BILAN
ALTERNATIF
Les 17 péchés capitaux du
renouveau
Peut-on dresser un
bilan alternatif de 34 ans de Renouveau à la manière de Paul Biya ? Cela
s’impose au moment où les media de service public dans leur parti pris pour le
régime, avec des journalistes obnubilés par leur carriérisme et paralysés par
la peur, en violation flagrante et grossière de la déontologie, rabâchent ce
qu’ils présentent comme les réalisations de M. Biya à la tête de ce pays. Parmi
les «hauts faits» de ce régime, on peut citer :
1. 1-Constitution violée
Une constitution
inadaptée, inappliquée et grossièrement violée. Le refus par M. Biya de
déclarer ses biens est assez illustratif de l’état d’esprit qui anime ces
messieurs et dames. Aucune des constitutions imposées à ce pays depuis la prétendue
indépendance n’a été adoptée suivant la règle définie en droit constitutionnel,
qui veut que l’on implique les populations détentrices de la souveraineté dans
le processus de bout en bout.
2. 2-Lois violées
De multiples violation
des lois et règlements de la République tolérées, voire encouragées tant qu’elles
ne constituent pas une menace pour le pouvoir, et érigées en mode de
gouvernement. L’incurie, la corruption, le tribalisme, le népotisme, le
favoritisme érigés en méthodes de gouvernement
3. 3-L’Etat et ses institutions pris en
otage par un régime
La confiscation et le détournement
des services publics, mis au service d’un seul homme.
Les ressources de l’état
utilisées abusivement et ostentatoirement par le RDPC ; une aile du palais
du congrès, les maisons du parti à travers le territoire, le Palais de l’unité et
les bureaux administratifs sont régulièrement mis à contribution sans vergogne
et sans contrepartie pour les caisses de l’Etat, dans les activités de ce
parti.
4. 4Les média publics confisqués
Les média de service
public sont en campagne électorale permanente pour le RDPC. Les moindres frémissements
de ce parti sont couvertes et répercutées bruyamment sur les antennes de la
CRTV et dans les colonnes de Cameroon Tribune, qui en même temps ignorent,
minimisent, discréditent et cherchent à dévaloriser les activités de
l’opposition.
5. Une Fonction publique improductive
Une Fonction publique aux
effectifs pléthoriques, dont d’innombrables fictifs qui échappent toujours
curieusement aux multiples recensements, et par conséquent improductive,
inefficace, budgétivore, plombée par la complaisance, la permissivité, le
laxisme, le laisser-aller et l’impunité.
Les salaires amputés
unilatéralement et illégalement de 70% sans mesures d’accompagnement ;
avec l’inflation galopante et incontrôlée, cette réduction drastique a entraîné une baisse vertigineuse du pouvoir
d’achat et la disparition de la classe moyenne. La régression subséquente de la
consommation et donc de la productivité de notre économie sont des obstacles
rédhibitoires pour la croissance.
6. Arrogance des dirigeants
L’arrogance, la
morgue, l’irresponsabilité, l’intimidation, la dissimulation, le mensonge
éhonté, voilà leur réaction face aux drames résultant de leur incompétence et
de leur impéritie.
7. Liberté d’expression et de
manifestation pacifique violée
L’interdiction et la
répression illégales des manifestations et des réunions pacifiques des
associations de la société civile et des partis d’opposition est récurrente.
Conscient de ses multiples défaillances, le régime redoute les moindres
rassemblements. La police est plus prompte à empêcher ces évènements qu’à
traquer les agresseurs et à prévenir les accidents de circulation. Le carburant
qui manque quand les forces de l’ordre sont sollicitées est toujours disponible
quand il s’agit de sauter sur les manifestations des « opposants».
8. Pas de place pour la morale dans ce
pays
La morale a été boutée
hors de l’espace public. De nombreux scandales impliquant de « hautes
personnalités» font les gros titres de la presse ; la rigueur et la
moralisation sont devenues de simples slogans auxquels l’initiateur ne croit
plus lui-même. On recherche vainement la probité, la vertu, la rectitude
morale, le sens de l’honneur et de la dignité dans les actions posées par des
dirigeants sans scrupules, cupides, avares, insatiables et animés, à l’image de
leur chef d’une voracité sans pareil ; ils poursuivent des objectifs individuels
et égoïstes, incompatibles avec les notions de bien commun et d’intérêt
général. Notre pays est une jungle où prospèrent les plus âpres au gain, les
pêcheurs en eaux troubles, les plus aptes à monter les intrigues et à profiter
des situations interlopes, les requins et les rapaces de tout acabit. Tout un
Gouvernement en prison alors que les malversations se poursuivent.
9. Economie à terre.
Le Cameroun a fait
cavalier seul pour signer les APE avec l’Union Européenne, alors que les autres
pays de la CEMAC observent encore.
Des pans entiers de
l’économie, comme le secteur avicole par exemple, souffrent de mesures
éminemment contestables et même injustifiées parce que prises sans concertation
avec les acteurs principaux. Le Cameroun est ainsi passé d’exportateur à
importateur dans certains secteurs. La production nationale a été défavorisée
et sacrifiée au profit des étrangers. Vous avez dit gouvernement de
renégats ? Comment un pays peut-il se développer en important ce qu’il
peut produire ? Et les précieuses devises ainsi perdues ? Non, ce
pays est décidément une singularité planétaire.
L’économie qui ne
décolle pas, faible taux de croissance, taux de chômage élevé, prédominance du
secteur primaire.
La dette publique qui
augmente dangereusement et dont le fruit est investi dans des projets
controversés, comme par exemple l’achat
de ces cinq cents mille ordinateurs promis à grand renfort de publicité aux étudiants,
alors qu’il eût été plus judicieux de construire avec un tel crédit une usine
pour monter ces ordinateurs sur place.
Le Cameroun est abonné
des plans d’ajustement structurel du FMI, en dépit des promesses de M. Biya de
ne jamais recourir à ces institutions chantres de l’ultralibéralisme, d’où l’abandon
des secteurs sociaux.
10. L’école sacrifiée
L’école est abandonnée
aux parents qui offrent les sites, construisent et équipent tant bien que mal
les salles de classe, prennent en charge le traitement des vacataires. Les
établissements publics sont donc rendus aussi chers que les établissements
privés à cause des frais d’APEE imposés en toute illégalité. Beaucoup d’élèves
sont contraints d’abandonner l’école parce que les parents sont incapables de
payer. Et c’est surtout les filles qui sont pénalisées parce que les parents
aux moyens limités préfèrent envoyer les garçons à l’école.
11. La santé abandonnée
La santé délaissée avec
citoyens paupérisés, des formations sanitaires aux dénominations pompeuses,
mais dénuées de plateau technique adéquat et dont les personnels ont un
traitement qui laisse à désirer, d’où les multiples évacuations sanitaires qui
coûtent cher, et qui engloutissent les sommes énormes qui auraient pu servir
précisément à équiper ces structures.
12. Le Cameroun otage de la Françafrique
Le Cameroun de Paul
Biya demeure avec le Congo de Sassou, le Gabon de la dynastie Bongo, le Tchad
de Idriss Déby (pas débile, s’il vous plaît !) un bastion inexpugnable du précarré
français où les réseaux françafricains règnent et opèrent en toute quiétude
avec la complicité active de leurs satrapes. Voyez le monopole insolent des
groupes français Bolloré, Castel, PMUC et ceux qui exploitent les bananeraies
dans le Moungo, et qui mettent en coupe réglée notre économie.
13. Politisation à outrance de la société
La Politisation à
outrance de tous les secteurs, il est difficile aux hommes d’affaires de prospérer
sans faire allégeance au pouvoir.
L’instrumentalisation
de la fiscalité, utilisée pour combattre l’initiative privée indépendante du
pouvoir, empêchant ainsi l’émergence de PME, et par conséquent la création de
la richesse, et donc des emplois.
14. Un Président absent et indifférent au
malheur de ses compatriotes
Les multiples longs
séjours dispendieux, injustifiés et qualifiés de « courts séjours »
de M. Biya à l’étranger.
Pas de compassion pour
les camerounais endeuillés ; M. Biya n’a jamais assisté aux obsèques et
n’a jamais rendu visite aux malades.
Sa femme qui était
habillée en tenue rose bonbon un jour de deuil.
15. Routes dégradées, non entretenues,
causes de nombreux accidents
Absences
d’infrastructures routières et mauvais
état de ceux existant, d’où de nombreux accidents mortels sur le
triangle de la mort. Il faut au six heures pour parcourir moins de 300 km sur
nos « axes lourds » : Bamenda-Yaoundé, Bafoussam-Douala,
Ngaoundéré-Garoua, Maroua- Kousseri. A l’Est et au Sud-Ouest en saison des
pluies, c’est grave. Yokadouma-Mouloundou, Mundemba-Ekondo Titi. La catastrophe
ferroviaire du 21 octobre résulte de l’effondrement d’une buse sur l’axe Douala
Yaoundé, et elle aurait été évitée si cet axe avait bénéficié des travaux
d’entretien.
16. Refus de rendre compte des
dirigeants.
Faces à ces multiples
dérives certains essaient d’incriminer tout le monde ; on accuse
l’opposition, on accuse le camerounais et certains déclarent même que tout
autre camerounais à la place de M. Biya ferait pareil, sinon pire. Et voilà
l’objectif du régime atteint ; faire croire que personne d’autre ne peut
mieux faire. D’autres rappellent qu’on ne peut pas mettre un gendarme derrière
chaque camerounais. Mais ce pays a des dirigeants qui se sont couverts de
privilèges et qui disposent de moyens colossaux pour jouer leur rôle. Le Président dans ce pays
concentre d’énormes pouvoirs. Il ne saurait honnêtement prétendre qu’il a fait
de son mieux, qu’il a fait le meilleur usage possible de ces moyens mis à sa
disposition, il ne saurait prétendre qu’il n’a été guidé que par l’intérêt supérieur
du peuple. C’est pour cela qu’il profite de sa position pour repousser autant
que possible, à défaut de l’éviter, le jour fatidique où il devra rendre
compte.
Le Cameroun piétine,
recule, notre pays se porte mal et regrette ce jour maudit où Ahidjo a eu la
très mauvaise idée de confier les rênes d’un pays comme le Cameroun à une
personnalité qu’il qualifiera lui-même ensuite de « faible, fourbe et
hypocrite».
17. Elections frauduleuses
Les élections ont toujours
été grossièrement truquées et dévoyées par une administration partisane avec
pour conséquence un pouvoir et des institutions illégitimes et à la
représentativité douteuse.
Comment avec de tels manquements
un régime a-t-il réussi à tenir 34 ans au pouvoir ? Vous convenez que dans
un contexte démocratique une telle « prouesse » est impossible. Si
les élections étaient vraiment des occasions où le pouvoir remettait en jeu son
mandat, avec la possibilité réelle pour les électeurs de sanctionner les
défaillances observées, nulle doute que ce régime aurait été balayé depuis des
lustres, et c’est du reste ce qui est arrivé en 1992 ; mais M. Biya a
perpétré un coup de force pour se maintenir au pouvoir, alors qu’il avait
perdu. Je n’arrive toujours pas à m’expliquer comment des camerounais qui
revendiquent toutes sortes de titres (intellectuels diplômés de grandes
universités, chrétiens, musulmans, hauts gradés de l’armée, hauts dignitaires,
chefs traditionnels, sultans, lamidos, fons, paramount chiefs, etc. ) qui se
veulent respectables ont pu avaliser une telle forfaiture. La peur de
représailles du pouvoir y est certainement pour beaucoup. Mais il faut aussi
dire que le soutien au régime est loin d’être un acte altruiste ; cela
peut en effet rapporter gros : promotion aux hautes fonctions, faveurs du
régime, tolérances administratives, etc. Ce n’est pas M. Charles Ndongo qui me
démentirait, lui qui a déclaré après sa nomination comme DG de la CRTV, que par
ce geste, le Président de la République lui a sauvé la vie, avant d’ajouter que
la CRTV est le tam-tam du Chef de l’Etat. Peut-on s’attendre à ce qu’il fasse
preuve de professionnalisme en restant neutre et objectif dans le traitement de
l’information après de telles déclarations ?
Les réalisations qui
nous sont présentées comme des dons généreux du couple présidentiel sont
ridicules et dérisoires si l’on tient des comptes des ressources dont ce pays
regorge. Il faut se demander quel pourcentage cela représente par rapport aux
objectifs que s’est fixés ce Gouvernement. On verra alors qu’on est très loin
du compte, et qu’il n y a vraiment pas de quoi pavoiser.
Ce pays mérite mille
fois mieux que çà.
061116
Jean-Claude TCHASSE
Auteur,
speaker, essayiste
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