NOMINATION DES
SÉNATEURS :
Y a-t-il de quoi pavoiser ?
L’actualité au
Cameroun en ce jour d’ascension est dominée par la nomination des
sénateurs ; en effet 30 sénateurs, à raison de 3 par région, ont été
nommés par décret présidentiel ce 08 mai
2013. Pour compléter les 70 « élus » au cours du scrutin controversé
du 14 avril dernier.
On peut en effet se
demander de quelle légitimité ces sénateurs peuvent se prévaloir. Certes, ils ont
été nommés en application de dispositions constitutionnelles. Cependant, il y a
deux problèmes :
D’abord, il n’y a
jamais eu de consensus autour de la Constitution de la République, toujours
taillée sur mesure, et adoptée par un Parlement issu d’élections entachées de
fraudes massives ;
Ensuite, lorsqu’on
sait comment se passent les nominations au Cameroun, on ne peut que se poser
des questions ; pour être nommé, il faut rentrer dans les bonnes grâces du
pourvoyeur de poste, qui au Cameroun jouit du pouvoir discrétionnaire. Et pour
y parvenir, on sait comment cela se passe chez nous ; corruption, trafic
d’influence, favoritisme, clientélisme, copinage, népotisme, tribalisme, compromissions
de toutes sortes, appartenance à certains cercles ésotériques, j’en passe et
des meilleurs. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les détenteurs de ce
fameux pouvoir discrétionnaire, eux-mêmes nommés discrétionnairement, ne se
sont distingués ni par leur probité, ni par leur rectitude morale, ni par leur
ardeur au travail, ni par leur compétence.
Si ces méthodes avaient permis de sélectionner les meilleurs d’entre
nous pour pourvoir aux différents postes, notre administration serait
effectivement productive, efficace et soucieuse de l’intérêt général et du bien
commun, ce qui est loin d’être le cas. C’est plutôt le règne de la corruption, de
l’incurie, de la concussion, des détournements de deniers publics, de
malversations de toutes sortes. Voilà où ont conduit les nominations façon
renouveau ; elles se sont révélées être de véritables calamités pour notre
pays qui se trouve pris en otage par des prédateurs, animés par une voracité
insatiable, à nulle autre pareille ; c’est pourquoi on retrouve d’anciens ministres
et premiers ministres qui se bousculent au portillon. Peut-on dans ces
conditions être fier d’une nomination, fût-ce au poste de sénateur ?
Quand un système est
ainsi animé par un individu qui nomme à tous les postes de l’administration,
qui nomme les parlementaires et les membres du corps judiciaire, c’est-à-dire
qui contrôle l’exécutif, le législatif et le judiciaire, comment peut-on
l’appeler ? Vous avez dit autocratie ? Car à force de vouloir tout
contrôler, il finit par se nommer lui-même Président de la République et les
élections dans ces conditions ne sont que des nominations déguisées.
C’est la personnalité
des personnes nommées qui inquiète davantage ; en effet, on y retrouve des
anciens hauts fonctionnaires, des hommes d’affaires prospères, et surtout des monarques
traditionnels. L’on peut se demander si ces personnes aurait été sénateurs si
elles avaient sollicité le suffrage des électeurs au cours d’un scrutin
transparent. Ces nominations consacrent le rôle de faiseur de rois de M. Biya,
qui s’est arrangé pour être le réel vainqueur des sénatoriales. Cela remet en
cause le caractère démocratique de la désignation des membres du sénat. Et de
toutes façons, ils seront encore moins légitimes que les « élus », lorsqu’on
sait que le corps électoral ayant désigné les 70 souffrait de deux handicaps
majeurs : il était incomplet, parce que uniquement composé de conseillers
municipaux, et son mandat avait déjà expiré. Si l’on y ajoute le fait que le
vote n’était pas libre, puisque les électeurs étaient contrôlés, on comprend que
le scrutin qui a abouti à l’élection des sénateurs n’était démocratique que de
nom.
Si certains sénateurs
vont être sortis de l’anonymat et leur situation financière va connaître un
changement radical, d’autres par contre ont déjà une renommée et sont financièrement
bien placés ; c’est le cas de certains monarques traditionnels et de
certains hommes d’affaires florissants ; on peut à juste titre se demander
ce qu’ils vont chercher au sénat ; le titre de sénateur ? L’immunité ? Les avantages matériels ? Le
prestige ? La question est pertinente pour une institution bancale en mal
de légitimité qui va inutilement coûter cher au contribuable.
Le titre de sénateur
va conférer des avantages matériels aussi bien aux titulaires qu’aux suppléants. M.
Biya, qui a nommé en vertu de sa seule munificence attend une contre
partie ; en effet cette nomination est loin d’être un acte magnanime et
désintéressé. Les bénéficiaires devront prouver leur reconnaissance ;
comment ? Ce n’est pas compliqué ; comme dans l’administration
camerounaise, ceux qui sont nommés doivent montrer leur gratitude en soutenant M. Biya, qui ne fait pas mystère de son intention
de s’éterniser au pouvoir par tous les moyens. Surtout que nous sommes à la veille
des échéances électorales. Les hommes d’affaires vont financer la campagne
électorale, et les chefs traditionnels vont user de leur influence pour pousser
leurs populations à voter pour le parti au pouvoir. Le sénat, comme du reste
l’administration publique, a été ainsi
réduit à un moyen de conservation de pouvoir par le régime.
Ce sénat aurait dû
être composé des patriotes les plus ardents, des plus dévoués à la cause
nationale. On aurait dû y retrouver les camerounais les plus intègres, les plus
compétents dans leurs secteurs d’activité respectifs ; malheureusement, le
monarque qui règne sur le Cameroun a verrouillé le processus électoral, et on
n’y retrouve que des personnalités à son image.
100513
TCHASSÉ Jean-Claude
PLEG HE/Bafoussam
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