron » ou encore en anglais « fool me once, shame on you, but fool
me twice, shame on me ». On finit par s’apercevoir que celui qu’on
respectait n’était qu’un vulgaire menteur. Et ceux qui ont été victimes du
mensonge, ceux qui ont subi des désagréments à cause du mensonge découvert
demandent justice. Pendant que les menteurs sont couverts d’opprobre et de
déshonneur, ils perdent leur crédibilité.
Beaucoup vivent du mensonge : ils en font carrément leur
fonds de commerce. Cela peut être le cas des citoyens avec de fausses
identités, des commerçants avec de fausses balances, des opérateurs économiques
qui font de fausses déclaration en douane, des fonctionnaires avec de faux
papiers (diplômés, actes de naissance et de carrière, etc.), des élections
truquées, aux résultats falsifiés qui conduisent à des gouvernements
illégitimes et peu représentatifs.
Il y a deux catégories de mensonges : les mensonges blancs,
qui sont des déclarations qui ne sont pas en elles mêmes des mensonges, mais
qui ne disent pas toute la vérité, et les mensonges noirs qui sont des
déclarations que nous faisons en les sachant fausses ; dans les deux cas il y a
l’intention de mentir, de manipuler. Le fait qu’un mensonge soit blanc ne le
rend pas plus excusable ou plus tolérable. La rétention d’informations est la
forme la plus commune de mensonge, et parce que c’est plus difficile à
découvrir et à mettre en évidence, c’est plus pernicieux que le mensonge noir.
Plus on est honnête, plus c’est facile de le rester ; de la
même manière que plus on ment, plus on ressent le besoin de mentir.
La rétention de l’information, c’est le refus de communiquer
sur certains évènements, le refus de publier les résultats des enquêtes.
Peut-on décider de ne plus mentir et y arriver par la seule
force de sa volonté ? Je pense que
les croyants doivent solliciter davantage l’assistance et l’intervention du
Très-Haut sans laquelle la résistance à la tentation de mentir sera très
difficile, voire impossible.
010617
Jean-Claude TCHASSE
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