Que fait Macron au Tchad ?
Telle est la
question qu’on peut légitimement se poser lorsqu’on a vu le Président français
à Ndjamena ce vendredi 23 avril
2021. Le prétexte, c’est les obsèques du
Président Tchadien Idriss Deby, tué deux jours plus tôt au front de la guerre
contre une rébellion interne, soit des tchadiens qui se sont résolus à prendre
les armes contre un régime qui avait déjà duré 30 ans et qui comptait durer
longtemps encore. Le défunt Président a aussitôt été remplacé par son fils de
37 ans, en violation des dispositions constitutionnelles qui prévoient qu’en
cas de vacance au pouvoir, c’est le Président de l’Assemblée Nationale qui
devient Président de la République, le temps d’organiser de nouvelles
élections. C’est donc un coup d’Etat qui vient d’être perpétré au Tchad, et les
partis d’opposition, le clergé et la société civile ont dénoncé ce coup de force.
Alors on peut se demander pourquoi la France, pays de la démocratie et des
droits de l’homme, patrie de Montesquieu, a avalisé ce putsch, digne de l’Afrique
francophone, avec cette succession dynastique, où l’on voit un Président
remplacé par son fils, et les institutions suspendues. Il faut signaler que le Président
assassiné venait d’être réélu à la soviétique. Il fait donc partie, avec Paul Biya
du Cameroun, Obiang Nguéma de la Guinée Equatoriale et Sassou Nguesso du Congo,
de ces dinosaures d’Afrique Centrale qui se croient indispensables à leurs
pays, et qui font tout pour s’accrocher au pouvoir. De l’aveu de Idriss Deby
dans une interview, il n’a pas tenu sa promesse de ne faire que deux mandats à
cause de la France qui l’a poussé à modifier la constitution pour se
représenter. On pense aux autres dictatures qui perdurent au pouvoir selon le
même schéma. Elections truquées, utilisation abusive des ressources de l’Etat, répression
sauvage des manifestations de l’opposition, silence de la communauté
internationale qui visiblement a abandonné ces pays censés être des anciennes
colonies de la France à leur triste sort. Car il faut le souligner, ces régimes
qui font des décennies au pouvoir malgré leur bilan catastrophique, ne doivent
leur longévité qu’au soutien actif de la France, qui entérine et avalise les
multiples entorses aux processus démocratiques et constitutionnels.
Pourquoi les
évènements de la capitale tchadienne ne concerne-t-elle que la France ?
Pourquoi la France se sent-elle obligée d’intervenir au Tchad ? Pour
entériner un coup d’Etat et soutenir des actions impensables en France,
présentée comme un pays démocratique ? Il faut le dire Macron agit au nom
de la France. En dehors des discours désapprobateurs de certains français, n’y
a-t-il pas moyen de dissuader les Présidents français d’engager leur pays dans
ces aventures antidémocratiques ? Il est aisé de constater qu’il se dégage
une constante dans le comportement des différents Président français vis-à-vis
de l’Afrique francophone. Ils soutiennent ces régimes autocratiques, animé par
des prédateurs corrompus, incompétents et incapables par conséquent de répondre
aux aspirations de leurs populations. L’état de l’Afrique francophone en
particulier, caractérisé par un sous-développement plutôt surprenant 60 ans après
les prétendues indépendances est très révélateur à cet égard. On se souvient
que la France a combattu les véritables nationalistes pour installer au pouvoir
des marionnettes acquis à sa cause au moment de ces indépendances qui se
révèlent factices et trompeuses aujourd’hui. Ruben Um Nyobé, Patrice Lumumba,
Sylvanus Olympio avaient raison, leur combat était noble et juste.
La France veut
montrer que les africains sont des incapables en soutenant les plus médiocres,
que par eux-mêmes les africains ne valent rien. La présence de Macron au Tchad
était un message. C’est du mépris pour les africains. Voilà le vrai racisme dans
toute sa laideur. La France reste fidèle à elle-même ; elle continue sa
politique de domination et d’exploitation des pays africains avec l’aval des
autres puissances occidentales. C'est donc elle qui continuera à choisir et à
imposer dans son pré-carré, des dirigeants chargés avant tout de veiller sur
ses intérêts. La France ne fait pas de la philanthropie. En quoi la stabilité
et l’unité du Tchad l’intéresse-t-elle ? Pourquoi est-elle le seul pays d’Europe
à intervenir ? La Libye était stable et prospère avant l’intervention d
Sarkozy et Obama. Voyez le capharnaüm qu’ils y ont créé et qui a plongé dans l’instabilité
toute la bande sahélienne. L’important arsenal libyen et les armes fournies aux
rebelles s’est retrouvé entre les mains des jihadistes de l’AQMI et de Boko
Haram. Aucun pays de la sous-région n’est épargné. La Côte d’Ivoire qui aurait
pu être la vitrine d’une coopération réussie avec la France, tant le vieux Houphouët
s’est compromis dans les intrigues françaises, est passé par la guerre, les
rebelles de ADO étant soutenus par la France. C’est d’ailleurs l’armée
française qui a bombardé le palais pour en déloger de force Laurent Gbagbo.
Voyez l’attitude
de Macron au Tchad. Imbu de sa puissance, bouffi d’orgueil, il plastonnait et
se croyait obliger de donner des leçons ! Ce paternalisme est
inacceptable. Il se conduisait comme le véritable patron, le véritable Chef et
le nouveau Président tchadien, en véritable laquais, devait se plier en quatre.
Le plus
étonnant dans l’affaire, c’est qu’il se trouve des africains pour admettre et
soutenir cet état de choses. Pourquoi les africains, victimes ne font-ils pas
bloc pour dénoncer cette attitude de la France ? Il faut le dire, ce
comportement de la France n’est possible que parce qu’elle trouve des africains
pour l’accompagner. Depuis le temps de l’esclavage, il y a toujours eu des
collaborateurs qui ont soutenu et orienté les ennemis du peuple noir. Et cela
continue. Le jeune Deby, nouveau Président Tchadien s’inscrit dans cette lignée
de la collaboration avec les envahisseurs français. Le sort du peuple tchadien
est le cadet de leur souci. Ces africains qui collaborent et soutiennent les
dictateurs et les autocrates placés et soutenus par la France y trouvent leur
compte. C’est des petits calculs égoïstes, des manœuvres intéressées qui leur
rapportent un gain personnel, sans aucun souci pour le devenir de la majorité
qui vit encore en ce XXIè siècle dans la misère la plus abjecte.
Ces manœuvres de
la France doivent être dénoncées et condamnées avec la dernière énergie. La France
considère toujours nos pays comme des colonies d’exploitation et n’abandonnera
jamais. Telle est la substance du message que Macron est venu délivrer ce 23
avril à Ndjamena. Il ne faut pas s’y tromprer. La France est l’ennemi numéro un
de l’Afrique.
240421
Jean-Claude TCHASSE