mercredi 3 avril 2013

SÉNATORIALES 2013 : Gare aux manipulations


SÉNATORIALES 2013 :
Gare aux manipulations

À l’occasion des élections sénatoriales, on a vu des listes de candidats présentées par le RDPC parti au pouvoir, rejetées aussi bien par ELECAM que par la Cour Suprême ; un observateur non averti, peu au courant des pratiques autoritaires qui ont marqué notre parcours jusqu’à présent, pourrait se laisser prendre au jeu et croire que nous sommes en démocratie ; les thuriféraires et autres hagiographes du régime crient déjà à l’indépendance des organes qui ont pris ces décisions ; le Cameroun serait-il subitement devenu démocratique ? Serait-on tenté de se demander.

Il faudrait être naïf, avoir la mémoire courte pour qu’une telle pensée vous effleure l’esprit. En effet, on ne saurait oublier le contexte dans lequel se tiennent ces élections qui vont conduire à un sénat en manque de légitimité :
·       en effet, le corps électoral aurait dû être constitué des conseillers municipaux et des conseillers régionaux ; or ces derniers conseillers n’existent pas encore dans notre pays ; voilà le premier problème ;
·       le deuxième problème, c’est que le mandant des conseillers municipaux actuels a expiré depuis juillet 2012 ;
·       le troisième, c’est la maîtrise du calendrier électoral par M. Biya tout seul ; jugez-en vous-même, les échéances électorales ne sont jamais respectées : elles sont toujours soient anticipées, soient convoquées avec retard, sans explication ni raison valable ;
·       quatrième problème, c’est le code électoral non consensuel ; on se souvient que lors de son adoption à l’Assemblée Nationale, l’opposition avait quitté la salle pour marquer son désaccord ;
·       le cinquième problème, c’est que même si leur mandant courrait encore, on se rappelle que les élections couplées municipales/législatives de juillet 2007 étaient entachées de fraudes massives comme l’ont été toutes les élections organisées au Cameroun depuis la période coloniale ; il y a une illégitimité originelle qui frappe tous le dirigeants du Cameroun depuis les premières élections dans les années 1950, à laquelle s’ajoute l’illégitimité actuellement décriée.

Il y a d’autre part la rencontre au Palais de l’Unité entre le leader de l’opposition M. Ni John Fru Ndi et M. Belinga Eboutou le Directeur du Cabinet Civil de M. Biya. Avant cette rencontre, John Fru Ndi promettait « d’aider M. Biya à brûler le Cameroun » s’il convoquait les sénatoriales avant les municipales qui sont imminentes ; exiger que les sénateurs soient élus par les conseillers municipaux issus des élections en 2013 est une position logique et louable ; mais à notre surprise, John Fru Ndi change de position au sortir de la rencontre ; il approuve la convocation anticipée du corps électoral pour les sénatoriales et annonce même qu’il est candidat ; qu’est-ce qui s’est passé entre les deux hommes ?
Avec le début d’informatisation du processus électoral, les fraudes qui ne peuvent pas disparaître avec ce régime vont diminuer d’ampleur ; ce qui veut dire le nombre de conseillers municipaux du parti au pouvoir qui n’a gagné que grâce à ces fraudes massives, va diminuer au profit de l’opposition ; avec un corps électoral issu de telles élections le sénat aurait eu un plus grand nombre d’opposants. Voilà l’un des raisons qui ont poussé M. Biya à anticiper les sénatoriales.
Pendant la rencontre, John Fru Ndi aurait eu l’assurance qu’il aura quand même quelques sénateurs et d’autre part, il y a le financement pour la campagne qui n’est pas négligeable ; il y aurait donc eu un deal RDPC/SDF au sommet sans consultation de la base. Les pauvres militants ne comprennent pas ce qui leur arrive et les premières personnes pressenties dans listes RDPC à l’Ouest, qui avaient déjà fêté leur « élection » n’ont plus que leurs yeux pour pleurer. Les raisons invoquées pour rejeter la liste du RDPC, parti qui généralement ne se fait pas de scrupules pour violer la loi, est d’une légèreté incroyable ; c’est à croire que cela a été fait exprès par ceux qui souhaitaient ce résultat au sein du parti des flammes.

Peut-on honnêtement croire que les responsables d’ELECAM et de la Cour Suprême aient pu se permettre de rejeter les listes du RDPC sans en référer à la Présidence ?
Le plus décevant est la participation de toute l’opposition à ces élections sénatoriales ; ils savent qu’ils ne sont là que pour crédibiliser une institution en mal de légitimité et de représentativité. Le sénat 2013 sera dominé par le RDPC, dont le Président s’est déjà donné la possibilité de nommer 30 membres; l’opposition va y faire de la figuration ; il ne faut pas s’attendre au moindre changement dans la conduite des affaires dans notre pays. Ce sénat ne contribuera en rien à l’avancement de notre pays, cela ne constituera pas une menace pour ce régime. On voit déjà comment cela se passe à l’Assemblée nationale actuelle ; la présence de l’opposition n’a pas empêché au régime RDPC de continuer avec la corruption le tribalisme et le détournement de deniers publics. Quelle différence y aura-t-il entre le Cameroun sans sénat et le Cameroun avec le sénat ? Aucune.

030413 
TCHASSÉ Jean-Claude
PLEG HE/Bafoussam