SÉNATORIALES
2013 :
Gare aux manipulations
À
l’occasion des élections sénatoriales, on a vu des listes de candidats
présentées par le RDPC parti au pouvoir, rejetées aussi bien par ELECAM que par
la Cour Suprême ; un observateur non averti, peu au courant des pratiques
autoritaires qui ont marqué notre parcours jusqu’à présent, pourrait se laisser
prendre au jeu et croire que nous sommes en démocratie ; les thuriféraires
et autres hagiographes du régime crient déjà à l’indépendance des organes qui
ont pris ces décisions ; le Cameroun serait-il subitement devenu
démocratique ? Serait-on tenté de se demander.
Il
faudrait être naïf, avoir la mémoire courte pour qu’une telle pensée vous
effleure l’esprit. En effet, on ne saurait oublier le contexte dans lequel se
tiennent ces élections qui vont conduire à un sénat en manque de légitimité :
·
en effet, le corps
électoral aurait dû être constitué des conseillers municipaux et des
conseillers régionaux ; or ces derniers conseillers n’existent pas encore
dans notre pays ; voilà le premier problème ;
·
le deuxième
problème, c’est que le mandant des conseillers municipaux actuels a expiré depuis
juillet 2012 ;
·
le troisième, c’est
la maîtrise du calendrier électoral par M. Biya tout seul ; jugez-en vous-même,
les échéances électorales ne sont jamais respectées : elles sont toujours soient
anticipées, soient convoquées avec retard, sans explication ni raison valable ;
·
quatrième problème,
c’est le code électoral non consensuel ; on se souvient que lors de son
adoption à l’Assemblée Nationale, l’opposition avait quitté la salle pour
marquer son désaccord ;
·
le cinquième problème,
c’est que même si leur mandant courrait encore, on se rappelle que les
élections couplées municipales/législatives de juillet 2007 étaient entachées
de fraudes massives comme l’ont été toutes les élections organisées au Cameroun
depuis la période coloniale ; il y a une illégitimité originelle qui
frappe tous le dirigeants du Cameroun depuis les premières élections dans les
années 1950, à laquelle s’ajoute l’illégitimité actuellement décriée.
Il
y a d’autre part la rencontre au Palais de l’Unité entre le leader de l’opposition
M. Ni John Fru Ndi et M. Belinga Eboutou le Directeur du Cabinet Civil de M.
Biya. Avant cette rencontre, John Fru Ndi promettait « d’aider M. Biya à
brûler le Cameroun » s’il convoquait les sénatoriales avant les
municipales qui sont imminentes ; exiger que les sénateurs soient élus par
les conseillers municipaux issus des élections en 2013 est une position logique
et louable ; mais à notre surprise, John Fru Ndi change de position au
sortir de la rencontre ; il approuve la convocation anticipée du corps
électoral pour les sénatoriales et annonce même qu’il est candidat ; qu’est-ce
qui s’est passé entre les deux hommes ?
Avec
le début d’informatisation du processus électoral, les fraudes qui ne peuvent
pas disparaître avec ce régime vont diminuer d’ampleur ; ce qui veut dire
le nombre de conseillers municipaux du parti au pouvoir qui n’a gagné que grâce
à ces fraudes massives, va diminuer au profit de l’opposition ; avec un
corps électoral issu de telles élections le sénat aurait eu un plus grand
nombre d’opposants. Voilà l’un des raisons qui ont poussé M. Biya à anticiper
les sénatoriales.
Pendant
la rencontre, John Fru Ndi aurait eu l’assurance qu’il aura quand même quelques
sénateurs et d’autre part, il y a le financement pour la campagne qui n’est pas
négligeable ; il y aurait donc eu un deal RDPC/SDF au sommet sans
consultation de la base. Les pauvres militants ne comprennent pas ce qui leur
arrive et les premières personnes pressenties dans listes RDPC à l’Ouest, qui
avaient déjà fêté leur « élection » n’ont plus que leurs yeux pour
pleurer. Les raisons invoquées pour rejeter la liste du RDPC, parti qui généralement
ne se fait pas de scrupules pour violer la loi, est d’une légèreté incroyable ;
c’est à croire que cela a été fait exprès par ceux qui souhaitaient ce résultat
au sein du parti des flammes.
Peut-on
honnêtement croire que les responsables d’ELECAM et de la Cour Suprême aient pu
se permettre de rejeter les listes du RDPC sans en référer à la Présidence ?
Le
plus décevant est la participation de toute l’opposition à ces élections
sénatoriales ; ils savent qu’ils ne sont là que pour crédibiliser une institution
en mal de légitimité et de représentativité. Le sénat 2013 sera dominé par le
RDPC, dont le Président s’est déjà donné la possibilité de nommer 30 membres;
l’opposition va y faire de la figuration ; il ne faut pas s’attendre au
moindre changement dans la conduite des affaires dans notre pays. Ce sénat ne
contribuera en rien à l’avancement de notre pays, cela ne constituera pas une
menace pour ce régime. On voit déjà comment cela se passe à l’Assemblée
nationale actuelle ; la présence de l’opposition n’a pas empêché au régime
RDPC de continuer avec la corruption le tribalisme et le détournement de
deniers publics. Quelle différence y aura-t-il entre le Cameroun sans sénat et
le Cameroun avec le sénat ? Aucune.
030413
TCHASSÉ Jean-Claude
PLEG HE/Bafoussam