POURQUOI J'ECRIS.
Mon regard.
Mon regard sur mon pays : tel est en effet le titre qui
peut être donné aux articles de ce blog. Il est composé de notes de lectures de
certains ouvrages, des réflexions et des analyses au sujet de certains
évènements ayant marqué l’histoire et l’actualité de mon pays. Ces essais
représentent le regard d’un citoyen épris de vérité, de liberté et de justice,
soucieux de contribuer à sa façon à l’avènement d’une société dominée par ces
valeurs. C’est un regard qui se veut froid, détaché, lucide, objectif et désintéressé.
J’y exprime ma déception de voir mon pays et mon continent pris en otage par
des politiciens véreux et sans scrupules, tout juste préoccupés par les
avantages de toutes sortes et les honneurs que le pouvoir procure, et qui sont prêts
à tout sacrifier pour le conquérir et le conserver. Mon pays et mon continent
me semblent trahis par ses propres fils qui ont pactisé avec une puissance
hostile et dont l’entreprise de conquête, de domination et d’exploitation à notre détriment, entamée avec
l’aventure coloniale, demeure
d’actualité sous une forme moins criarde, plus subtile et toujours plus
pernicieuse. Il est désolant que tout bilan objectif ne puisse être que
négatif, 56 ans après les soit-disant indépendances des pays anciennement
colonies des puissances européennes. En effet ce ne sont pas les ressources
humaines ou matérielles qui manquent. L’Afrique a tout le nécessaire pour offrir
à ses enfants une existence honorable et digne. Dans d’autres continents des
pays moins bien lotis ont progressé pendant ce temps. L’Afrique reste à la
traîne. C’est le théâtre de guerres civiles, des pénuries, des déficits et des
carences de toutes sortes, des catastrophes, d’affrontements sanglants entre
tribus, d’attentats, de coups d’états. La prolifération des sectes religieuses
n’est pas le moindre des problèmes.
Au moment où je rédige cette introduction, on signale la
vente comme esclaves de jeunes migrants africains qui fuient la misère et sont
en route pour l’Europe, à la recherche de verts pâturages, en quête de bonnes
conditions de vie. On serait tenté de croire que le continent noir est maudit,
que les descendants de Cham sont sous le coup de la malédiction du Noé de
l’Arche, qui les avait condamnés à être des esclaves de leurs frères. Le Cameroun
est un concentré des maux qui minent l’Afrique. Décolonisation manquée,
ingérence française dans les affaires, influence néfaste de la françafrique, tripotage
du texte constitutionnel, taillé à la mesure du régime en place, application
approximative de la loi, interdiction des manifestations, élections truquées, déficit
de morale, corruption, détournements massifs de deniers publics, qui semblent
défier l’opération épervier, censée combattre ces derniers maux, et qui a
envoyé en prison tout un gouvernement, longévité d’un régime autocratique et
corrompu, soutenu par des intellectuels en quête de privilèges et d’honneurs,
tribalisme, abandon de l’école traduit par un mépris inacceptable des
enseignants.
Certains textes sont des témoignages, où je rends compte de
mon vécu. J’analyse les faits et je propose des solutions, des mesures à prendre,
des attitudes à observer, des choses à faire pour redresser la situation. Quel
pays lèguerons-nous à nos enfants ? Nous avons le devoir de nous battre
pour leur offrir de bonnes conditions de vie. Qu’ils ne se croient plus
condamnés, qu’ils ne se croient pas maudits, qu’ils ne se croient pas obligés
de fuir. Nous devons leur montrer la voie, à défaut de leur avoir donné de bons
exemples.
Le seul fait d’écrire peut-il suffire à changer positivement
la situation décriée ? J’ai l’impression qu’en écrivant, je mets mon
talent au service de mon pays, de mon continent. On dit que la plume de
l’écrivain est une arme ; je veux informer, interpeller, conscientiser,
rappeler les principes et les normes, inquiéter, sensibiliser, faire des
propositions, dénoncer, me démarquer, me désolidariser des comportements
répréhensibles, dans le but de provoquer des changements, de pousser à l‘action.
Qui suis-je pour le faire ? À cette question, je réponds « qui
faut-il être pour le faire ? ». Je suis directement concerné, touché
par les retombés négatives des exactions citées ci-dessus ; ainsi quand je
fais par exemple le bilan de ma carrière d’enseignant de niveau BAC+5, j’ai
subi les conséquences de la mauvaise gestion des ressources et du personnel, de
la violation et du refus d’appliquer les textes en vigueur, toutes choses qui
m’ont empêché d’avoir la carrière valorisante et de mener la vie digne auxquelles
je pouvais prétendre au vu de mes compétences, de mon dévouement, de mon
abnégation et des ressources de mon pays. J’aurais pu choisir comme d’autres,
de pêcher en aux troubles, de chercher à tirer mon épingle du jeu, comme le font ces cadres qui de mon
point de vue ont démissionné, renonçant ainsi à jouer leur rôle d’éclaireurs,
et ont intégré le système et qui soutiennent le régime, mais pour quels
résultats ? Cette attitude n’est pas du tout constructive, et c’est elle
qui a conduit à la dégradation actuelle.
Et même si je n’en souffrais pas, il me semble que j’ai un
devoir de solidarité envers toutes ces victimes de ces politiques inadaptées,
de l’avidité et de la cupidité de ces personnes égoïstes et mal intentionnées
qui écument la scène et obstruent l’horizon. Je ne vois pas comment on peut
être heureux et content tout seul dans un océan de misère. Et enfin, si Dieu
m’a donné ce talent de l’écriture, cette intelligence et a voulu que je sois
fils de ce continent à problèmes, c’était certainement dans un but précis,
c’est qu’Il avait une mission pour moi.
Le fait d’écrire permet de coucher mes idées sur une feuille,
afin de prendre du recul, pour mieux apprécier les situations vécues ;
c’est aussi une modeste contribution à la mémoire collective ; c’est ainsi
que s’écrit l’histoire d’un pays. Il n’est pas sûr que les journalistes saisissent
toujours la complexité et tous contours et les détails d’une situation donnée.
Et bien souvent les conditions d’exercice de leur profession ne sont pas de
nature à favoriser une appréciation objective et rationnelle des faits vécus.
Je prétends donc que ceci peut être considéré comme contribution complémentaire
au travail des journalistes.
Pourquoi les dictatures empêchent-elles à leurs citoyens de
s’exprimer ? Pourquoi la liberté d’expression est-elle un des droits fondamentaux
de l’homme ? Pourquoi jusqu’au XXIè siècle les journalistes sont-ils encore
poursuivis et pourchassés ? Parce que leurs écrits dérangent. Les auteurs
d’exactions contre leurs concitoyens restent des êtres humains doués de
conscience.
Pourquoi la presse est-elle considérée comme 4è
pouvoir ? Pourquoi les pouvoirs en place cherchent-ils à contrôler
l‘information ? Ils dépensent des fortunes pour soigner leur image dans
des officines de communication.
Pourquoi j’écris ? Je me sens interpellé à le faire.
J’en ressens le besoin. Ecrire pour moi est comme un besoin naturel et je dois
le faire pour être soulagé. J’ai été moi-même surpris du nombre d’articles que
j’ai écrits. J’exprime ma révolte, mon indignation devant les injustices
perpétrées.
On ne saurait sérieusement reprocher aux écrivains et autres
auteurs de se contenter d’écrire, sans passer à l‘action. C’est déjà l’action
et de toute façon, la réflexion précède l’action.
Bafoussam, le 20 novembre 2017.
Jean-Claude TCHASSE.
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