Code
Électoral: Quel recours? - Par Maurice Kamto
Le 20 avril
2012 a été rendue public la loi n° 2012/001 du 19 avril 2012 portant Code
électoral. Une vive controverse a entouré le vote de ce texte à l’Assemblée
nationale : les députés des principaux partis de l’opposition ont quitté
l’hémicycle en signe de désapprobation lors de l’adoption en séance plénière ;
les élus du parti allié au parti majoritaire à l’Assemblée nationale ont voté
contre, exprimant ainsi leur désaccord de manière solennelle. Le texte a
néanmoins été adopté par les députés du parti dominant, fort d’une majorité qui
semble acquise une fois pour toutes sur la scène politique nationale et qui n’a
cessé de s’amplifier depuis la «surprise inacceptable» de 1992, dans le
cafouillage favorisé par l’imperfection des lois électorales multiples.
Depuis l’avènement du Code, la controverse n’a guère faibli. Il m’a semblé
qu’il y avait lieu d’apporter quelques éléments d’analyse à ce débat portant
sur un texte susceptible d’influencer profondément la construction démocratique
dans notre pays, avant de dire en quoi le Chef de l’Etat peut, s’il le veut,
créer le consensus qui n’a pu se construire autour de ce Code.
Les principaux mérites du code
J’ignore pourquoi il a fallu attendre deux décennies pour répondre à la
nécessité d’avoir un corpus unique de règles régissant les questions
électorales dans notre pays. Le besoin d’une loi électorale unique se fit
sentir dès les premières élections consécutives au retour du multipartisme au
Cameroun au début des années 1990. La demande fut exprimée de manière
récurrente depuis lors. Sans doute chaque chose attend-elle son heure. Il faut
donc se réjouir de ce que ce Code électoral arrive enfin. Son premier mérite
est d’exister. Présentant en un tout cohérent et facile à consulter l’ensemble
des règles gouvernant les questions électorales dans notre pays, il rendra
aisées, sur le plan pratique, son appropriation par les citoyens et son
interprétation par le juge qui aura ainsi une compréhension globale du texte et
une appréhension contextuelle de chacune de ses dispositions.
Sur le fond, le Gouvernement ayant fait le choix d’une simple compilation
harmonisée des textes électoraux en vigueur- ce que l’on appelle en langage
technique une «codification à droit constant» - les dispositions novatrices
sont fort limitées. Le Code apporte des améliorations dans la répartition des
compétences entre les organes d’ELECAM : la hiérarchie d’autorité entre le
Conseil électoral et le Direction Générale est clairement établie au profit du Conseil
qui assure en particulier «la régularité, l’impartialité, l’objectivité, la
transparence et la sincérité des scrutins», la Direction générale agissant pour
tout et en toute circonstance «sous son autorité» et lui rendant compte de ses
activités au moins une fois par trimestre et aussi souvent que nécessaire en
période électorale. Cette nouvelle rédaction qui, on l’espère, devrait mettre
un terme aux conflits d’autorité et à fluidifier les rapports entre les deux
organes mérite d’être souligné, au regard des tensions qui sont apparues entre
eux et qui ont incontestablement affecté, tout le monde en a convenu, la bonne
organisation de la dernière élection présidentielle d’octobre 2011.
Cela étant dit, la meilleure manière de régler le problème du conflit
d’autorité né de la dyarchie créée par la nomination des membres du Conseil
électoral et de son Président, d’une part, et du Directeur Général et de son
Adjoint, d’autre part, par décret du Président de la République est de confier
au Conseil électoral le pouvoir de désignation du Directeur Général et du
Directeur Général Adjoint d’ELECAM.
Outre ces améliorations portant sur ELECAM, on relèvera l’introduction de la
carte électorale biométrique dans la loi électorale. Il s’agit de la réponse à
une des revendications majeures des acteurs électoraux au Cameroun. C’est une
innovation intéressante qui pourrait contribuer à solutionner le problème des
cartes multiples pour un même électeur et par suite à limiter la fraude
électorale, même si la question du délai de distribution des cartes se pose et
est de nature à atténuer, comme on le verra ci-après, l’enthousiasme initiale
suscitée par cette disposition.
Les principaux aspects perfectibles
On ne fait pas offense aux auteurs du Code en disant que certaines de ses
dispositions présentent des insuffisances ou des ambiguïtés, que d’autres ne
sont pas particulièrement claires et qu’ensemble elles constituent, pour ces
raisons, des sources potentielles de conflits. S’y ajoute le fait que quelques
dispositions encore pourraient heurter certains engagements internationaux de
notre pays.
L’article 6(2) crée une immunité pénale totale pour «les membres d’Election
Cameroon» pendant l’exercice de leur fonction. C’est une garantie utile. Reste
à savoir quels sont les bénéficiaires de cette immunité, car loi ne précise pas
qui sont les «membres d’ELECAM». S’agit-il seulement des membres du Conseil
électoral ? De ceux-ci ainsi que du Directeur général et de son adjoint, tous
deux nommés aussi par décret présidentiel ? Les responsables des démembrements
territoriaux nommés par le Conseil électoral, les responsables des structures
d’appui nommés par le Directeur général, l’ensemble des autres personnels
d’Elecam font-ils parties des membres de cet organisme ? Si c’était le cas, le
champ des personnes couvertes par l’immunité pénale serait trop étendu et
aurait pour effet de soustraire une franche importante de nos concitoyens aux
rigueurs de la loi pénale avec des risques d’abus de position pour le personnel
subalterne.
Aux termes de l’article 44(2) le Président de la République peut, en vertu des
articles 5 et 8 de la Constitution, mettre fin, selon le cas, aux fonctions du
Président, du Vice Président et des membres du Conseil électoral, ainsi que du
Directeur Général et du Directeur Adjoint des Elections. Il s’agit d’une
attribution constitutionnelle normale en vertu de laquelle le Président de la
République assure le fonctionnement régulier des pouvoirs et institutions
publiques. Il est cependant à craindre qu’en matière électorale il use de cette
compétence pour changer des responsables d’Elecam qui afficherait une trop
grande indépendance à son égard et sur lesquels il ne serait pas sûr de pouvoir
compter le cas échéant. On a vu comment un tel pouvoir a fait l’objet d’un
usage abusif et contesté en Guinée par exemple, et les tensions politiques
auxquelles cela a donné lieu. On pourrait donc compléter cette disposition en
précisant, soit que le Président de la République ne peut exercer ce pouvoir de
révocation alors qu’une opération électorale ou référendaire est en cours, soit
qu’il ne peut l’exercer qu’en concertation avec les partis politiques ou les
candidats engagés dans une élection.
L’article 52(8) paraît en porte-à-faux avec les paragraphes 4, 5, 6 et 9 du même
article ; il gagnerait à être clarifié.
On note une surreprésentation inexplicable de l’Administration au sein des
commissions prévues aux articles 64, 68. Par ailleurs on peut s’interroger sur
l’utilité du maintien de la Commission nationale de recensement général des
votes : dans la mesure où elle s’occupe des tâches purement matérielles de
«décompte général des votes» et de redressement des «erreurs matériels
éventuels» sans du reste pouvoir «annuler les procès-verbaux correspondants»,
elle fait un travail que refera le Conseil constitutionnel qui n’est nullement
lié par le procès-verbal dressé par la commission de toutes ses opérations. Le
maintien de cette instance étant de nature à allonger inutilement le délai de
proclamation des résultats des élections par le Conseil constitutionnel qui est
seul habilité à le faire. Il y aurait donc lieu de la supprimer ; et si l’on
tient à la garder on pourrait indiquer à l’article 69 que les observations de
chaque membre de ladite Commission sont consignées au procès-verbal de ses
travaux, ce qui pourrait aider le Conseil constitutionnel dans sa tâche,
notamment en cas de contentieux.
S’agissant précisément du contentieux électoral, l’article 132(2) prévoit la
possibilité de saisine du Conseil constitutionnel par «toute personne ayant
qualité d’agent du Gouvernement pour cette élection.» Cette disposition est
surprenante, car le Gouvernement, qui est un observateur neutre pouvant
accompagner le cas échéant ELECAM en vue du bon déroulement du scrutin, devient
indirectement partie prenante à l’élection. Le contentieux électoral ne
devrait-il pas être introduit uniquement par les paries à une élection, en
l’occurrence les candidats et les partis politiques ? Le Gouvernement ne
devrait-il pas intervenir dans ce contentieux seulement s’il est mis en cause
par l’une ou l’autre partie, donc en qualité de défendeur?
Un des points objet s de préoccupations majeures dans le Code est le montant du
cautionnement pour les candidats aux diverses élections. Si le montant fixé
pour l’élection présidentielle paraît acceptable en ce qu’il pourrait être
mobilisé par le parti politique ayant investi le candidat ou par ses 300
soutiens régionaux, il n’en va pas de même pour les candidats aux élections
législatives, celles qui donnent en définitive à la grande majorité des
Camerounais la possibilité d’exercer leur droit à l’éligibilité: un parti
politique qui veut présenter des candidats pour les 180 sièges de députés à
l’Assemblée Nationale devra déposer un cautionnement d’un montant de
(3.000.000F x 180) 540.000.000F (cinq cent quarante million) de francs. A ce
tarif-là seul le parti dominant, et quelques uns de ses alliés seront en mesure
de réunir une telle somme et par conséquent de présenter des candidats dans
toutes les circonscriptions électorales. Il s’agit d’une sélection par l’argent
qui obstrue l’exercice par tout citoyen camerounais de son droit à
l’éligibilité et bafoue de la sorte un des principes cardinaux de la démocratie
républicaine. Elle fait le lit d’une démocratie censitaire, si l’on veut
utiliser un terme un peu savant ; mais disons-le plus simplement, elle conduit
à une démocratie capturée, confisquée par les élites, non pas par toutes les
élites du pays mais par celles d’un seul parti.
A cet égard, il convient de rappeler que notre pays est soumis en la matière à
un certain nombre d’engagements internationaux auxquels il a souscrit
librement. Rappelons que dans le préambule de la Constitution du 18 janvier
1996, l’Etat du Cameroun affirme son attachement aux libertés fondamentales
inscrites entre autres dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de
1948 et toutes les conventions y relatives dûment ratifiées. Or, l’article 21
de la Déclaration universelle précitée dispose, en ses paragraphes 1 et 2 que :
«1. Toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires de
son pays, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement
choisis. 2. Toute personne a droit à accéder, dans des conditions d’égalité,
aux fonctions publiques de son pays.» Dans le même ordre d’idées, l’article 25
du Pacte international relatif aux droit civil et politique de 1966 dispose :
«Tout citoyen a le droit et la possibilité, sans aucune des discriminations
visées à l’article 2 et sans restrictions déraisonnables : a) de prendre part à
la direction des affaires publiques, soit directement, soit par l’intermédiaire
de représentants librement choisis ; b) de voter et d’être élu, au cours
d’élections périodiques, honnêtes, au suffrage universel et égal et au scrutin
secret, assurant l’expression libre de la volonté des électeurs ; c) d’accéder
dans des conditions générales d’égalité, aux fonctions publiques de son pays.»
Ajoutons que le Principe 7 de la Charte africaine de la démocratie, des
élections et de la gouvernance ratifiée par le Cameroun en novembre 2011 et
entrée en vigueur le 15 février 2012 prescrit la «participation effective des
citoyens aux processus démocratiques» et qu’aux termes de l’article 4(2) du
même traité, «Les Etats parties considèrent la participation populaire par le
biais du suffrage universel comme un droit inaliénable des peuples.»
Conformément à l’article 49, le Cameroun devra soumettre dans deux ans «un
rapport sur les mesures d’ordre législatif ou autre mesure appropriée prise en
vue de rendre effectifs les engagements pris dans la (…) Charte.»
Il n’est point besoin de commenter ici ces dispositions. Elles paraissent
suffisamment éloquentes par elles-mêmes. Il suffira de rappeler que dans ce
pays où le revenu annuel par habitant est de 700 dollars soit environ 350.000F
(pour un dollar à 500F), il faudra au Camerounais moyen environ 9 ans
d’économie de la totalité de son revenu annuel pour réunir le cautionnement
3.000.000F. De même, sachant que même pour un fonctionnaire de la catégorie A2
- la plus haute de l’Administration - avec une ancienneté de plus de 20 ans et
occupant des responsabilités élevées, il lui faudrait épargner l’intégralité de
son salaire pendant au moins un an pour rassembler cette somme, il y a lieu de
dire que cette disposition est plus que «déraisonnable». Je me refuse à croire
que le Président de la République, qui «négocie et ratifie les traités et
accords internationaux» (art. de la Constitution) et qui est le «garant» de
leur «respect» (art. 5(2)) puissent accepter de se mettre en porte-à-faux avec
ses obligations constitutionnelles.
Un autre point qui mérite attention est le délai de distribution des cartes
biométriques. Le Code électoral fixe un délai de 40 jours. Ce faisant il ne
résout pas le problème auquel il était censé apporter une réponse, notamment
celui des cartes d’électeurs non retirées par leurs titulaires. N’est-il pas
techniquement possible de remettre à chaque électeur sa carte d’électeur le
jour même de sa confection ? Renseignement pris il semblerait que ce soit
faisable. Cela faciliterait la tâche pour tout le monde : pour ELECAM comme
pour les électeurs.
Enfin l’article 118(1) apparaît comme une dangereuse curiosité. Certes, on peut
en comprendre l’esprit, même si j’ignore qu’est-ce qui est le plus grave entre
la situation visée dans cet article et celle des personnes qui, bien qu’ayant
perdu leur nationalité camerounaise par l’adoption d’une nationalité étrangère
ont pu être candidat à l’élection présidentielle. Je ne sais pas si le
législateur a entendu inclure ce cas de figure dans les hypothèses prévues par
l’article 118(2). Quoi qu’il en soit, cette disposition pourrait ouvrir la voie
à des dérives politiciennes en servant d’alibi pour écarter un ou des
candidat(s) jugés redoutable(s). Car que signifie se placer «de son propre
fait» «dans une situation de dépendance ou d’intelligence vis-à-vis d’une
personne, d’une organisation ou d’une puissance étrangère ou d’un étranger» ?
Est-ce avoir des contacts, des relations de quelque nature que ce soit avec ces
personnes ? Est-ce être marié à une étrangère, avoir jamais reçu un cadeau ou
bénéficié d’une aide ou d’une facilité quelconque de ces personnes? Et à quand
devront remonter les faits ? Il s’agit d’un véritable couperet qui pourra
s’abattre sur presque tous les candidats potentiels, et ceux qui exercent des
responsabilités au sein de l’Etat ne sont pas les moins exposés.
Les modifications subordonnées à une révision de la constitution
Trois amendements majeurs n’ont pas prospérés parce qu’ils sont
inconstitutionnels: la demande de l’abaissement à 18 ans de l’âge pour être
électeur, la réduction du mandat présidentiel à 5 ans renouvelable une fois et
l’élection présidentielle à deux tours. Il fallait réviser la Constitution en
ses articles pour que ces amendements fussent recevables. C’est donc à bon
droit qu’ils ont été écartés en l’état actuel de notre Loi fondamentale. Pour
autant leur pertinence demeure.
Sur l’âge pour être électeur, sans qu’il soit même besoin de faire une étude
comparative avec plusieurs pays africains de niveau comparable au nôtre,
laquelle montrerait que nous sommes retardataire à cet égard, il paraît
insoutenable d’admettre que le jeune camerounais doit être pénalement majeur à
18 ans (v. Code pénal) mais ne l’est électoralement qu’à 20 ans.
Sociologiquement, la pyramide des âges du pays a une base extrêmement large
avec une frange très importante de jeunes âgés de moins de 20 ans parmi
lesquels 100.000 environs entre dans l’enseignement supérieur chaque année, de
plus en plus à l’âge de 16/17 ans. Quand on parle des citoyens camerounais,
c’est aussi d’eux qu’il s’agit ; de cette jeunesse consciente qui a le droit
plus que quiconque de se prononcer sur son avenir à travers le choix de ses
dirigeants. Il est difficile de convaincre que des jeunes, qu’ils soient
urbains ou ruraux, ouverts sur le monde globalisé à la faveur de la télévision
et de tous les moyens de communication actuels, que des jeunes massivement
lettrés, et pour bon nombre engagés dans des formations universitaires, soient
à ce point politiquement mineurs et irresponsables qu’ils ne puissent avoir le
droit de vote dès l’âge de 18 ans. Si le Chef de l’Etat décidait de ne pas
reconsidérer les choses sur ce point, il donnerait l’impression d’avoir peur de
sa propre jeunesse ou de ne pas lui faire confiance. Dans un cas comme dans
l’autre ce serait terrible.
En ce qui concerne la durée du mandat présidentiel, on peut en discuter ; mais
il est sain pour notre démocratie de limiter à deux, pour l’avenir, le nombre
de mandats présidentiels. Cette limitation atténuerait les impatiences sans
diminuer la qualité de notre démocratie.
S’agissant de l’élection présidentielle à deux tours, elle apparaît comme une
des conditions de la légitimité démocratique aujourd’hui. L’élection
présidentielle à un tour ouvre la possibilité d’avoir un Président de la
République élu avec 25 à 30 °/° de suffrages favorables seulement, ce qui veut
dire qu’il gouvernerait en dépit du choix contraire de 70 à 75 °/° des électeurs.
On ne peut se satisfaire d’un déficit de légitimité aussi criard, car elle
serait la négation même de la démocratie présidentielle dans laquelle le
Président de la République tire sa force de la puissance de la majorité
populaire qui le porte ou le maintien au pouvoir.
Le président de la République comme recours
Voilà un énoncé inattendu, peut être ; paradoxal, sans doute; qui peut laisser
perplexe, j’en conviens. L’explication en est fort simple: l’élaboration de la
constitution comme de la loi électorale et la révision de l’une comme de
l’autre se font généralement par consensus dans les démocraties modernes:
l’une, la Loi fondamentale, constitue le socle de l’ordre juridique de l’Etat
et fixe les institutions et les règles supérieures de dévolution du pouvoir
auxquelles tous les citoyens d’un pays adhèrent ; l’autre, la loi électorale,
fixe les règles du jeu de la compétition électorale sur lesquelles tous les
acteurs de cette compétition doivent s’accorder. En ces matières la majorité
parlementaire détenue par un seul parti politique ne saurait suffire. Cette
majorité peut voter seule les lois permettant au Gouvernement qu’elle soutient
d’appliquer le programme politique du Chef de l’Etat élu. Mais les usages et
les bonnes pratiques démocratiques ne l’autorisent pas à user de sa position
majoritaire pour fixer ou modifier unilatéralement le cadre constitutionnel ou
les règles de la compétition électorale ; elles exigent un consensus des
acteurs à ce sujet.
Pour que le Code électoral récemment promulgué satisfasse à ces usages de la
démocratie constitutionnelle et réponde aux nombreuses attentes exprimées, il
faudrait, d’une part, réviser la Constitution, d’autre part, modifier la loi du
19 avril 2012. Théoriquement, la modification de la loi électorale peut se
faire par les voies suivantes : soit à la suite du succès d’un recours en
inconstitutionnalité devant le Conseil constitutionnel, mais l’initiative d’un
tel recours appartient concurremment au Président de la République, au
Président de l’Assemblée Nationale et au Président du Sénat, et l’on voit mal
comment les deux premiers qui seuls existent aujourd’hui pourraient se
prévaloir de leurs propres turpitudes ; soit à l’initiative de l’Assemblée
nationale qui peut faire une proposition de loi de révision, mais on sait que
l’avis du chef de l’Exécutif est nécessaire dans ce cas et notre histoire
parlementaire récente ne fournit pas de précédent de cette nature ; soit à
l’initiative du Chef de l’Etat qui peut instruire le gouvernement de préparer
un projet de modification de la loi et en saisir l’Assemblée nationale dont il
a, on le sait, la maîtrise.
En dépit du trompe-l’œil juridique, nous demeurons en régime présidentialiste.
Le Président de la République est, comme il est convenu de dire, la clé de
voûte du système. Lui seul peut prendre l’initiative d’une révision de la
Constitution et/ou de la modification d’une loi et la faire aboutir.
Techniquement, il aurait pu demander une seconde lecture de loi portant Code
électoral après son adoption par l’Assemblée nationale afin qu’y soient
apportées les améliorations nécessaires. Il n’est cependant pas sûr qu’avec des
députés en fin d’une session ordinaire prolongée en une session extraordinaire,
les résultats auraient été à la hauteur des attentes. Ce n’est donc sans doute
pas plus mal qu’il n’ait pas demandé une seconde lecture. Il peut maintenant
ordonner au Gouvernement de remettre sur le métier l’ouvrage du Code électoral
avec des instructions fermes sur la manière de procéder pour la réalisation
d’un texte consensuel : remettre un exemplaire du Code à tous les partis
politiques légalisés et les acteurs de la société civile travaillant sur les
questions politiques , en particulier sur les questions électorales; recueillir
les observations des uns et des autres ; préparer une mouture consolidée; en
discuter dans le cadre d’un forum avec les forces politiques et les autres
acteurs susvisés et faire approuver le projet final par les participants; le
soumettre au Chef de l’Etat afin qu’il enclenche la procédure législative pour
son adoption. Ce projet de modification du Code électoral devrait être précédé
ou accompagné d’un projet de loi portant révision de la Constitution en ses
dispositions ayant des répercussions sur le Code électoral. Son adoption ne
devrait pas être particulièrement difficile dans la mesure où il s’agira d’un
texte consensuel et où, en tout état de cause, l’adoption d’un texte de
révision constitutionnelle initié par le Président de la République se fait,
comme pour un projet de loi ordinaire, à la majorité absolue des membres du
Parlement.
Au total, une appréciation objective du Code montre que les insuffisances
l’emportent, et de loin, sur les quelques améliorations relevées ci-dessus. Il
n’y a aucune outrecuidance à suggérer que ce texte devrait servir de base à la
mise au point consensuel d’un code électoral moderne à jour et à la hauteur de
l’option affichée de notre pays pour la démocratie, offrant davantage de
garanties pour des élections impartiales, transparentes, sincères et crédibles,
et nous permettant de tourner définitivement le dos à la contestation des
résultats par les perdants. D’aucun verrons dans ces quelques suggestions une
incroyable naïveté. J’y exprime ma foi inoxydable dans notre capacité
collective à vouloir le meilleur pour notre pays et dans l’idée que les
transformations politiques auxquelles le Cameroun ne peut échapper peuvent
s’accomplir dans la paix à laquelle nous semblons tous si attachés, épargnant
ainsi notre peuple du malheur, de la douleur et du deuil.