par Serge Bilé et Audifac Ignace.
Livre de 120 pages, publié en 2008 aux éditions Pascal Galodé.
Cet ouvrage dénonce, avec force exemples, les comportements et autres attitudes racistes au sein de la curie romaine dominée outrageusement depuis des siècles, par les prêtres et les évêques européens en général et italiens en particulier. Il a fallu attendre quatre siècles pour que, en 1978 le premier Pape non italien, Jean-Paul II, sorte du conclave. Cela pourrait en surprendre plus d’un, qu’une telle pratique sordide et malsaine ait pu et continue d’avoir lieu au Vatican, siège de l’Eglise catholique romaine dirigé par le Pape, le successeur de St Pierre, qui a été désigné par Jésus Christ lui-même pour le représenter à la tête de son église.
Le Vatican ne serait-il qu’une vulgaire multinationale qui brasse des affaires se chiffrant en milliards et qui serait le siège, comme toute autre entreprise de ce type, de toutes sortes de manœuvres de bas étage, de malversations et d’intrigues ? Telle est la question qui se dégage à la lecture de cet ouvrage.
Mais il ne faut ni rêver, ni être trop exigeant. L’évêque zaïrois Emery Kabongo ex secrétaire particulier du Pape Jean-Paul II, sauvagement agressé dans les jardins de la résidence papale pourtant bien gardée, rappelle que « L’église est une construction humaine, avec des gens qui viennent de partout et qui se rencontrent. Donc, s’il y a un groupe qui devient majoritaire, il y a danger qu’il porte ses propres conceptions comme par exemple l’idée que les autres pourraient être inférieurs. »
En 1970, les prélats portugais de la curie romaine ont manœuvré pour faire capoter une audience accordée par Paul VI à Amilcar Cabral, Agostinho Neto et Marcelino Dos Santos, qui étaient les leaders des mouvements de libération des colonies portugaises d’Afrique. D’une façon générale, les prélats de la curie étaient soupçonnés de défendre les intérêts des régimes en place dans leurs pays respectifs. C’est ainsi que l’évêque zaïrois, qui en tant que secrétaire particulier de Jean-Paul II, avait accès aux informations transmises au Pape par la CIA, a été accusé d’avoir averti Mobutu d’un coup qui se tramait contre lui.
Les relations entre le Vatican et le continent noir datent du XVè siècle, pourtant, ce n’est qu’en 1969 qu’un Pape, Paul VI, visite pour la première fois l’Afrique. C’est aussi ce Pape qui a reconnu le premier, dans la lettre apostolique Africae terrarum dédiée au continent noir en 1967, que les noirs avaient une culture comme cela se dégage de cet extrait : « Un fondement constant et général de la tradition africaine est la vision spirituelle de la vie ; il ne s’agit pas simplement d’une conception dite ‘’animiste’’, dans le sens que l’histoire des religions donne à ce terme à la fin du siècle dernier. Il s’agit d’une conception plus profonde, plus vaste et plus universelle, selon laquelle tous les êtres et la nature visible elle-même sont tenus pour liés au monde de l’invisible et de l’esprit. »
On trouve en Italie des prêtres sans papiers, et des religieuses maltraitées qui finissent comme prostituées. Ces prêtres, envoyés par leur diocèse ou leur congrégation pour poursuivre leurs études, se sont retrouvés en Italie avec une bourse insuffisante pour couvrir leurs besoins normaux ; alors ils exercent des activités qui leur procurent de quoi arrondir leurs fins de mois, au point de négliger leurs études. C’est ainsi qu’au terme de la durée légale de leur séjour, ils n’ont pas obtenu leurs diplômes et beaucoup ont honte de regagner leurs pays dans ces conditions. Quant aux religieuses, elles sont confinées aux tâches domestiques et reçoivent une rémunération insuffisante ; elles s’adonnent donc au plus vieux métier au monde sans quitter leur congrégation d’accueil, pour faire face aux charges.
Comment peut-on être crédible quand on dénonce le racisme dans le monde alors qu’on n’a pas la volonté de le combattre dans sa propre maison ?
Les auteurs évoquent pour le dénoncer, le soutien des prêtres italiens à l’agression en 1935 de l’Ethiopie par l’Italie de Mussolini. La béatification en 1996 par Jean-Paul II du Cardinal Alfredo Ildefonso Schuster, qui s’est distingué par un soutien sans réserve à cet acte du dictateur alors qu’il était archevêque de Milan au moment des faits a laissé perplexes les Africains du Saint siège. Les prêtres italiens en poste en Ethiopie à ce moment-là ont fourni des informations précieuses à l’armée italienne. L’église a activement soutenu dès le début l’entreprise coloniale. On se souvient de ces prêtres mués en agents de renseignements, qui livraient les combattants nationalistes aux autorités coloniales après les confessions. Par peur de se voir sevré du financement Italien, Pape Pie XI a dénoncé mollement la guerre en Ethiopie. Son successeur Pie XII a vigoureusement dénoncé le nazisme et le racisme des dirigeants du troisième Reich. Cependant il a donné des instructions pour que les soldats noirs soient écartés des troupes déployées à Rome après la libération. Il a dû être influencé par le sentiment antiraciste qui prévalait alors qu’il était le nonce apostolique en Allemagne. En effet dans le contingent français qui occupait la Rhénanie, à la suite de la défaite de l’Allemagne, il y a avait les « tirailleurs sénégalais » et que les racistes accusaient de violer les blanches.
Bien que interrogatif, le titre du livre peut se justifier par cette légende tirée de la Bible et selon laquelle une malédiction poursuit inlassablement les noirs, considérés à tort ou à raison, comme descendants de Cham. Ce fils de Noé avait été maudit et son fils Canaan condamné à être esclave de ses frères par son père, dont il avait malencontreusement découvert la nudité. Cette malédiction a sans doute contribué à conforter les membres caucasiens du clergé dans leurs attitudes discriminatoires. Sur quel acte les auteurs de l’ouvrage s’appuient-ils pour dire que « la malédiction de Cham est censée avoir disparu depuis Vatican II » alors qu’ils affirment qu’elle n’a pas été abordée lors de cet important concile tenu de 1962 à 1965 ? Cette question est importante lorsqu’on voit l’état du continent noir en ce XXIè siècle. La guerre, la maladie, la misère, l’ignorance règnent ; et ces fléaux, qui poussent des milliers de fils du continent sur les chemins de l’émigration clandestine, sont entretenus par une frange de son élite intellectuelle, devenue son pire ennemi. Difficile de croire que cette malédiction a été levée.
Le Cardinal béninois Bernadin Gantin a été papabile, c’est-à-dire qu’il avait le profil et le parcours idéal pour être Pape et avait été pressenti pour succéder à Paul VI, puis à Jean-Paul Ier. Mais parmi les obstacles à la concrétisation de ce rêve, il y avait ses origines béninoises. L’autre africain favori à un conclave (celui de 2005) était le cardinal nigérian Francis Arinze. Mais quelles sont véritablement les chances qu’un noir africain devienne Pape avec un conclave largement dominé par les cardinaux européens ? Apparemment les esprits ne sont pas encore préparés à cette éventualité, comme en témoignent l’incompréhension et l’hostilité observées en Italie suite à l’élection de Denny Mendez, jeune fille de race noire originaire de saint Domingue, comme Miss Italie.
Une autre manifestation du racisme dans l’Eglise est le blanchiment des personnalités de race noire. Cela consiste en la présentation dans leurs portraits de ces noirs avérés, comme des blancs. En ont été victimes, Victor Ier, Pape en l’an 189, Miltiades, Pape en l’an 311 et Gelase Ier Pape en l’an 492, et le premier saint africain, Maurice l’égyptien. Cela ressemble à s’y méprendre à la controverse entretenue sur la race des égyptiens constructeurs des pyramides. Pour toujours mieux associer le noir au mal et au vice, les racistes noircissaient les personnages blancs réputés pour leur mauvaise conduite.
N’est-ce pas là l’une des multiples causes de nombreux schismes qui continuent de fragiliser l’Eglise et les différents factions et sectes qui en ont résulté ? On se demande à la lecture de cet ouvrage si certains papes et autres éminentes personnalités (cardinaux, évêques), ayant occupé de hautes fonction au Vatican, croyaient vraiment en Dieu. Se comporteraient-ils de la sorte s’ils croyaient vraiment que l’enfer, qu’ils brandissent tel un épouvantail, et qui serait la destination des pêcheurs, si cet enfer-là existe vraiment ?
311017
Jean-Claude TCHASSE
Auteur, Essayiste
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